R. c. Powley est une affaire juridique traitant des droits de chasse des peuples métis du Canada. En 1993, l’Ontario poursuit Steve et Roddy Powley pour chasse illégale. Les Powley contestent alors l’accusation à leur encontre et affirment que les droits autochtones énoncés dans l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 garantissent leur droit à la chasse en tant que Métis. L’affaire se termine en 2003 lorsque la Cour suprême du Canada décide que les Powley ont effectivement exercé leur droit de chasse métis. L’affaire Powley est à l’origine des critères déterminant si une personne peut profiter des droits légaux accordés aux Métis. Elle définit 10 conditions spécifiques, connues sous le nom de test Powley, qui s’appliquent aux communautés métisses de l’ensemble du Canada. L’affaire clarifie également que les Métis forment un peuple indépendant, distinct des peuples des Premières nations et des Inuits du Canada. Certains experts judiciaires avancent que l’affaire Powley pourrait entraîner l’élargissement des droits des peuples métis, y compris ceux ayant trait à la pêche et à la récolte, et potentiellement ceux concernant l’autonomie gouvernementale.
Contexte
En 1993, un chasseur métis, Steve Powley, et son fils Roddy abattent un orignal mâle près de Sault Ste. Marie, en Ontario. Ils attachent à leur prise une note écrite à la main mentionnant qu’elle servira de provisions pour l’hiver. Cependant, puisque les deux hommes ne possèdent pas de permis en vertu de la Loi sur la chasse et la pêche provinciale, ils sont accusés de chasse et de possession de gibier illégales.
Tous deux plaident « non coupables », affirmant qu’ils ont le droit, en tant que Métis, de chasser pour s’alimenter en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cet article reconnaît et affirme « les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada ». Il ne définit cependant pas les droits des Métis et ne spécifie en aucun cas si ces droits relèvent du pouvoir fédéral ou du pouvoir provincial. Les cours sont alors laissées à elles-mêmes pour tirer des conclusions. Puisque les tribunaux n’ont pas encore défini le droit de chasse des Métis, la Métis Nation of Ontario reconnaît l’affaire comme une cause type et décide d’y apporter son soutien financier.
Première décision
Les Powley sont acquittés en 1998 par la Cour de justice de l’Ontario après que le juge Charles Vaillancourt valide le fait que l’article 35 garantit leur droit de chasse métis. La cour déclare ainsi que la chasse est une pratique historique importante pour les Métis dont la valeur fondamentale a persisté dans la communauté moderne.
La décision à l’issue de l’affaire R. c. Powley établit les critères permettant de déterminer qui peut profiter des droits métis. Le juge définit une personne pouvant revendiquer les droits métis en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 comme étant « une personne d’ascendance autochtone, qui se considère comme un Métis et qui est reconnue par la collectivité métisse comme un Métis ». La cour déclare que le mot « Métis » à l’article 35 fait référence à des peuples distincts qui, en plus de leur ascendance mixte, ont développé leurs propres coutumes, modes de vie et identité collective, différents de ceux de leurs ancêtres. Elle ne définit cependant pas l’identité métisse dans un cadre culturel; elle ne fait que déterminer les critères caractérisant les détenteurs de droits métis. (Voir aussi Les Métis sont un peuple, pas un processus historique et Les « autres » Métis.)
Appels
La Couronne lance la décision en appel, mais sa demande est annulée en janvier 2000 par la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Le juge Stephen O’Neill rejette l’appel et confirme la décision initiale. Cependant, son tribunal adopte différents critères pour définir les personnes pouvant revendiquer des droits métis. Il conclut qu’un Métis est « une personne (a) qui a des liens familiaux ancestraux (pas nécessairement génétiques); (b) qui se considère comme un Métis; et (c) qui est reconnue par la communauté métisse ou par une division, une section ou un conseil d’une association ou d’un organisme métis auquel cette personne désire être associée. » Pour déterminer la validité du troisième critère, la cour déclare que les personnes et les groupes métis doivent prouver qu’un certain nombre de personnes d’ascendance mixte « forment un groupe ayant une identité collective distinctive; vivent ensemble dans la même région; et partagent un mode de vie commun. »
La Couronne porte une fois de plus la décision en appel, ce qui amène l’affaire à la Cour d’appel de l’Ontario. Le gouvernement de l’Ontario avance que la communauté métisse de Sault Ste. Marie ne possède pas de lien historique significatif avec la chasse et qu’elle n’est donc pas exempte des lois provinciales sur la chasse tel que le prévoit le paragraphe 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. De plus, la Couronne affirme que, même si les Métis possédaient effectivement des droits de chasse, toute atteinte à ces droits serait justifiée par le faible nombre d’orignaux présents dans la région et par la nécessité d’en assurer la conservation. La Cour d’appel de l’Ontario maintient cependant les deux décisions précédentes à l’unanimité en février 2001. Même si elle rejette les arguments du gouvernement, la Cour d’appel accorde un sursis d’un an pour permettre au gouvernement ontarien de mettre en place un nouveau système de réglementation de la chasse pour les Métis ou de cesser complètement de réglementer leurs pratiques de chasse.
Décision de la Cour suprême
La Couronne porte ensuite la décision en appel à la Cour suprême du Canada. En septembre 2003, la Cour suprême déclare à l’unanimité que les Powley, en tant que membres de la communauté métisse de la région de Sault Ste. Marie, peuvent exercer leur droit de chasse métis tel que le garantit l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le tribunal conçoit également un test en 10 parties, connu sous le nom de test Powley, qui vise à déterminer les droits autochtones s’appliquant particulièrement aux Métis. Il ajoute qu’il n’est pas simple de déterminer l’appartenance à une communauté métisse et qu’il est nécessaire d’évaluer chaque affaire au « cas par cas ».
Test Powley
Le test Powley comprend les 10 critères suivants, qui doivent tous être reconnus pour qu’un requérant puisse profiter d’un droit métis :
- Qualification du droit : dans le contexte de la récolte de nourriture, il faut déterminer si la chasse a été réalisée dans un contexte d’alimentation, d’échange ou de commerce. Bien que ce droit ne s’applique pas à des espèces en particulier, il permet de chasser pour s’alimenter sur les terres de chasse traditionnelles de l’ensemble de la communauté métisse;
- Identification de la communauté métisse historique titulaire des droits et ayant évolué dans la région concernée;
- Identification de la communauté métisse contemporaine titulaire des droits revendiqués;
- Vérification de l’appartenance du requérant à la communauté actuelle concernée;
- Détermination de la période de la revendication du droit, pour déterminer si elle est pertinente et essentielle à la communauté;
- Établissement du fait que la pratique fait partie intégrante ou non de la culture distinctive du requérant;
- Établissement de la continuité entre la pratique historique et le droit contemporain revendiqué;
- Établissement du fait qu’il y a eu ou non extinction du droit revendiqué (par exemple par la Couronne);
- Établissement du fait qu’il y a eu atteinte ou non au droit revendiqué (par exemple par la Couronne);
- S’il y a eu atteinte au droit, établissement du fait que l’atteinte est justifiée ou non (par exemple, si la Couronne avance que l’atteinte est portée en raison d’enjeux de santé, de sécurité et de conservation, elle doit prouver qu’une menace réelle existe).
Le test Powley redéfinit le cadre temporel des droits autochtones au Canada. Les critères des tests précédents, tels ceux appliqués à la suite de l’affaire Sparrow (1990) et de l’affaire Van der Peet (1996), se basent sur des conditions s’appliquant avant le premier contact avec les Européens. Cependant, puisque les peuples métis découlent du contact avec les Européens (leur patrimoine mixte provient à la fois des Autochtones et des Européens), il serait impossible de concevoir un droit métis antérieur au premier contact. Le tribunal décide alors que le contexte historique d’un droit métis doit se situer après le premier contact européen, mais avant que la Couronne ait un « contrôle effectif » de la communauté concernée.
Répercussions
L’affaire Powley entraîne des effets sur d’autres affaires légales en lien avec les droits métis, y compris Manitoba Metis Federation (MMF) c. Canada (2013) et R. c. Daniels (2016). Dans l’affaire MMF c. Canada, la Cour suprême décide que le gouvernement fédéral n’a pas attribué les terres promises aux Métis dans le cadre de la Loi de 1870 sur le Manitoba. (Voir aussi Certificats des Métis.) Dans l’affaire Daniels, la Cour suprême déclare que les Métis et les Indiens non inscrits sont tous deux compris dans la définition du terme Indien tel qu’utilisé au paragraphe 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui définit les pouvoirs gouvernementaux en matière d’« Indiens et de terres réservées aux Indiens ». Cela ne signifie toutefois pas que les Indiens non inscrits deviennent dès lors inscrits; la décision de 2016 déclare plutôt que les Indiens non inscrits relèvent du pouvoir législatif du gouvernement fédéral.