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Alpinisme

Si l'ascension de montagnes se pratique depuis des siècles, soit pour des raisons religieuses ou simplement pour avoir une meilleure vue du paysage, elle constitue un loisir depuis moins de 150 ans.
Alpinisme
Le 5 octobre 1982, lorsque l'alpiniste canadien, Laurie Skreslet, et les sherpas, Sungdare et Lhakpa Dorje, atteignirent le sommet du mont Everest, ils portaient la combinaison de ski \u00ab Everest Supreme \u00bb conçue par Laurie Skreslet et Sun-Ice Ltd (photo de Laurie Skreslet; avec la permission de Sun-Ice Ltd.).
Morrow, Patrick
Pat Morrow au sommet de l'Everest, le point le plus élevé de la planète (photo de Pema Dorje).

Alpinisme

Le terme alpinisme désigne l'ensemble des activités d'ascension en montagne pratiquées à des fins récréatives ou de recherche. Bien que ce sport soit généralement associé à l'assaut périlleux de sommets redoutables, il comporte différents niveaux. En effet, bien des gens se contentent de faire des randonnées en moyenne montagne, tandis que d'autres se spécialisent dans l'escalade, que ce soit d'un rocher de 5 m ou d'une falaise de 1000 m, ou encore de parois enneigées ou glacées; enfin, certains combinent ces trois types d'activité pour atteindre les grands sommets alpins du monde.

Si l'ascension de montagnes se pratique depuis des siècles, soit pour des raisons religieuses ou simplement pour avoir une meilleure vue du paysage, elle constitue un loisir depuis moins de 150 ans. Vers le milieu du XVIIIe siècle, les naturalistes européens dirigent leur attention vers les glaciers de la vallée de Chamonix, en France, et leurs études, combinées à l'intérêt victorien pour les phénomènes naturels, éveillent une fascination générale pour la montagne. Les premières ascensions dans les Alpes du centre de l'Europe, comme celle du Mont-Blanc en 1786, sont entreprises au nom de la science, mais dans les premières décennies du XIXe siècle, Allemands, Français et Suisses pratiquent l'alpinisme pour le plaisir. Toutefois, ce sont les Britanniques qui popularisent ce sport. Pendant l'âge d'or de l'alpinisme, c'est-à-dire de 1854, l'année de l'ascension du Wetterhorn, en Suisse, par Alfred Wills, à 1865, qui voit la conquête du Cervin par les équipes d'Edward Whymper et du révérend Charles Hudson, une soixantaine d'escalades des plus difficiles et spectaculaires sont exécutées pour la première fois dans les Alpes, principalement par des Britanniques.

Dans les quinze années qui suivent l'ascension du Cervin, tous les monts importants des Alpes sont escaladés, et les alpinistes recherchent de nouveaux défis. Certains s'attaquent à des parois plus difficiles de sommets déjà atteints et d'autres explorent de nouvelles chaînes de montagnes : les Andes en Amérique du Sud, le Caucase en Russie, l'Himalaya, les montagnes de l'Afrique et celles de l'Ouest en Amérique du Nord.

La tradition de l'alpinisme au Canada

L'intérêt des Européens pour l'alpinisme gagne le Canada durant les dernières décennies du XIXe siècle. Bon nombre des sommets d'Europe imposants et difficiles à escalader ont été conquis. La tragédie de la conquête du Cervin par le Britannique Edward Whymper, au cours de laquelle quatre personnes trouvent la mort et à laquelle lui-même échappe de justesse, confère aux pics de glaciers canadiens un attrait et un charme accrus.

Grâce à l'achèvement, dans les années 1880, de la ligne du CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE (CP) à travers les ROCHEUSES, les touristes européens se lancent dans des excursions élaborées au cœur de la CHAÎNE SELKIRK et des rocheuses. Des Britanniques du Club Alpin ainsi que des Américains du Appalachian Mountaineering Club (AMC) de Boston sont parmi les premiers à escalader les Selkirk et les Rocheuses. En 1895, Phillip Abbot, un jeune avocat, devient la première victime de l'alpinisme en Amérique du Nord alors qu'il escalade, en compagnie d'un groupe de l'AMC, le mont Lefroy, situé au-dessus du lac Louise. Les premières grandes ascensions sont celles des monts Sir Donald en 1890, Temple en 1894, Lefroy en 1897 et ASSINIBOINE en 1901. Le mont ROBSON, d'une altitude de 3954 m, le plus haut des Rocheuses, n'est conquis qu'en 1913, après les tentatives faites depuis 1908 par cinq groupes différents.

Lorsque s'achève le XIXe siècle, le Glacier House, situé sous le COL ROGERS, a ouvert ses portes au public (1885), le premier décès en montagne au Canada s'est produit et le CP a commencé à faire venir des guides suisses au Canada (fin des années 1890). Toute cette activité traduit l'attrait rayonnant de l'alpinisme au Canada.

Les guides suisses dominent sans nul doute les premières décennies de l'alpinisme au Canada, et leur village de chalets, Edelweiss, situé à Golden, en Colombie-Britannique, témoigne de ces débuts. Une grande murale a été réalisée à Golden en hommage à ces pionniers du sport. Toutefois, l'alpinisme canadien n'a pas fait appel qu'à des guides suisses. Si l'Autrichien Conrad KAIN (1883-1935) n'a pas vécu aussi longtemps que de nombreux guides suisses, il a laissé une image d'audace et de hardiesse pour l'alpinisme au Canada. Il a en effet escaladé des parois et atteint des sommets que bon nombre de guides suisses auraient hésité à attaquer. Il est l'un des plus grands guides de montagne du Canada et le refuge Conrad Kain Hut dans les Bugaboos a été nommé en hommage à ce héros des plaques rocheuses.

En outre, Don et Phyllis Munday ont longtemps été considérés comme la « famille royale » de l'alpinisme canadien. Ils ont souvent été les premiers à réaliser des ascensions et ils ont fait connaître le mont WADDINGTON (la plus haute montagne de la Colombie-Britannique) à bien des grimpeurs du Canada et de l'étranger. Bien que les Rocheuses demeurent appréciées des alpinistes du monde entier, la quête de nouveaux sommets, durant les années 20, conduit les alpinistes dans le nord et l'est du pays. En 1924, influencé par une tentative britannique d'ascension de l'Everest, le Club Alpin du Canada commandite l'escalade du mont LOGAN, d'une altitude de 5959 m; il s'agit du point culminant du Canada et du deuxième plus haut sommet du continent. En mai 1925, une équipe dirigée par Albert H. MACCARTHY entreprend l'ascension des monts St. Elias, à la frontière de l'Alaska et du Yukon; après deux mois dans les montagnes les plus élevées et les plus englacées d'Amérique du Nord, les alpinistes reviennent en déclarant avoir atteint le sommet dans l'après-midi du 23 juin.

À la fin des années 1950 et au début des années 1960, de nombreux excellents grimpeurs britanniques et européens s'établissent au Canada et sous leur initiative, un petit groupe d'alpinistes hors pair voit le jour. Grâce à des techniques d'escalade perfectionnées et à des ressources technologiques modernes, la nouvelle génération d'alpinistes a tôt fait d'entreprendre des escalades de plus en plus difficiles de montagnes réputées. Mentionnons entre autres les ascensions hivernales des remarquables parois septentrionales des Rocheuses, l'escalade des crêtes en lames de couteau et des contreforts aigus du mont Logan et celle de sommets inescaladés situés dans des régions reculées comme l'ÎLE DE BAFFIN et l'ÎLE D'ELLESMERE. Montréal, Ottawa, Toronto, Thunder Bay, Calgary, Edmonton, Banff, Vancouver et l'île de Vancouver possèdent des centres d'alpinisme, qui sont tous membres du Club alpin du Canada. Par ailleurs, on remarque que les alpinistes repoussent de plus en plus les limites de l'escalade de rocher et de glace.

La tradition des guides suisses au Canada a commencé à décliner dans les années 50, mais une nouvelle ère s'amorce alors. Bruno Engler et Hans GMOSER, figures de transition, conçoivent de nouvelles manières d'aborder la montagne grâce à l'héliski, fondent le système canadien de guides de montagne et établissent des normes très exigeantes pour les guides.

L'alpinisme canadien continue à évoluer et devient plus sophistiqué avec l'arrivée de Walter Perren au Canada. Perren joue un rôle de premier plan dans la conception du système canadien de sauvetage en montagne. Le Canada atteint sa maturité dans les années 1960 et 1970, les Canadiens prenant l'initiative dans la définition et la mise au point de techniques d'alpinisme inédites. Les origines suisses et autrichiennes du sport se font toujours sentir et exercent encore une influence au Canada, mais les alpinistes canadiens prennent désormais des initiatives dans ce domaine.

Les Canadiens commencent aussi à se faire connaître à l'étranger. L'entreprise la plus téméraire est menée au début des années 80 par un groupe dirigé par Bill March de Calgary, qui quitte Katmandou (Népal) à la fin d'août 1982, à destination du mont Everest. Plus d'un mois plus tard, le 5 octobre, Laurie SKRESLET de Calgary devient le premier Canadien à conquérir la plus haute montagne du monde, suivi, deux jours plus tard, de Pat MORROW de Kimberley (Colombie-Britannique). Le British Columbia Mountaineering Club (fondé en 1907 - un an après le Club alpin du Canada) est le pionnier de nombreuses ascensions classiques. Des membres de l'EXPÉDITION SUR LE MONT EVEREST retourneront dans l'Himalaya au cours des années suivantes pour y entreprendre des ascensions ambitieuses, dont celle du mont Makalu (8490 m) et du mont Kanchenjunga (8598 m). En 1986, deux autres Canadiens, Dwayne CONGDON et Sharon WOOD font partie de l'expédition légère canadienne de douze personnes non accompagnée de sherpas qui réussit l'ascension de l'Everest par la difficile crête ouest. En 1988, un groupe de cinq grimpeurs québécois et une équipe polonaise entreprennent la première ascension hivernale du K2, tentative considérée par beaucoup comme le plus grand défi de l'alpinisme moderne; toutefois, ils n'y parviennent pas.

L'alpinisme canadien dans la littérature

Les historiens commencent à se pencher sur la tradition canadienne de l'alpinisme. Chic Scott apparaît comme le plus important historien canadien sur le sujet. Il incarne l'alpinisme canadien à bien des égards. Il a réalisé de nombreuses ascensions impressionnantes, fait beaucoup de randonnées de ski dans l'arrière-pays et décrit ces périples de manière passionnante. En plus de consigner ces activités, il a haussé la barre pour la nouvelle génération d'alpinistes canadiens. La littérature canadienne ne passe pas sous silence la portée de l'alpinisme canadien: le poème d'Earl BIRNEY David est le classique de la poésie canadienne sur l'alpinisme; il soulève toutes les difficiles questions concernant l'attrait romantique de la montagne et les tragédies qui attendent ceux qui se tournent vers l'alpinisme. Les recueils de poésie Rocky Mountain Poems de Ralph Gustafson et The Coast Mountain Trilogy: Mountain Poems 1957-1971 de Dick Culbert font aussi la lumière sur la tradition canadienne de l'alpinisme.

Le flambeau est maintenant passé à la nouvelle génération d'alpinistes canadiens. Les clubs alpins et les magazines d'alpinisme foisonnent; de la formation poussée est assurée en alpinisme, en techniques de sauvetage et en sécurité; l'Association des guides de montagne canadiens a placé le Canada à l'avant-garde en matière de services de guides; et l'histoire, la philosophie et la poésie relatives à l'alpinisme se sont taillé une place dans la culture populaire. Le Canada est devenu le paradis des alpinistes en herbe.

Voir aussi EXPÉDITION SUR LE MONT EVEREST.