L’anglicanisme est une tradition du Christianisme dont les membres sont en totale communion avec le siège de Canterbury (Angleterre). D’abord limitée aux îles britanniques, l’Église d’Angleterre se répand ensuite dans beaucoup de régions du monde. Selon l’enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011, 1 631 845 personnes se sont identifiées comme étant anglicanes au Canada.
Origines
L’anglicanisme se considère fidèle à la tradition catholique primitive et s’appuie grandement sur les Écritures. Il a comme ministres des évêques, des prêtres et diacres qui descendent des apôtres par une succession ininterrompue. Il s’ordonne autour de sacrements et reconnaît une tradition ecclésiale, qui est toutefois exempte des excès et superstitions du Moyen Âge. Tout en étant catholique à ces égards, l’anglicanisme est tributaire de la Réforme du 16e siècle. On le désigne parfois comme une confession « protestante », mais cela porte à confusion, car ce terme s’applique aussi aux groupes dépourvus d’autorité épiscopale qui sont apparus à l’époque de la Réforme. En Écosse, aux États-Unis et ailleurs, les anglicans sont aussi appelés « épiscopalien ».
La théologie et la liturgie anglicanes s’inscrivent dans la tradition gréco-gallicane : l’anglicanisme insiste sur les relations communautaires et l’amour fraternel plutôt que sur le conformisme légaliste qui prime dans la tradition latine (catholique romaine). Il se préoccupe de refaire l’unité de la foi chrétienne et participe depuis longtemps à ce qu’on appelle aujourd’hui les rencontres œcuméniques. Au Canada, des pourparlers vers la fin du 19e siècle entre diverses confessions protestantes, auxquels les anglicans ne participent pas, annoncent la formation de l’église Unie du Canada en 1925. Pendant les années 40, les anglicans entament toutefois des discussions avec l’Église unie auxquelles l’église Chrétienne (Disciples du Christ) prend part depuis 1969.
« Le plan d’union »
« Le plan d’union » qui s’ensuit propose que les confessions protestantes acceptent la structure épiscopale et on tente de résoudre les divergences théologiques. Sur le plan pratique, une certaine coopération se manifeste par l’adoption d’un calendrier et d’un livre de cantiques communs. Au début des années 70, toutefois, l’enthousiasme est tombé et l’Église anglicane se retire officiellement des négociations parce que les confessions sans autorité épiscopale n’ont pas compris qu’elle n’est pas un simple groupe protestant.
Les possibilités d’entente sont meilleures entre l’anglicanisme et l’Église romaine, mais elles sont entravées par des divergences doctrinales et, depuis le premier concile du Vatican (1870), par le refus de Rome de reconnaître les ordinations anglicanes. La Commission internationale anglicane-catholique romaine publie en 1981 un rapport sur la première étape de ses délibérations; ce document indique la possibilité d’un accord sur l’Eucharistie, les ordinations et la nature de l’autorité dans l’Église. Les pourparlers se poursuivent en 1987 sur les points de désaccord restants et les moyens pratiques d’aboutir à une réconciliation.
Anglicanisme moderne
La religion anglicane a deux livres fondamentaux : la Bible et le Livre des prières publiques. Elle estime que la Bible est la source et l’origine de la vérité chrétienne, mais aussi qu’il appartient à l’Église de l’interpréter; la tradition est un élément important pour la comprendre. Les exégètes anglicans contribuent grandement à l’avancement des études bibliques. Par ailleurs, le culte anglican est fondé sur la liturgie. Le premier livre des prières, publié en 1549, dont l’archevêque Thomas Cranmer est le principal auteur, est une compilation d’anciennes prières bibliques et catholiques. L’influence de Cranmer est encore visible dans les versions révisées actuellement en usage dans le monde entier. On compare parfois le Livre des prières publiques à une adaptation de la Bible aux fins du culte. Le mouvement liturgique du 20e siècle a eu une profonde influence sur l’anglicanisme comme sur toutes les autres Églises qui ont une liturgie.
Au Canada, comme dans d’autres communautés anglicanes, le Book of Alternative Services s’est ajouté au livre des prières et devrait servir éventuellement à la rédaction d’une nouvelle version du Livre des prières publiques. L’anglicanisme met l’accent sur le ministère de la Parole et des sacrements. L’Eucharistie est en théorie, et de plus en plus en pratique, le principal office du dimanche. Il existe une certaine tension entre une tendance qui insiste sur l’Écriture et une autre qui insiste sur les sacrements : le courant évangéliste (Basse Église) met en valeur le ministère de la Parole et l’expérience religieuse personnelle, alors que le courant catholique (Haute Église) considère l’Église comme une société divine, qui est le Corps du Christ et qui dispense la grâce de Dieu par les sacrements.
La théologie anglicane a toujours été marquée par la souplesse; c’est pourquoi le monde ne semble pas avoir toujours perçu l’anglicanisme de la même façon. Toutefois, du fait qu’il laisse place à de fortes différences d’interprétation et d’usages, les schismes ont été rares. Les dissidents de la première vague, soit les congrégationalistes (voir Églises Congrégationalistes) et les anabaptistes (y compris ceux qui se nommeront plus tard les baptistes), ne représentent pas tant un désengagement par rapport à l’anglicanisme qu’une divergence doctrinale face au catholicisme en général. La dissidence la plus marquante de la deuxième vague est le méthodisme, dont les différences tiennent moins à la doctrine qu’aux pratiques et au fonctionnement; le schisme est attribuable à l’incompréhension et à l’intransigeance de part et d’autre.
Les seuls schismes à signaler plus récemment sont celui du mouvement épiscopal réformé au 19e siècle et celui du groupe anglo-catholique au 20e siècle. L’Église épiscopale réformée, fondée en 1843 aux États-Unis en guise de protestation contre le « ritualisme », s’implante l’année suivante en Angleterre sous le nom de « Free Church of England » et à peu près en même temps au Canada, surtout en Ontario et en Colombie-Britannique. Elle est nettement dans le courant évangéliste et s’oppose fortement à ce qu’elle qualifie de tendances romanisantes. Elle disparaît presque entièrement au 20e siècle.
L’Église anglo-catholique, qui acquiert un petit nombre d’adeptes au Canada, est le fruit d’une réaction contre ce qu’elle considère comme une libéralisation de l’Église épiscopale aux États-Unis dans les années 70. Elle s’objecte particulièrement aux projets de révision du livre des prières et à l’ordination des femmes, qui est l’un des changements importants de l’anglicanisme moderne. Des femmes sont admises aux synodes dans les années 50 et au sacerdoce en 1976. Le clergé compte 176 femmes en 1987 et 368 en 1993 La très révérende Victoria Matthews est élue et consacrée évêque suffragante de Toronto en 1993.
Les anglicans se sont toujours intéressés à l’éducation et ont travaillé à la fondation et au soutien d’écoles et de collèges. Beaucoup d’universités canadiennes sont d’origine anglicane ou reçoivent un soutien important de la part des anglicans.
Histoire canadienne
La première célébration connue d’un office dans le Canada actuel est présidée par Robert Wolfall, aumônier de l’expédition de sir Martin Frobisher, à Frobisher Bay (aujourd’hui Iqaluit), le 2 septembre 1578. L’anglicanisme se répand par la suite grâce à l’immigration en provenance des îles britanniques et à l’arrivée des loyalistes, dont beaucoup sont anglicans, après la Révolution américaine. Dans les colonies britanniques, il est implicitement admis qu’en l’absence de disposition législative contraire, l’Église d’Angleterre est l’Église établie ou « officielle » et que les mêmes privilèges et les mêmes restrictions que dans la mère patrie s’appliquent. Ce n’est pas toujours ce que les autorités et les gens en général comprennent, surtout les non-anglicans. Le statut d’Église établie est une question épineuse, vivement débattue pendant toute l’histoire ancienne du Canada (voir Réserves du Clergé). La législation de la Nouvelle-Écosse au 18e siècle n’a pas pour but d’« établir » l’Église d’Angleterre, car cela va de soi, mais d’assurer aux protestants la liberté de culte et d’exclure les catholiques romains. Le statut d’Église établie s’accompagne de certaines responsabilités, comme la célébration et l’enregistrement des baptêmes, des mariages et des sépultures, qui sont importantes à une époque où le gouvernement ne s’occupe pas encore de l’inscription aux registres d’état civil. Ce n’est pas dire que l’Église a un pouvoir coercitif qui lui permette d’obliger l’État à l’appuyer ni que l’État lui accorde des avantages financiers.
Au début, l’Église n’a pas d’organisation locale au Canada : les membres du clergé anglican sont envoyés par les sociétés missionnaires ou sont aumôniers militaires (voir Missions et missionnaires). Conformément au principe de l’Église établie, c’est le gouverneur qui est ordinaire (chef de l’Église) et qui prend les décisions administratives nécessaires comme l’affectation de pasteurs aux paroisses, la délivrance de permis de mariage; il n’a pas de pouvoirs sacramentels ou ecclésiastiques.
Travail missionnaire
Les organismes ci-après travaillent à l’œuvre missionnaire : la Society for the Propagation of the Gospel, fondée en 1701 comme prolongement de la Society for Promoting Christian Knowledge, créée en 1698; la Church Missionary Society, fondée en 1799; et la Colonial and Continental Church Society (CCCS), mise sur pied en 1838. Les deux premières effectuent tout le travail missionnaire anglican chez les peuples autochtones en Amérique du Nord britannique jusqu’à ce que la Missionary Society of the Church soit constituée au Canada en 1905, et elles continuent d’en assumer une grande partie jusqu’en 1940. La CCCS est une société évangélique dont le ministère vise surtout les colons. Son œuvre la plus considérable par ailleurs est le soutien d’un établissement de formation du clergé, l’Emmanuel College de Saskatoon (Saskatchewan), de 1914 à 1954.
Le premier évêché anglican d’Amérique du Nord britannique est celui de la Nouvelle-Écosse, fondé en 1787, dont l’évêque est le loyaliste Charles Inglis. Malgré son titre d’évêque de la Nouvelle-Écosse, son territoire inclut Terre-Neuve, les Bermudes, l’Île-du-Prince-Édouard, le Bas-Canada et le Haut-Canada. Sa charge est allégée en 1793 par la création du diocèse de Québec, dont Jacob Mountain est nommé évêque. Le diocèse de Québec est divisé de nouveau en 1839 lorsque John Strachan devient le premier évêque de Toronto.
Celui-ci est un personnage original, parfois controversé, qui joue un rôle important dans les milieux ecclésiastique, politique et éducatif de son époque. Il est le véritable fondateur de l’Université de Toronto et de l’Université de Trinity College, à Toronto. Pendant son épiscopat, son diocèse est divisé pour former les diocèses d’Huron et d’Ontario. En 1860, les six diocèses (Nouvelle-Écosse, Québec, Toronto, Fredericton, Montréal et Huron) se concertent pour former le synode provincial de l’Église d’Angleterre et d’Irlande au Canada.
Organes législatifs et administratifs
Le synode général de l’Église d’Angleterre au Canada est constitué en 1893 et tient ses premières séances en septembre au Trinity College de Toronto. Le synode général est un organisme législatif et administratif composé de membres du clergé et de laïcs de chaque diocèse. L’évêque qui le préside reçoit le titre de primat du Canada.
Le synode provincial de la terre de Rupert est formé en 1875. Le diocèse de la Terre de Rupert existait déjà depuis 1849 et avait eu David Anderson comme premier évêque. Pendant l’épiscopat de son successeur, Robert Machray, le diocèse est divisé pour former les diocèses de Moosonee (1872; John Horden, premier évêque), de Saskatchewan (1874; John McLean) et d’Athabasca (1874; William Carpenter Bompas). Dans chaque province, un évêque est élu primat et on décide en 1893 de lui donner le titre d’archevêque.
En 1912, les diocèses de la province civile d’Ontario (Toronto, Huron, Ontario, Niagara, Ottawa et Algoma) sont séparés de la province du Canada pour former la province ecclésiastique d’Ontario. En 1914, les diocèses de Colombie-Britannique, encore dépourvus de structure provinciale, se regroupent pareillement pour former la province ecclésiastique de la Colombie-Britannique. Aujourd’hui, l’Église anglicane du Canada (nom qu’elle adopte en 1955) compte 30 diocèses répartis en 4 provinces, dont chacune a un évêque métropolitain.
Le saviez-vous?
Le drapeau de l’Église anglicane du Canada porte la croix de Saint-George rouge et une feuille d’érable verte dans chaque quartier.
Tension entre vie spirituelle et action sociale
Au 19e siècle, les missionnaires anglicans confondent souvent évangélisation et acculturation; ils supposent implicitement qu’être anglican équivaut à être Anglais, ce qui donnera lieu à des difficultés plus tard. Au cours du 20e siècle, l’écart entre les exigences de la vie spirituelle et celles de l’action sociale donne lieu à des tensions. L’Église s’est toujours préoccupée des personnes démunies; en Angleterre, elle est pendant nombre d’années le seul organisme de secours des pauvres. En 1908, un comité de la réforme morale et sociale (qui devient ensuite le conseil du service social) est formé par le Synode général de l’Église anglicane du Canada. Il travaille pendant longtemps à éveiller et faire connaître la conscience sociale des anglicans du Canada. Les structures organisationnelles nationales sont modifiées, mais l’Église continue de s’occuper activement de questions sociales comme l’avortement et le contrôle des naissances, les problèmes sociaux et économiques, le mouvement pacifiste et les droits des autochtones.