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Anna Mae Pictou Aquash

Anna Mae Pictou Aquash, activiste autochtone (née le 27 mars 1945 à Shubenacadie en Nouvelle-Écosse; décédée en décembre 1975 sur la réserve indienne de Pine Ridge au Dakota du Sud, aux États-Unis). Membre du American Indian Movement (AIM) aux États-Unis pendant les années 1970, Anna Mae Pictou Aquash a été assassinée en 1975, déclenchant une enquête de 35 ans qui a abouti à la condamnation de deux autres membres du AIM. Aujourd’hui, elle est devenue le symbole des injustices subies par les femmes autochtones au sein de leurs propres communautés.

Cet article traite de thématiques délicates qui peuvent ne pas convenir à tous les publics.

Drapeau de l’American Indian Movement

Jeunesse

Anna (Annie) Mae Pictou naît sur la réserve d’Indian Brook (maintenant la Première Nation Sipekne'katik), une petite communauté mi’kmaq de Shubenacadie en Nouvelle-Écosse. (Voir aussi Réserves en Nouvelle-Écosse.) Sa mère, Mary Ellen Pictou, vit de l’aide sociale et elle fait des petits boulots comme femme de ménage pour subvenir aux besoins d’Anna Mae, de ses deux sœurs aînées, Rebecca et Mary et de son frère cadet Francis. Le père d’Anna Mae Pictou Aquash est Francis Levi Thomas. En 1949, Mary Ellen Pictou se remarie et la famille déménage sur la réserve de Pictou Landing, située le long du détroit de Northumberland en Nouvelle-Écosse, où la jeune Anna Mae Pictou Aquash passe la majeure partie de son enfance. En 1956, la famille retourne à Shubenacadie après le décès du beau-père d’Anna Mae Pictou Aquash des suites d’un cancer.

Anna Mae Pictou Aquash va à l’école à Pictou Landing et à Shubenacadie. Sa mère abandonne sa famille et Anna Mae Pictou Aquash quitte bientôt la Nouvelle‑Écosse pour aller s’installer dans le Maine aux États‑Unis et y travailler comme ouvrière agricole saisonnière. Plutôt que de retourner à la pauvreté à Indian Brook, elle part pour Boston en compagnie d’un autre Mi’kmaq du nom de Jake Maloney, rejoignant ainsi de nombreux autres résidents des Maritimes qui, dans les années 1960 et 1970, migrent à Boston à la recherche d’un emploi.

Travail communautaire et activisme

En 1965, Anna Mae Pictou Aquash et Jake Maloney se marient. Ils ont deux filles, Denise et Deborah, et ils font des allers-retours entre Boston et le Nouveau-Brunswick jusqu’à la dissolution de leur mariage quelques années plus tard. À cette époque, Anna Mae Pictou Aquash s’implique dans les activités du Boston Indian Council, qui aide les Autochtones à faire face à la toxicomanie et au chômage. Intelligente et travailleuse, elle fréquente le Wheelock College de Boston en tant qu’étudiante adulte. On lui offre une bourse d’études pour la Brandeis University, mais elle refuse pour pouvoir s’occuper de ses filles et continuer son travail communautaire dans les quartiers défavorisés de Boston, en promouvant le bien‑être et la culture traditionnelle autochtones.

Au début des années 1970, Anna Mae Pictou Aquash est une adepte du American Indian Movement (AIM), un groupe de protestation qui revendique les droits des Autochtones aux États‑Unis. AIM est l’un des nombreux mouvements de contre-pouvoir et il est dirigé par deux dirigeants charismatiques, Russell Means et Dennis Banks, décrits par le Los Angeles Times comme étant les « deux Indiens les plus célèbres depuis Sitting Bull et Crazy Horse ». (Voir aussi Organisation politique des Autochtones et activisme au Canada.)

Occupation de Wounded Knee

En 1972, Anna Mae Pictou et d’autres personnes de son entourage à Boston participent à la marche Trail of Broken Treaties à Washington DC, organisée par le AIM, qui se termine par l’occupation du bâtiment du Bureau of Indian Affairs par le mouvement. L’année suivante, Anna Mae Pictou Aquash confie ses filles à sa sœur à Boston, et elle se rend à la Lakota Pine Ridge Indian Reservation dans le Dakota du Sud, pour se joindre aux activistes du AIM qui occupent le village de Wounded Knee.

Wounded Knee est un endroit symboliquement important pour les peuples autochtones des États-Unis, car c’est le lieu du massacre tristement célèbre des Lakotas par la cavalerie américaine en 1890. Près d’un siècle plus tard, en 1973, un groupe d’environ 200 militants du AIM entre dans la réserve de Pine Ridge et occupe Wounded Knee pour protester contre divers problèmes. Un affrontement armé de dix semaines s’ensuit entre les occupants et les forces du gouvernement.

Anna Mae Pictou Aquash arrive sur place en plein siège avec Nogeeshik Aquash (un Ojibwé de l’Ontario), son conjoint de Boston, avec qui elle se marie éventuellement lors d’une cérémonie lakota à Pine Ridge. Anna Mae Pictou Aquash refuse d’accepter l’ordre social hiérarchisé dominé par les hommes au sein du AIM. À son arrivée au camp de Pine Ridge, elle reçoit l’ordre du dirigeant de AIM, Dennis Banks, d’aider les autres femmes à la cuisine. Anna Mae Pictou Aquash rétorque : « Monsieur Banks, je ne suis pas venue ici pour faire la vaisselle, je suis venue ici pour me battre. »

Meurtre

L’affrontement à Wounded Knee déclenche une flambée de violence qui dure plusieurs années. Au cours de ces violences, deux agents du Federal Bureau of Investigation (FBI) des États‑Unis sont tués par Leonard Peltier, un membre du AIM. Il est par la suite condamné et emprisonné à la suite d’un procès controversé. Cette affaire devient le sujet de livres et d’un film hollywoodien très médiatisés.

Anna Mae Pictou Aquash quitte Pine Ridge avant la fin de l’occupation, mais elle continue à travailler avec le AIM à des projets à travers les États‑Unis. Elle devient une figure forte, mais controversée, au sein de l’organisation. Elle s’exprime ouvertement et n’hésite pas à défier les dirigeants du AIM, surtout en ce qui concerne la corruption qui règne dans l’organisation. De plus. Anna Mae Pictou Aquash entretient une relation amoureuse avec Dennis Banks. Des années plus tard, les critiques du AIM, qui incluent Denise Pictou Maloney, la fille d’Anna Mae, comparent le groupe à des criminels.

« Dans leur monde », déclare Denise Pictou Maloney, « elle était fautrice de trouble. Ces gars‑là étaient des gangsters, et ils avaient un gros problème avec elle parce qu’elle savait trop de choses. »

Au milieu des rivalités et de jalousies internes qui règnent au AIM et sous la pression des enquêtes policières, certains soupçonnent Anna Mae Pictou Aquash d’être une informatrice du FBI. Selon un document judiciaire, en 1975, trois membres du AIM reçoivent l’ordre d’enlever Anna Mae Pictou Aquash. À cette époque, elle vit à Denver dans le Colorado. Les membres du AIM ont pour instructions de l’emmener à Wounded Knee. Selon ces mêmes documents, elle est violée et interrogée. En décembre de cette année, elle est tuée sur un poste d’observation de la réserve de Pine Ridge.

Enquête

Deux mois plus tard, un éleveur trouve le corps décomposé d’Anna Mae Pictou Aquash. Une première autopsie, effectuée à la hâte, conclut à une mort par exposition, et les restes sont enterrés sans être identifiés. Cependant, avant l’enterrement, la police envoie les mains du cadavre à un laboratoire médico-légal. Les mains sont éventuellement utilisées pour identifier Anna Mae Pictou Asquash grâce à ses empreintes digitales. Une deuxième autopsie subséquente révèle une seule balle à la base du crâne.

Au fil des années qui suivent, l’affaire du meurtre n’est pas résolue et devient un « cold case » (une affaire classée comme non résolue). Les membres du AIM refusent de coopérer avec les procureurs et ils affirment que c’est le gouvernement qui a tué Anna Mae Pictou Asquash et qui a couvert son crime. Denise Pictou Maloney déclare : « Il y avait tellement de peur et de silence, les gens ne voulaient tout simplement pas parler. Les Autochtones ne voulaient pas aller parler aux autorités parce que ces autorités étaient toujours représentées comme étant les méchants. »

À la fin des années 1990, quelques membres du AIM commencent à expliquer ce qu’ils savent, ceux-ci incluant Arlo Looking Cloud, un homme de main de l’organisation qui avoue avoir participé à l’enlèvement et au meurtre d’Anna Mae Pictou Aquash. Il incrimine également un Autochtone venant du Canada nommé John Graham, qu’il accuse d’avoir appuyé sur la gâchette. Après des années de procédures judiciaires, en 2007, John Graham est extradé de Colombie‑Britannique vers les États‑Unis et il est reconnu coupable de meurtre en 2010 par un tribunal du Dakota du Sud. Arlo Looking Cloud est d’abord condamné à la prison à vie, mais sa peine est ensuite réduite à 20 ans de prison. John Graham tente de faire transférer sa peine d’emprisonnement du Dakota du Sud au Canada.

Denise Pictou Maloney et les procureurs américains affirment que John Graham et Arlo Looking Cloud n’ont fait qu’exécuter des ordres transmis par d’autres personnes plus hautes placées dans l’organisation du AIM. Plusieurs hauts responsables du AIM des années 1970 sont décédés, notamment Theda Clark, une organisatrice de haut rang dans la hiérarchie du AIM, qui est également soupçonnée d’avoir participé au meurtre, mais n’a jamais été inculpée, tandis que d’autres ont toujours nié avoir joué un quelconque rôle dans cette affaire criminelle.

Importance

Denise Pictou Maloney déclare que ce qui importe le plus pour elle, c’est que la vérité dérangeante que les membres du AIM ont cachée pendant des années finisse par émerger, et que sa mère n’a pas été assassinée par le gouvernement : « Elle a été tuée par son propre peuple. » Denise Pictou Maloney considère que sa mère est un symbole de la violence et des mauvais traitements que les femmes autochtones continuent de subir au sein de leurs propres communautés, et de la loi du silence qui empêche ces victimes d’obtenir justice.

Elle déclare : « L’histoire de ma mère témoigne de ce à quoi nous sommes confrontées dans nos communautés de nos jours, avec le niveau de violence et de violence conjugale, et avec cette idée qu’il faut à tout prix protéger la fratrie. Cela va à l’encontre de notre éducation traditionnelle. »

En mars 2018, Denise Pictou Maloney présente ce message, ainsi que l’histoire de sa mère, lors d’une audience de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées à Montréal, où elle exhorte les Autochtones à rechercher la vérité et à ne pas se laisser aveugler par leurs allégeances familiales ou communautaires.

Denise Pictou Maloney condamne également les efforts effectués par l’Assemblée des Premières Nations (APN) pour faire campagne (avec d’autres groupes de défense des droits des Autochtones) en faveur de la libération de prison de Leonard Peltier. En 2016, elle s’élève contre le chef national de l’APN, Perry Bellegarde, après que ce dernier demande au premier ministre Justin Trudeau de profiter d’une rencontre avec le président américain Barack Obama pour faire pression en faveur de la libération de Leonard Peltier. Denise Pictou Maloney croit que Leonard Peltier a protégé les assassins de sa mère et qu’il devrait rester derrière les barreaux. Pierre Bellegarde déclare plus tard qu’il regrette la douleur que ses propos ont pu causer à la famille d’Anna Mae Pictou Aquash, mais il déclare également que l’APN entend continuer à soutenir Leonard Peltier. En 2024, l’APN retire son soutien à Leonard Peltier et à sa libération de prison. Le retrait de ce soutien met fin à 37 ans de soutien de l’APN envers Leonard Peltier, et Denise Pictou Maloney déclare que cette décision est « assez monumentale ».

En 2004, les restes d’Anna Mae Pictou Aquash sont exhumés par sa famille et transportés en Nouvelle‑Écosse où ils sont enterrés sur le territoire de la Première Nation Sipekne'katik.

Guide pédagogique perspectives autochtones

Collection des peuples autochtones

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