Walter, Arnold
Arnold (Maria) Walter. Éducateur, administrateur, musicologue, compositeur (Hannsdorf, Moravie, auj. centre nord de la Tchécoslovaquie, 30 août 1902 - Toronto, 6 octobre 1973). Doctor juris (Prague) 1926, D.Mus. h.c. (Mount Allison) 1966. Fils et petit-fils d'instituteurs (son grand-père était également l'o. m. c. du village), Walter reçut une formation classique dans la ville voisine de Brno, où il gagnait l'argent nécessaire à ses cours particuliers comme répétiteur de latin et de grec pour ses camarades. Un de ses professeurs, Bruno Weigl, élève de Bruckner, lui enseigna l'harmonie et la composition. Sur l'insistance de son père, Walter étudia la jurisprudence à l'Université de Prague, mais après son doctorat, il se tourna vers la musicologie à l'Université de Berlin où il eut comme principaux professeurs Hermann Abert, Curt Sachs et Johannes Wolf. Parallèlement, il prit des cours privés avec Rudolf Breithaupt et Frederic Lamond (piano), et Franz Schreker (composition).
Après de brèves études médicales à l'Université Masaryk à Brno, Walter retourna à Berlin. À la fin des années 1920, Berlin avait cependant peu à offrir à un pianiste-compositeur venu de province. Jamais à court d'idées, Walter s'employa à développer son talent d'écrivain sur la musique. Il collabora à Melos et, au début des années 1930, fut activement associé à deux périodiques de gauche influents, Die Weltbühne (à titre de responsable de la rubrique musicale) et Vorwärts (comme critique musical). À cause de ses allégeances politiques, Walter fut contraint de quitter Berlin en 1933; il fuit à Majorque où il étudia la musique folklorique, enseigna et apprit trois nouvelles langues, ce qui lui permit de converser en quatre ou cinq langues aussi bien qu'en latin ou en grec. Lors de la Guerre civile d'Espagne (1936), il dut cependant s'enfuir en Angleterre où il fut engagé pour mener des recherches en musique folklorique à la Cecil Sharp House où il fit la connaissance de Ralph Vaughan Williams, Imogen Holst, Maud Parkeles et autres éminents érudits du folklore.
En 1937, il accepta un poste d'enseignant à l'Upper Canada College, Toronto, et voyagea avec un passeport britannique obtenu à la hâte, faute de tout autre document valide. Walter enseigna à l'Upper Canada College jusqu'en 1943. Il fut ensuite pigiste puis accepta en 1945 une tâche spéciale au sein du TCM (RCMT), celle d'appliquer les recommandations du rapport d'Ernest Hutcheson sur la réorganisation de l'éducation musicale supérieure à Toronto. Walter établit la Senior School comme école d'études supérieures du TCM et mit sur pied l'école d'opéra (voir University of Toronto Opera Division, COC). En 1946, il inaugura un programme menant à un grade, le premier du genre au Canada, afin de préparer des professeurs de musique pour les écoles élémentaires et secondaires. À la suite d'une volumineuse correspondance avec le compositeur et pédagogue Carl Orff, Walter fut directement responsable de l'introduction, par Doreen Hall, des cours sur la méthode Orff au RCMT (1955), les premiers du genre en Amérique du Nord. Hall avait étudié avec Orff l'année précédente à Salzbourg grâce à une bourse obtenue par l'entremise de Walter. Elle collabora avec ce dernier dans la préparation (1952-68) des versions en langue anglaise des manuels pédagogiques d'Orff (voir Orff-Schulwerk).
En 1952, à la suite de la réorganisation des divers départements de musique placés sous la tutelle de l'Université de Toronto, Walter devint dir. de la faculté de musique avec la responsabilité de tous les programmes menant aux grades et aussi du diplôme décerné précédemment par la Senior School. Son mandat comme dir. fut une période de remarquable expansion (1952-68). De nouveaux programmes universitaires furent ajoutés aux niveaux des premier et deuxième cycles et les programmes existants furent améliorés. Sous sa direction, la bibliothèque musicale de l'Université de Toronto devint la plus considérable dans son genre au Canada et l'une des plus complètes en Amérique du Nord. Un studio de musique électroacoustique, le premier au Canada, fut inauguré. Tous deux furent logés dans le nouvel édifice Edward Johnson qu'il avait travaillé à planifier. À ce moment, l'action de Walter avait atteint un rayonnement national et même international. Il oeuvra comme prés. du Conseil canadien de la musique en 1965-66, du Centre de musique canadienne en 1959 et 1970 et de l'ACEUM (SMUC) de 1965 à 1967, et comme chef du comité de rédaction du Canadian Music Journal (1956-62). Il fut aussi prés. de la SIEM (1953-55) et du Conseil interaméricain de la musique (CIDEM, 1969-72). Il avait lui-même contribué à la création et à la promotion de tous ces organismes.
Plusieurs des idées de Walter étaient en avance sur leur temps et quelques-unes de ses tentatives pour transformer ses rêves en réalités rencontrèrent une forte opposition et suscitèrent même du ressentiment. Il baigna souvent dans un climat de controverse. Tout ce qu'il entreprenait semblait axé sur la mise en oeuvre d'un plan directeur pour la musique au Canada, plan conçu au cours de ses premières années au pays; il se basait sur la conviction que l'épanouissement du talent, abondant selon lui, et l'élargissement des débouchés pour ce talent devaient fonctionner de pair, ce qui nécessitait une démarche consciente d'éducation à la fois des musiciens et des auditoires, de même que l'aide de subventions publiques et privées. L'action collective, grâce à des organismes puissants, devait agir comme levier.
Bien que Walter ait composé par intermittence tout au long de sa vie, on ne saurait lui attribuer un succès particulier dans ce domaine. Son esthétique était celle qui prédominait dans l'Europe d'avant la Première Guerre mondiale et il ne sembla pas vouloir s'éloigner du monde de Mahler et de Strauss, de Debussy et de Scriabine et du jeune Schoenberg. Comme la majeure partie de sa musique n'était point à la mode et était même inconnue à Toronto, les compositions de Walter frappèrent de nombreux auditeurs par une absence de ce dynamisme et de cet avant-gardisme qui caractérisaient tant d'autres aspects de sa vie. Ses oeuvres ne suscitèrent jamais un grand intérêt en dépit des efforts d'amis et de collègues désireux de les mettre de l'avant : ce qui fut pour lui le sujet d'une grande déception.
Ses meilleures énergies créatrices furent investies dans l'enseignement et dans ses nombreux essais, articles et conférences. Ses écrits, généreusement émaillés de citations des plus grands auteurs et des penseurs universels, reflètent sa grande érudition. Au nombre de ses élèves en composition, on trouve des personnalités musicales aussi différentes que Paul McIntyre, Phil Nimmons et Clermont Pépin. Dans son enseignement et surtout dans ses écrits, il chercha de façon soutenue à mettre l'accent sur la place de la musique dans la société et sur la dette que cette société doit à la musique. Au moment de sa mort, il travaillait à un ouvrage sur la musique à l'âge de la technologie.
Parmi ses nombreux prix et distinctions, il attachait une importance particulière à la médaille « Christian Culture Award », décernée en 1945 à un « protagoniste exceptionnel des idéaux chrétiens » par l'Assumption College (Université de Windsor). Il fut nommé officier de l'Ordre du Canada en 1972. En 1974, la salle de concert de l'édifice Edward Johnson, à l'Université de toronto, fut baptisée Walter Hall en sa mémoire et l'Arnold Walter Memorial Award, destiné à des étudiants en interprétation, fut établi par l'université. Ses documents personnels ont été déposés à la Bibliothèque nationale du Canada. Il conserve son statut de compositeur agréé du Centre MC.
La belle-fille de Walter, veuve de Hugh LeCaine, Trudi LeCaine, a été une bénévole active dans le milieu des arts à Ottawa. Elle est devenue membre de l'Ordre du Canada en 1991.
COMPOSITIONS (Sélection)
Orchestre
Symphonie en sol mineur : 1942; grand orch; ms.
For the Fallen (Binyon) : 1949; sop, SATB, orch; ms.
Concerto pour orchestre : 1958; grand orch; ms.
Musique de chambre
Sonate : 1940; vn, p; ms.
Sonatine : 1940; vc, p; ms.
Trio : 1940; vn, vc, p; ms.
Piano
Suite : 1945; OUP 1956.
Sonate : 1950; GVT 1951.
Musique électroacoustique
Summer Idyll (collaboration Myron Schaeffer, H. Olnick) : 1960; bande; (1967) Folk FM-3436.
Autres oeuvres dans toutes catégories. Plusieurs partitions pour pièces radiophoniques.