Jeunesse
Les récits sur les premières années de la vie d’Art Ross ne sont pas toujours exacts. La plupart des fiches sur le hockey font remonter sa naissance au 13 janvier 1886. Art Ross lui-même mentionne cette date la plupart du temps, bien qu’aucun acte de naissance ne permette de la confirmer. Cependant, trois sources font mention de sa naissance le 13 janvier 1885 : un enregistrement de son année scolaire à la Bishop’s College School de Lennoxville au Québec (1898-1899); des relevés d’emploi à la Merchants Bank of Canada, où il obtient son premier emploi en 1903; et son inscription professionnelle dans le guide régional de 1915 de Montréal. C’est pourquoi les généalogistes penchent pour l’année 1885.
Le père d’Art Ross, Thomas B. Ross, et son grand-père paternel, Simon Ross, travaillent tous deux pour la Compagnie de la Baie d’Hudson. Longtemps ancrée au Québec dans la région du Saguenay, la famille déménage avec Thomas Ross en Ontario dans le district de Huron autour de 1876. Art Ross naît dans un poste de traite près du lac Whitefish, non loin de Naughton, Ontario, qui fait désormais partie de la ville de Sudbury. Son deuxième prénom a souvent été épelé Howie, ce qui est incorrect, car c’est en réalité « Howey ». Il doit ce prénom à sa marraine Florence Howey, l’épouse de William Howey, docteur au Chemin de fer Canadien Pacifique, qui arrive dans la région de Sudbury en 1883. Art est le neuvième des dix enfants de la famille (bien que des histoires de hockey plus anciennes fassent état d’une famille de treize enfants dont il serait le douzième). Comme ils vivent au poste de traite, en grandissant les enfants apprennent à parler l’anglais, le français et deux langues autochtones : l’ojibwé et le montagnais.
Le couple connaissant des problèmes, les parents d’Art finissent par divorcer. Le 23 décembre 1895, sa mère Margaret se remarie avec Peter McKenzie, facteur en chef à la Compagnie de la Baie d’Hudson. Art et au moins cinq de ses frères et sœurs déménagent à Montréal, où la famille habite dans une grande maison du quartier Westmount.
Entrée dans le monde du sport
D’après ses dires, il apprend à patiner sur le lac Whitefish en utilisant des lames fabriquées par des Ojibwés de la région à partir de matériaux achetés au poste de traite de son père. Cependant, c’est à Montréal qu’il va démontrer de grandes aptitudes pour le sport, en particulier pour le baseball, le basketball et la boxe. Plus tard, il devient un excellent coureur de motocyclettes. Il joue également au hockey à Montréal, mais le football (généralement appelé le rugby à cette époque) est à la fois son sport favori et celui où il excelle. Bien qu’il grandisse aux côtés de futures étoiles du hockey telles que Frank et Lester Patrick, ce n’est qu’au cours de l’hiver 1905-1906, lorsqu’il déménage à Brandon au Manitoba, qu’Art Ross devient lui-même une étoile du hockey.
Art Ross se bâtit une réputation de défenseur de premier plan au Manitoba. En janvier 1907, les Thistles de Kenora l’intègrent à leur formation lors d’une compétition avec les Wanderers de Montréal en vue de remporter la Coupe Stanley. Dans sa ville de Montréal, Art Ross aide les Thistles à vaincre les Wanderers et à gagner la Coupe Stanley. De retour au Manitoba, il termine la saison 1906-1907 avec le club de hockey de Brandon, mais rejoint cet automne-là l’équipe des Wanderers de Montréal pour la saison 1907-1908 et gagne la Coupe Stanley avec sa nouvelle équipe.
Carrière de hockeyeur professionnel
Jusqu’à la saison 1906-1907, le hockey au Canada est un sport amateur. En 1906 cependant, la principale ligue de ce sport, l’Eastern Canada Amateur Hockey Association, décide d’autoriser la participation de joueurs professionnels. Des équipes de premier plan telles que les Wanderers commencent à rémunérer généreusement les joueurs professionnels. Outre son commerce florissant d’articles de sport ouvert en 1908 à Montréal, Art Ross exige également un bon prix en tant que joueur de hockey. Lors de matchs importants, il lui arrive de venir prêter main-forte à des équipes d’autres ligues, moyennant salaire. C’est lors de la saison 1910-1911, avec les Comets d’Haileybury, affiliées à l’Association nationale du hockey (ANH), qu’Art Ross gagne le plus, à savoir 2 700 dollars.
En 1911-1912, il revient jouer avec les Wanderers de Montréal. Il devient bientôt membre de l’équipe dirigeante, mais soutient toujours ses coéquipiers dans les négociations contractuelles. Au cours du conflit salarial de l’automne 1914, Art Ross participe aux plans de création d’une nouvelle ligue de hockey. Lorsque le plan est abandonné, il se retrouve exclu à vie de l’ANH. L’exclusion est ensuite réduite à une suspension de deux semaines, mais les Wanderers ne souhaitent pas son retour. Lors de la saison 1914-1915, Art Ross participe au championnat de l’ANH en se joignant aux Sénateurs d’Ottawa, mais ils perdent la Coupe Stanley au profit des Millionaires de Vancouver, affiliés à une association rivale, la Pacific Coast Hockey Association (PCHA).
Après deux saisons avec Ottawa, Art Ross retrouve les Wanderers en 1916-1917. Un an plus tard, il occupe le poste de joueur, d’entraîneur et de directeur général des Wanderers lorsque l’ANH est dissoute et adhère pour la saison 1917-1918 à la Ligue nationale de hockey récemment créée. C’est à peu près à cette époque que de nombreux athlètes s’engagent dans la Première Guerre mondiale et que l’équipe des Wanderers souffre d’une sévère pénurie de joueurs. Le 19 décembre 1917, lors de la première soirée de matchs de l’histoire de la LNH, les Wanderers battent les Arenas de Toronto 10 à 9. Cependant, ils perdent les trois matchs suivants par des résultats disproportionnés. Le propriétaire estime que l’équipe n’est pas à la hauteur et, lorsqu’un incendie détruit l’aréna du club le 2 janvier 1918, les Wanderers quittent la LNH.
Après 12 ans au sommet, la carrière de joueur de hockey d’Art Ross prend fin. Bien qu’il n’ait porté les patins qu’au cours de trois matchs dans la LNH (et marqué seulement un point), il va bientôt contribuer à la nouvelle ligue d’une manière bien différente.
Participation aux débuts de la LNH
Tout en exploitant son magasin d’articles de sports et en participant aux courses de motocyclettes durant l’été, Art Ross arbitre des matchs de la LNH de 1918 à 1922. Au cours de la saison 1922-1923, il devient entraîneur des Tigers de Hamilton, affiliés à la LNH. En tant que joueur, il a toujours veillé à conserver une excellente condition physique, et en tant qu’entraîneur, il fait travailler son équipe d’arrache-pied. Néanmoins, Hamilton termine en dernière place au classement des quatre équipes de la LNH pour la troisième année de suite avec un bilan modeste de 6–18–0. Bien que le succès soit davantage au rendez-vous avec l’équipe de hockey amateur des Tigers de l’Ontario Hockey Association (OHA), il ne retourne pas à Hamilton la saison suivante (1923-1924) et œuvre plutôt en tant qu’arbitre.
À l’automne 1924, Charles Adams recrute Art Ross pour s’occuper de sa nouvelle équipe, les Bruins de Boston, la première franchise de la LNH aux États-Unis. Art Ross fait office d’entraîneur, de directeur général et de vice-président (souvent les trois en même temps) jusqu’en 1954. Dernière équipe au classement de la LNH en 1924-1925 (6–24–0), les Bruins s’améliorent rapidement. Le changement s’amorce rapidement en 1926 lorsque l’équipe acquiert plusieurs joueurs de haut calibre de la Western Hockey League (WHL). La WHL, une ligue rivale ayant supplanté la PCHA, n’est plus capable de se mesurer financièrement à la LNH, et son président, Frank Patrick, décide de céder les contrats de ses joueurs. Ami de Frank Patrick, Art Ross convainc Charles Adams d’offrir 300 000 dollars pour les contrats des joueurs de la WHL. Par la suite, les nouvelles franchises qui voient le jour à Chicago et à Detroit achètent directement les joueurs auprès de Frank Patrick et la LNH supervise la répartition de la plupart des autres joueurs de la WHL. Charles Adams verse seulement 50 000 dollars, mais les Bruins accueillent plusieurs joueurs de premier plan, dont Eddie Shore, qui deviendra le pivot de la franchise de Boston.
Les Bruins de Boston remportent la Coupe Stanley
Les Bruins atteignent la finale de la Coupe Stanley dès leur troisième saison (1926-1927), mais perdent contre les Sénateurs d’Ottawa. Avant la saison 1928-1929, Art Ross intègre à l’équipe deux futurs membres du Temple de la renommée : le gardien de but Cecil « Tiny » Thompson et le centre Ralph « Cooney » Weiland. Ancienne étoile d’Ottawa, Cy Denneny est recruté en tant que joueur et assistant de Ross. Les Bruins emménagent également à Boston Garden, leur demeure jusqu’en 1995. Boston gagne la Coupe Stanley pour la première fois en 1928-1929 en battant les Rangers de New York lors d’une finale entièrement américaine. En 1929-1930, les Bruins obtiennent un bilan de 38–5–1 lors d’une saison comprenant 44 matchs, soit 87,5 % de victoires, ce qui reste à ce jour le pourcentage le plus élevé de l’histoire de la LNH. L’équipe atteint la finale de la Coupe Stanley à nouveau, mais elle est défaite par les Canadiens de Montréal.
Bien que l’équipe de Boston reste au plus haut niveau dans les années 1930, elle n’arrive pas à s’imposer dans les séries éliminatoires. Art Ross, qui réduit ses activités d’entraîneur entre 1934 et 1936, est de retour derrière le banc à la saison 1936-1937 et remporte avec l’équipe une autre Coupe Stanley en 1938-1939. Les Bruins gagnent encore avec Cooney Weiland en tant qu’entraîneur et Art Ross au poste de directeur général en 1940-1941, mais l’équipe connaît des temps difficiles après la Deuxième Guerre mondiale, lorsque de nombreux joueurs, dont plusieurs de haut calibre, sont partis servir dans les forces alliées (certains dans l’Aviation royale canadienne). Art Ross se retire définitivement en tant qu’entraîneur en 1945 et prend sa retraite du poste de directeur général en 1954.
Style en tant qu’entraîneur et directeur
Art Ross fait des Bruins de Boston une équipe solide, comme le lui demande son propriétaire, Charles Adams. Art Ross lui-même se déchaîne souvent derrière le banc, tapant sur les planches pour attirer l’attention de ses joueurs et des arbitres à qui il lance souvent des injures.
En tant qu’entraîneur, il fait preuve d’une grande intelligence de jeu et sait déployer ses lignes avant pour en tirer le meilleur avantage. Il attend de ses joueurs une excellente condition physique et un jeu supérieur, et consacre peu de temps d’entraînement aux principes fondamentaux du jeu. En tant que directeur général, il ne défend plus autant les droits des joueurs qu’auparavant et négocie désormais âprement les contrats. Dans les questions relatives à la ligue, les dirigeants et propriétaires des autres équipes trouvent également souvent difficile de négocier avec lui. Art Ross et Conn Smythe, propriétaire des Maple Leafs de Toronto, entretiennent par exemple un conflit personnel pendant une bonne partie de leur carrière.
Art Ross l’innovateur
Art Ross conçoit sa propre marque d’équipement de hockey (comprenant des patins, des bâtons et des uniformes). Il vend tous ces articles dans son magasin de Montréal au début des années 1900. Il met également en place un nouveau modèle de filet pour les buts pendant la saison 1927-1928, qui empêche la rondelle de ressortir et par conséquent réduit le nombre de buts contestés. (La LNH utilisera le filet d’Art Ross jusqu’à la saison 1983-1984.) Il crée également une rondelle plus performante, avec des bords biseautés, utilisée pour la première fois par la LNH lors de la saison 1918-1919. La rondelle Ross est brevetée en 1940. Elle est la rondelle officielle exclusive de la LNH de 1942 à 1968.
Art Ross joue également un rôle essentiel dans le changement de plusieurs règlements. Bien qu’il commence sa carrière de hockeyeur au moment où la plupart des joueurs doivent jouer les 60 minutes de jeu, il est un ardent défenseur du nombre illimité de remplacements et soutient fermement la décision de l’ANH (1911-1912) d’éliminer la position de « rover » et de passer à un jeu à six. Lors de la saison 1917-1918, Art Ross soutient également la décision de la LNH d’autoriser les gardiens de but à se coucher sur la glace pour bloquer un tir. L’habitude de Clint Benedict de glisser sur ses genoux pour faire des arrêts est souvent citée comme étant à l’origine de cette décision, mais Art Ross s’était déjà prononcé en faveur de ce changement, et ses amis Frank et Lester Patrick l’avaient déjà introduit dans la PCHA.
Pendant sa longue carrière chez les Bruins, Art Ross passe de nombreuses années au sein du Comité du règlement de la LNH. Sous l’impulsion d’Art Ross, le Comité décide notamment d’autoriser les passes vers l’avant dans toutes les zones sur la glace et de pénaliser le dégagement irrégulier par une mise en jeu dans la zone de l’équipe fautive.
Héritage
De nos jours, Art Ross est surtout connu pour le Trophée Art Ross, dont il fait don avec ses fils, Arthur et John, à la LNH en 1948. Depuis 1947-1948, le Trophée Art Ross est décerné au joueur de la LNH ayant marqué le plus de points au cours de la saison de hockey. Art Ross est un administrateur du Temple de la renommée du hockey lorsque les premières intronisations ont lieu en 1945, et bien qu’il soit souvent cité comme faisant partie du groupe d’origine, il n’y est réellement intronisé qu’en 1949.
Art Ross décède dans un foyer de soins infirmiers situé à Medford (Massachusetts), dans la banlieue de Boston, le 5 août 1964. Il est élu à titre posthume au Panthéon des sports canadiens en 1975 et obtient le trophée Lester Patrick pour son travail au service du hockey aux États-Unis en 1984.