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Barney's Version

Le film Barney's Version (v.f. Le Monde de Barney), produit par Robert Lantos et réalisé par Richard J. Lewis, relève le défi d'adapter le déferlement d'indiscipline du dernier roman de Mordecai Richler.

Le film Barney's Version (v.f. Le Monde de Barney), produit par Robert Lantos et réalisé par Richard J. Lewis, relève le défi d'adapter le déferlement d'indiscipline du dernier roman de Mordecai Richler. Débordant d'invention sur le plan des textes et des personnages, exprimant toute la gamme des émotions depuis l'hilarité jusqu'à la tristesse, ce roman suit la vie d'une fripouille, depuis sa jeunesse bohème en Europe jusqu'à ses jours de déclin, hantés de souvenirs, à Montréal. Sautant d'une époque et d'un lieu à l'autre, Barney Panofsky raconte, au fil de sa conscience, une histoire tissée de multiples fils où trois mariages, des amis, des ennemis, des triomphes et des catastrophes s'entrecroisent.

Il est impossible pour Lewis de capter la portée et les détails du livre : les innombrables événements de la vie turbulente de Barney, le passage du mépris moqueur à la compassion élégante, les digressions dans les digressions et les bafouillages sur tout et n'importe quoi, depuis l'industrie cinématographique canadienne jusqu'à la politique québécoise en passant par la sexualité bizarre et les Canadiens de Montréal, dont raffole Richler. Le film laisse tomber plusieurs des personnages secondaires du livre, des scènes avec certains personnages comme Clara, la première femme de Barney, et transpose le flot de blagues satiriques en dialogues.

Après la lecture de ce qu'il appelle « une première version » du roman, envoyée par Richler, Robert Lantos achète les droits du livre et, pendant des années, travaille avec divers auteurs, Richler y compris, pour écrire un scénario qui condensera le roman tout en conservant son esprit. Lantos aime tellement Barney's Version qu'il veut, selon ses dires, filmer tout le livre, « mais ça donnerait un film de dix heures ». Lantos a déjà adapté un autre ouvrage de Richler, Joshua Then and Now (1985), après avoir été présenté à l'auteur par Ted Kotcheff, qui a réalisé le film.

Éliminant la narration hors-champ qui pose problème dans les premières ébauches du scénario, la version de Michael Konyves se concentre sur les relations de Barney avec sa troisième femme adorée, Miriam, avec Boogie, le copain de toujours qu'il aurait assassiné pendant une bagarre d'ivrognes et avec son exubérant et ex-flic de père, Izzy. Selon Lantos, ces relations « forment l'essence du film, mais aussi du livre ».

Dans la séquence qui constitue le cœur du film, Barney tombe éperdument amoureux de Miriam au cours de son mariage avec la deuxième Mme Panovsky. Comme dans le roman, l'action elle-même résume Barney : c'est un briseur de tabous follement impulsif, doublé d'un grand romantique capable d'être tendre comme cruellement indifférent à la souffrance des autres. Pour Lantos, le plus grand attrait du roman est ce personnage politiquement incorrect et raté qui, comme Richler lui-même, « ne craint pas les conventions sociales et se montre particulièrement sévère envers les hauts placés ». C'est quelqu'un qui ne cache pas ses défauts. Pour lui, c'est un signe de courage et il dit tout haut ce qu'il pense et croit vraiment.

Parmi les performances qui contribuent à la réussite du film, il faut souligner celle de Paul Giamatti - qui joue aussi dans Sideways (v.f. À la dérive), et dans American Splendor - qui apporte de la crédibilité tout au long de l'histoire de Barney, depuis la jeunesse jusqu'au début des pertes de mémoire, aidé du subtil maquillage d'Adrian Morot, récompensé par une nomination aux Oscars. Dans un film qui vise à contourner la vision en noir et blanc de la vie, Giamatti « ressemble à une figue de Barbarie et se comporte comme tel », dit Lantos de son acteur principal. « Dans la peau d'une figue de Barbarie, on trouve une humanité et une tendresse profondes. »

Rosamund Pike - qui joue aussi dans An Education (v.f. Une éducation), et dans Pride and Prejudice (v.f. Orgueil et préjugés) - arrive à capter la beauté radieuse et la vivacité d'esprit de Miriam tandis que Minnie Driver - qu'on a vue aussi dans Good Will Hunting (v.f. Le destin de Will Hunting) et dans Sleepers (v.f. La correction) - se glisse à merveille dans la peau de la deuxième M<sup>me<sup> P., une princesse juive américaine très bavarde. Le grand acteur Dustin Hoffman, qui aurait fait un excellent Barney plus tôt dans sa carrière, est le partenaire parfait pour Giamatti et incarne Izzy, un homme douteux et exubérant, pendant que Scott Speedman (Adaptation, Good Neighbours) et Rachelle Lefevre (New Moon, Jack Casino) donnent à Boogie et Clara toute leur nervosité.

Après la première mondiale au Festival International du Film de Venise de 2011 (le livre est l'objet d'un véritable culte en Italie et un des coproducteurs du film est italien), Barney's Version vaut à Giamatti de remporter le Golden Globe Award du meilleur acteur et à Adrian Morot d'être sélectionné aux Oscars pour le maquillage. Le film obtient également sept prix Genie sur onze nominations et, au Québec, deux prix Jutra sur quatre sélections.

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