Création du groupe
L’aventure de Beau Dommage commence dans un sous-sol à Boucherville, au Québec, sur la rive sud de Montréal. Certains membres font alors partie d’un groupe amateur, La famille Casgrain (fondée en 1969),et d’une troupe de théâtre de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), La Quenouille bleue. C’est le chanteur et guitariste Michel Rivard et le parolier Pierre Huet qui décident d’abord de réunir leurs textes et leurs pièces musicales. Ils font ensuite appel à Robert Léger (clavier et flûte, récipiendaire en 1966 du prix Jeune auteur de Radio-Canada dans la catégorie conte), à Réal Desrosiers (batterie, recruté grâce à une annonce sur un babillard de l’UQAM), puis à un ami de longue date, Pierre Bertrand (guitare et basse).
Le groupe ainsi formé propose ses premières chansons au chanteur populaire Donald Lautrec. Constatant que le style ne correspond pas à celui de la vedette d’émissions de variétés, les musiciens décident de se lancer en tant que groupe. Comme il leur manque une voix féminine, ils font passer des auditions au 6760 Saint-Vallier, l’appartement qu’occupe alors Robert Léger (une adresse devenue célèbre par la suite avec la chanson « Tous les palmiers »). Marie-Michèle Desrosiers (chants et claviers) s’y présente et fait valoir son talent. Étudiante à l’École nationale de théâtre, elle exécute ses premières harmonies vocales sur des chansons comme « 23 décembre » et « Montréal ». Les musiciens sont conquis et l’invitent à se joindre à eux.
Réfléchissant à un nom pour le groupe, ils penchent d’abord pour L’été des indiens, puis arrêtent leur choix sur Beau Dommage, une ancienne expression québécoise qui veut dire « bien sûr, bien entendu ».
Premier album : Beau Dommage
Beau Dommage donne des spectacles dans des salles et des cafés tout en cherchant un producteur. C’est finalement Pierre Dubord, directeur artistique de la filiale canadienne de Disques Capitol établie à Toronto, qui leur donne leur première chance. Dans les deux semaines suivant sa mise en marché, l’album éponyme Beau Dommage (1974) se vend à plus de 50 000 exemplaires. Une tournée à travers le Québec s’ensuit et pour la toute première fois, les jeunes musiciens sortent de Montréal. À Roberval comme à Val d’Or, ils rencontrent des jeunes qui se retrouvent dans les thèmes abordés par leurs chansons. C’est ainsi que Beau Dommage lance un album par année sur une période de quatre ans. Chaque nouvel opus est immédiatement suivi d’une tournée qui s’échelonne sur un an. Robert Léger, qui n’aime pas particulièrement les tournées, est remplacé sur scène par Michel Hilton en 1976, mais il continue de composer pour le groupe.
Le 24 juin 1976, Beau Dommage participe aux côtés des formations Octobre, Harmonium et Contraction à l’emblématique concert de la fête de la Saint-Jean-Baptiste à Montréal, « Ok nous v’là », qui rassemble plus de 400 000 Québécois sur le Mont-Royal. Le groupe se fait aussi connaître à travers l’Europe francophone, et il accompagne Julien Clerc lors d’une tournée en France en 1977.
Chansons marquantes et dissolution
« La complainte du phoque en Alaska »connaît un triomphe que le groupe n’avait pas du tout envisagé. La pièce est même reprise par le poète et chansonnier québécois Félix Leclerc, qui habituellement n’interprète que ses propres œuvres. La chanson est publiée sur son album Le tour de l’île, paru en 1975.
La longue pièce vocale et instrumentale « Un incident à Bois-des-Fillion », parue sur l’album Où est passée la noce?, remporte quant à elle le prix Jeune chanson 1976 décerné par le Secrétaire d’État à la culture du gouvernement français lors du Marché international du disque et de l’édition musicale (MIDEM), à Cannes.
Les membres du collectif, qui partagent tous les droits d’auteur à parts égales et qui prennent ensemble toutes les décisions (qu’il s’agisse d’un texte ou d’un arrangement sonore), ont cependant de la difficulté à maintenir cette étroite collaboration.
C’est Michel Rivard qui, le premier, décide d’entreprendre une carrière solo et lance son album Méfiez-vous du grand amour en 1977. Marie-Michèle Desrosiers et Pierre Bertrand connaissent quant à eux un certain succès dans d'autres projets, par exemple au théâtre et dans la chanson.
Renaissance
Beau Dommage se produit à nouveau au Forum de Montréal en octobre 1984, puis en 1995 lors des festivités du 350e anniversaire de Montréal. De nouvelles chansons telles « Rive sud », « Échappé belle », « Tout simplement jaloux » et « Le retour du flâneur » figurent sur l’album Beau Dommage, enregistré en studio en 1994, puis Rideau, capté sur scène au Forum de Montréal en 1995, vient clôturer la carrière féconde du groupe. Le public fidèle est toujours aussi réceptif, et cet album s’écoule rapidement à plus de 200 000 exemplaires. Il permet au groupe de remporter quatre prix Félix, dont celui de Groupe de l’année au Gala de l’ADISQ en 1995.
Prix et distinctions
Le 28 avril 2009, chacun des membres du groupe reçoit la Médaille d’honneur de l’Assemblée nationale pour « la contribution remarquable » de Beau Dommage « au patrimoine culturel et artistique du Québec ».
Dans le cadre de la série consacrée aux artistes canadiens de la chanson, un timbre-poste à l’effigie du groupe est émis en 2013 par Postes Canada. Une murale est aussi peinte non loin du fameux 6760 Saint-Vallier, dans une ruelle qui porte le nom de Beau-Dommage.
En juillet 2015, le Cirque du Soleil rend hommage au groupe en créant un spectacle inédit intitulé Le monde est fou. Celui-ci est présenté lors de l’inauguration de l’Amphithéâtre Cogeco à Trois-Rivières.
Le 23 septembre 2017, Beau Dommage fait son entrée au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens. Ses membres y sont intronisés aux côtés de Stéphane Venne, Neil Young et Bruce Cockburn.