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Béringie

La Béringie revêt une double importance : elle ouvre la voie aux échanges intercontinentaux de plantes et d'animaux pendant les périodes glaciaires et aux échanges interocéaniques pendant les périodes interglaciaires.
Béringie

La Béringie est une masse continentale comprenant une partie de trois pays modernes (Canada, États-Unis et Russie) et qui s'étend depuis le fleuve sibérien Kolyma et la presqu'île du Kamtchatka, traversant l'Alaska et le Yukon, jusqu'au fleuve Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest. Presque au centre de la région se trouve le détroit de Béring, d'où le nom « Béringie ». Aujourd'hui, le détroit relie les océans Arctique et Pacifique, mais, dans le passé, l'abaissement du niveau de la mer, conséquence partielle de la formation des glaciers continentaux, mit à découvert des parties de plateaux continentaux qui formèrent un grand isthme entre le Nord-Est de l'Asie et le Nord-Ouest de l'Amérique du Nord.

La Béringie revêt une double importance : elle ouvre la voie aux échanges intercontinentaux de plantes et d'animaux pendant les périodes glaciaires et aux échanges interocéaniques pendant les périodes interglaciaires. Elle est un centre de l'évolution et semble avoir hébergé une population de plantes et d'animaux apparemment uniques. Ainsi, l'histoire de la Béringie est importante non seulement pour son évolution géographique, mais aussi pour celle de la faune et de la flore.

La Béringie est une région d'une grande beauté : les plus hautes montagnes d'Amérique du Nord surplombent de grands plateaux et de sinueuses rivières. Elle s'étend des côtes glacées de l'Arctique au nord jusqu'aux côtes du Pacifique réchauffées par le courant japonais au sud. Les températures vont des plus froides sur Terre en hiver aux chaleurs accablantes en été. Les journées de 24 heures en été contrastent avec les longues périodes nocturnes de l'hiver.

En raison de son aridité, la Béringie est demeurée en bonne partie sans glace durant les périodes glaciaires. La stratigraphie faite à partir de longues successions de sédiments non glaciaires exposés à divers endroits peut être corrélée avec les mouvements de glaciers alpins et continentaux ailleurs. Les fossiles provenant de tels sédiments sont souvent exceptionnellement abondants et bien conservés. Ils comprennent des pollens, des végétaux et des os de vertébrés et d'invertébrés. L'étude des fossiles et des sédiments dans lesquels on les trouve a permis la reconstitution expérimentale de milieux anciens en Béringie occidentale et orientale.

La Béringie revêt un intérêt particulier dans l'étude de la préhistoire, car selon toute probabilité, c'est la région par laquelle l'homme a d'abord pénétré dans l'hémisphère occidental, apparemment à la poursuite de grands mammifères qui, d'après les preuves fossiles, auraient erré vers l'est en parcourant l'isthme de Béring. Des parties de la Béringie occidentale (aujourd'hui la Sibérie orientale) ont pu être occupées par l'homme il y a déjà 35 000 ans. On a tenté d'identifier des objets façonnés d'âge semblable d'après des os de mammifères éclatés et coupés, mais la preuve certaine la plus ancienne de la présence humaine en Alaska et au Yukon remonte à 20 000 ou 25 000 ans.

Le peuplement permanent de la Béringie a été rendu possible grâce à l'invention et au perfectionnement d'un éventail complexe d'aptitudes techniques et culturelles. Des vêtements de peaux taillées, des abris sûrs, la maîtrise du feu, des méthodes spéciales d'approvisionnement et d'entreposage de la nourriture et probablement des embarcations pour traverser de grandes étendues d'eau froide constituent alors des éléments essentiels à la survie sous ces latitudes. D'après certains auteurs, la colonisation préhistorique de la Béringie représente une réalisation technologique équivalant à la pénétration de milieux tels que l'Antarctique, les fonds marins et la Lune.