Le Black Theatre Workshop est fondé en 1971, mais ses racines remontent au milieu du 20ième siècle. À la fin des années 1950 et au début des années 1960, le Canada connaît une vague d'immigration antillaise, dont une part est constituée d'étudiants qui fréquentent les universités canadiennes avec l'aide des programmes du Commonwealth. En 1964, afin de remédier à la perception voulant que les Antilles aient peu de culture ou une culture limitée, la collectivité antillaise croissante de Montréal fonde la Trinidad and Tobago Association (TTA), qui est consacrée à la promotion de la culture antillaise.
La TTA met sur pied un comité de théâtre qui organise des lectures publiques de pièces de Earl Loveless, Errol John et Derek Walcott (prix Nobel 1993). L'intérêt engendré par ces événements et l'arrivée du metteur en scène Johnny Cayonne, qui travaillait aux côtés de Walcott, incite l'association à mettre en scène, de 1966 à 1968, Dance Bongo, de Errol Hill, The Sea at Dauphin, de Walcott, ainsi que deux « calypsoperas » originaux, Calypso in the Flesh et Fancy, qui tentent de présenter une synthèse de la culture et de l'art antillais.
Bien que ces productions soient bien reçues du public, certains membres de la TTA se sentent de plus en plus mal à l'aise face à un répertoire qui est principalement nostalgique. Tout en demeurant sous l'égide de la TTA, l'atelier de théâtre « Black Workshop », de Cynthia Allen, veille à la production de la pièce originale de Laurris Elliott, How Now Black Man, mise en scène par Jeff Henry au Centaur Theatre, en 1970.
L'année suivante, le Workshop s'affranchit de la TTA et devient le Black Theatre Workshop. Le mandat de la compagnie est de fournir un lieu théâtral aux auteurs, aux artistes, et aux acteurs de la communauté noire de Montréal. Jeff Henry et Errol Sitahal dirigent brièvement la compagnie, mais il s'avère difficile de trouver le financement nécessaire. De 1971 à 1973, le Black Theatre Workshop ne met en scène qu'une seule pièce, Dream on Monkey Mountain, de Walcott.
En 1974, le directeur artistique, Clarence Bayne, obtient une subvention du Conseil des Arts du Canada. De 1974 à 1976, la compagnie, revivifiée, met en scène des pièces écrites par des auteurs renommés tels que Wole Soyenka, Yvonne Greer et Eric Roach, ainsi que de nouvelles œuvres de Bayne (The Black Experience), David Edgecomb (For Better For Worse et Sonuvabitch) et Errol Sitahal (Sea Shango).
En 1976, le Conseil des arts du Canada (CAC) fait du Black Theatre Workshop une compagnie de théâtre professionnelle. Mais la reconnaissance institutionnelle se révèle amère lorsque la compagnie, afin de conserver un accès au financement du CAC, doit favoriser l'embauche de professionnels plutôt que celle des comédiens de sa troupe. Le Black Theatre Workshop se trouve alors en quelque sorte coupé de sa base communautaire, tout en ayant à concurrencer d'autres théâtres afin d'avoir l'approbation d'un public de langue anglaise qui diminue.
Afin de plaire davantage, tout en conservant son mandat, le Workshop, sous la direction artistique de Terry Donald, puise au répertoire du Negro Theatre Ensemble de New York, qui reçoit des critiques élogieuses. À partir de ce moment, des productions des classiques modernes, comme Les Nègres de Jean Genet (1976) ou A Raisin in the Sun de Lorraine Hansberry (1979), soutiennent la création d'œuvres nouvelles comme Strong Currents, de Edgecomb et A Li'lle Bit O'Somet'in de Laurris Elliot (1978).
Pendant les années 1980 et 1990, sous la direction de Don Jordan et ensuite sous celle de Winston Sutton, les productions du Workshop - dont For Coloured Girls... de Ntozake Shange (1984), God's Trombones de James Weldon Johnson (1986), The Coloured Museum de George C. Wolfe (1988) - reflètent plus ouvertement les questions qui touchent la collectivité noire. En 1983, avec Martin Luther Who?, de Clarence Bayne et Dwight Backie, la compagnie commence à faire des tournées dans des écoles. De telles tournées deviennent un élément permanent des saisons suivantes, et elles conduisent au collectif Children of Kush Arising (1995) mise en scène par la danseuse hip hop Fleurette Fernando qui, à 23 ans, est la plus jeune directrice artistique de la compagnie (elle reçoit en 1995 le Prix John-Hirsch pour ses réalisations au BTW).
Après le départ de Fernando en 1996, la compagnie traverse à nouveau une période de difficultés financières et de redéfinition de son mandat. Même si la communauté noire de Montréal est plus importante que jamais, elle est aussi plus variée et plus dispersée. Qui plus est, les nouveaux immigrants sont majoritairement francophones et d'origine haïtienne. En réaction à cette tendance, la compagnie commence à produire des pièces bilingues et se rebaptise même le « théâtre BTW » (1992). Malgré tous les efforts de la compagnie, la plupart des nouveaux arrivants tournent le dos au théâtre et ne se reconnaissent pas dans le Workshop.
Sous la direction artistique de Nancy Delva (1997-1998), de Kate Bligh (1998-2000) et de Rachel Van Fossen (2001-2004), le Workshop tente de renverser cette tendance en se concentrant sur la communauté et l'éducation. La compagnie investit souvent autant de ressources dans ses ateliers et ses tournées dans les écoles que dans ses pièces sur scène. Toutefois, certaines productions du BTW comme My Children, My Africa d'Athol Fugard (1998), The Crossroad/Le Carrefour de Kossi Efoui (2000), Afrika Solo de Djanet Sears (2002, reprise dans une tournée pédagogique en 2006) et Wade in the Water (2004) de l'écrivain résident George E. Boyd démontrent que la compagnie est toujours capable de réaliser des œuvres remarquables aussi bien au Canada qu'à l'étranger.
Le Workshop demeure une compagnie de théâtre itinérante et il rencontre encore des difficultés financières, mais il a prouvé qu'il était remarquablement résistant. Depuis 1986, le Workshop remet annuellement un prix soulignant la contribution artistique et les réalisations des membres de la communauté noire.