John Buchan, 1er baron Tweedsmuir, gouverneur général du Canada de 1935 à 1940, romancier et historien (né le 26 août à Perth, en Écosse, au Royaume-Uni; décédé le 11 février 1940 à Montréal, au Québec). Lord Tweedsmuir était un auteur prolifique. Son roman le plus célèbre, The Thirty-Nine Steps (1915), a été adapté dans un film de 1935 réalisé par Alfred Hitchcock. Il a également créé les Prix littéraires du Gouverneur général au Canada.

Jeunesse et éducation
John Buchan est l’aîné des cinq enfants survivants de John Buchan, un pasteur de l’Église libre d’Écosse, et d’Helen Jane Masterton, issue d’une famille d’éleveurs de moutons. Il fait ses études secondaires à la Hutchesons’ Grammar School de Glasgow et poursuit des études classiques à l’université de Glasgow en 1892. En 1895, il reçoit une bourse d’études Junior Hulme au Brasenose College de l’université d’Oxford, où il obtient une maîtrise ès arts. Il est admis au barreau de Middle Temple à Londres en 1901 et il se spécialise en droit commercial.
Mariage
Le 15 juillet 1907, John Buchan épouse Susan Charlotte Grosvenor, cousine du duc de Westminster et fille du capitaine Norman de l’Aigle Grosvenor, député libéral britannique de 1869 à 1874, et de Caroline Stuart-Wortley, romancière et fondatrice de la Women’s Farm and Garden Union (aujourd’hui la Working for Gardeners Association). Susan Buchan est une amie d’enfance de Virginia Woolf, et l’auteure de plusieurs romans, biographies et livres pour enfants. Elle en a publié certains sous le nom de Susan Tweedsmuir après qu’elle soit devenue consort vice-royale du Canada.

Enfants
John et Susan Buchan ont quatre enfants. Alice Caroline Fairfax-Lucy (1908-1993), leur aînée, devient auteure et archiviste. John Norman Stuart, 2e baron Tweedsmuir (1911-1944), officier militaire, naturaliste et explorateur, se joint à la Compagnie de la Baie d’Hudson. Il parcourt 3 000 milles en traîneau à chiens dans l’Arctique et passe l’hiver 1938-1939 à Cape Dorset (aujourd’hui Kinngait) sur l’île de Baffin. William James de l’Aigle, 3 e baron Tweedsmuir (1916-2008), pilote de la Royal Air Force et poète, et Alastair Francis (1918-1976) qui sert dans les Forces armées canadiennes pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Journaliste, historien et politicien
De septembre 1901 à juillet 1903, pendant la guerre des Boers, John Buchan occupe le poste de secrétaire particulier du haut-commissaire de l’Afrique du Sud. Il rencontre les troupes du Commonwealth, dont des Canadiens. À son retour au Royaume-Uni, il travaille comme auteur, avocat et journaliste pour The Spectator et comme conseiller littéraire pour la maison d’édition Thomas Nelson. John Buchan est écarté du service actif lors de la Première Guerre mondiale en raison d’un ulcère duodénal. Il devient plutôt correspondant de guerre pour The Times et écrit une histoire contemporaine de la guerre en 24 volumes. En 1918, il devient chef des services de renseignement, sous le ministre de l’Information, lord Beaverbrook, un Canadien d’origine. En 1927, John Buchan est élu député britannique du Parti unioniste, représentant les universités écossaises combinées jusqu’à sa nomination au poste de gouverneur général du Canada en 1935.
Romancier et biographe
Auteur prolifique tout au long de sa vie, John Buchan écrit plus de 100 livres, dont des romans historiques, des biographies et ses mémoires publiées à titre posthume. Il publie son premier poème, New Year’s hymn, en 1887, à l’âge de 11 ans, et son premier roman, Sir Quixote of the Moors, alors qu’il étudie à l’université d’Oxford. Son roman d’aventures le plus célèbre, The Thirty-Nine Steps (1915), est adapté pour la radio, le théâtre et la télévision et, surtout, pour un film de 1935 réalisé par Alfred Hitchcock. Lorsque l’auteur voit le film, il le juge « meilleur que le livre » et « De premier ordre. Bien meilleur que ma version. »
En 1924, John Buchan écrit une biographie de lord Minto, gouverneur général du Canada de 1898 à 1904. Cette même année, il effectue son premier voyage au Canada. Il visite Ottawa, Toronto, Montréal et à Québec. À Ottawa, il rencontre le premier ministre William Lyon Mackenzie King à la maison Laurier, ainsi que le gouverneur général, le vicomte Byng de Vimy et lady Byng à Rideau Hall.
John Buchan poursuit sa carrière littéraire pendant son mandat de gouverneur général. Il écrit la biographie d’Auguste, empereur romain, qu’il dédie à « mon ami William Lyon Mackenzie King, quatre fois premier ministre du Canada ». Il rédige également ses propres mémoires, Memory Hold-the-Door, à Rideau Hall. On publie son dernier roman, Sick Heart River, à titre posthume en 1941. Il s’inspire de la rivière Nahanni, dans les Territoires du Nord-Ouest, non loin de l’endroit qu’il a visité durant son voyage sur le fleuve Mackenzie en 1937. Un recueil de ses discours en tant que gouverneur général du Canada, intitulé Canadian Occasions, paraît à titre posthume en 1941.
Gouverneur général du Canada
William Lyon Mackenzie King et le premier ministre R. B. Bennett soutiennent tous deux la nomination de John Buchan au poste de gouverneur général. Ils admirent ses réalisations littéraires et ce que Mackenzie King décrit comme « ses charmantes manières anglaises discrètes ». John Buchan est le premier gouverneur général du Canada sans titre au moment de sa nomination. Le 1er juin 1935, le roi George V lui confère le titre de 1er baron Tweedsmuir d’Elsfield. Ce titre rend hommage à Tweed Valley, en Écosse, où il a grandi, et à Elsfield, de l’Oxfordshire, en Angleterre, où il achète un manoir après la Première Guerre mondiale.
Lord Tweedsmuir est le premier gouverneur général à être nommé après l’adoption du Statut de Westminster de 1931, qui accorde au Canada son autonomie en matière de politique étrangère. Il souligne alors qu’il ne représente pas le gouvernement britannique, mais la Couronne du Canada, déclarant dans un discours de 1938 : « Le Canada est une nation souveraine et ne peut avec docilité accepter de la Grande-Bretagne, ou des États-Unis, ou de qui que ce soit d’autre, l’attitude qu’il lui faut prendre envers le monde. Le premier devoir de loyalisme d’un Canadien n’est pas envers le Commonwealth britannique des nations, mais envers le Canada et son roi. »
Lord Tweedsmuir fait de nombreux voyages au Canada, où il rencontre des Canadiens de toutes origines. En mars 1936, il visite les Cantons de l’Est au Québec, et s’arrête dans de petites villes pour y rencontrer la population et y donner des discours en français et en anglais. Le 1er décembre 1936, il écrit à sa femme, Susan, « À Regina, samedi après-midi, j’ai visité les salles communautaires des Allemands, des Polonais, des Hongrois, Roumains, des Ukrainiens, blancs et rouges [voir Communauté russe au Canada], et des Juifs. J’ai pris la parole dans chacune d’entre elles. » Il reçoit le titre honorifique de chef tête d’aigle de la Nation Kainai (tribu des Blood) en Alberta. Une photographie de Yousuf Karsh représentant Lord Tweedsmuir portant la coiffe de guerre, offerte par le chef Shot-Both-Sides, fait la manchette des journaux et figure dans ses mémoires.

En 1937, il effectue un voyage dans les provinces maritimes. Il s’intéresse particulièrement à la Colombie-Britannique et à l’Arctique canadien, et effectue, cette même année, de nombreuses visites très médiatisées dans la région. Il suit ainsi les traces d’Alexander Mackenzie en voyageant le long du fleuve Mackenzie jusqu’à Aklavik, au delta, puis en se rendant par avion au Grand lac de l’Ours, à Kugluktuk et à Tuktoyaktuk.
Lord Tweedsmuir reçoit des doctorats honorifiques en droit de l’Université de Toronto, de l’Université McGill et de l’Université de Montréal.

Prix littéraires du Gouverneur général
En tant que gouverneur général, lord Tweedsmuir s’implique activement dans les milieux littéraires canadiens. Il devient même président d’honneur de la Canadian Authors Association. À la suggestion du président de cette association, Pelham Edgar, il fonde les Prix littéraires du Gouverneur général. Les premiers récipiendaires sont Bertram Brooker pour Think of the Earth (fiction) et Thomas Beattie Roberton pour T.B.R. : Newspaper Pieces (non-fiction). Ces ouvrages paraissent en 1936. Le gouverneur général encourage et appuie également des auteurs canadiens individuels, tels que Thomas Raddall et Kenneth Millar. Il fait également la promotion de la poésie canadienne. En novembre 1937, il donne une conférence à l’Université de Toronto pour « susciter l’intérêt pour la poésie canadienne ».
Crise de l’abdication
Lorsque le roi George V meurt en 1936, lord Tweedsmuir prend en charge le deuil au Canada. Rideau Hall est alors recouvert de crêpe noir. Quand le nouvel héritier du trône, Édouard VIII, exprime son intention d’épouser Wallis Simpson, une Américaine deux fois divorcée, lord Tweedsmuir informe le premier ministre britannique, Stanley Baldwin, de l’opinion publique canadienne. Il affirme que, même si Édouard est très populaire personnellement au Canada, les Canadiens ont toujours une « sensibilité victorienne » et qu’ils ne pourraient pas accepter une divorcée comme reine. Édouard abdique le 10 décembre 1936, et son frère cadet lui succède sur le trône sous le nom de roi George VI.
Visite royale de 1939
Lord Tweedsmuir incite le nouveau roi George VI et la reine Elizabeth (qui deviendra la reine mère) à visiter le Canada. Mackenzie King est présent à chacune des étapes importantes du voyage de six semaines. Il accompagne également le roi et la reine lorsqu’ils rencontrent le président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt, au parc Hyde, sur l’Hudson. Lord Tweedsmuir déclare : « Je voudrais rester dans l’ombre le plus possible et laisser toute la place au Canada. » Il accueille officiellement le roi et la reine à Ottawa et les héberge à Rideau Hall pendant trois jours d’engagements publics. La visite comprend l’une des premières promenades royales, au cours de laquelle le roi et la reine s’adressent à une foule d’anciens combattants de la Première Guerre mondiale. Ce moment revêt une importance particulière, juste avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale.

Relations avec les États-Unis et Deuxième Guerre mondiale
En 1936, lord Tweedsmuir devient le premier gouverneur général du Canada à recevoir la visite officielle d’un président américain. Il accueille Franklin D. Roosevelt à la Citadelle de Québec. Le gouverneur général entretient des liens étroits avec le président Roosevelt, ce qui permet de renforcer les relations anglo-américaines et canado-américaines, malgré l’isolationnisme qui sévit alors aux États-Unis. Le 10 septembre 1939, lord Tweedsmuir signe la déclaration de guerre du Canada contre l’Allemagne, sur les conseils du premier ministre Mackenzie King. Au cours des derniers mois de sa vie, il se déplace beaucoup pour visiter les troupes et les usines de munitions, et participer aux négociations du Programme d’entraînement aérien du Commonwealth britannique.
Décès
Le 6 février 1940, lord Tweedsmuir est victime d’une thrombose cérébrale alors qu’il se rase. Il tombe, se blessant à la tête. Il décède le 11 février à l’Institut neurologique de Montréal. C’est le premier gouverneur général du Canada à mourir pendant son mandat. Des funérailles nationales sont célébrées à l’église presbytérienne St. Andrew’s, à Ottawa. Près de 50 000 personnes assistent au cortège funèbre, depuis la colline du Parlement jusqu’à l’église. Le premier ministre William Lyon Mackenzie King prononce un discours radiodiffusé dans lequel il déclare : « Avec le décès de Son Excellence, les Canadiens perdent l’un des plus grands et l’un des plus vénérés de leurs gouverneurs généraux, ainsi qu’un ami qui, dès le jour de son arrivée dans ce pays, s’est mis à leur service. » Après la cérémonie, sa dépouille est incinérée et ses cendres sont envoyées en Angleterre afin d’être enterrées au cimetière d’Elsfield.
Héritage
Les Prix littéraires du Gouverneur général, administrés par le Conseil des Arts du Canada depuis 1959, comptent parmi les distinctions littéraires les plus prestigieuses au Canada. Le biographe canadien de lord Tweedsmuir, J. William Galbraith, décrit l’homme comme un « gouverneur général modèle » qui « a contribué à renforcer l’unité et la souveraineté du Canada tout en œuvrant à renforcer la loyauté du pays envers le souverain ».
Lord Tweedsmuir joue un rôle clé dans la création du parc provincial Tweedsmuir, en 1938, sur des terres traditionnellement utilisées par les Premières Nations Nuxalk et Carrier, au nord-ouest de Vancouver. En août 1937, lors d’un long voyage dans la région, à cheval et en hydravion, il recommande sa préservation en tant que parc provincial. Dans le livret qu’il publie pour commémorer ses voyages dans le parc, il écrit : « J’ai parcouru la majeure partie du Canada et j’ai vu beaucoup de choses merveilleuses, mais je n’ai rien vu de plus beau et de plus merveilleux que le grand parc que la Colombie-Britannique m’a fait l’honneur d’appeler par mon nom. » Le parc provincial Tweedsmuir figure parmi les plus grands parcs provinciaux de la Colombie-Britannique.
Outre le parc provincial Tweedsmuir et Tweedsmuir Peak, en Colombie-Britannique, on compte aussi plusieurs écoles qui portent ce nom, soit à Okotoks, en Alberta, à Surrey et à New Westminster, en Colombie-Britannique, ainsi qu’à Toronto, North Bay et London, en Ontario. La résidence universitaire Tweedsmuir House se trouve également à l’Université de la Colombie-Britannique. On compte aussi une Tweedsmuir Memorial Presbyterian Church à Orangeville, en Ontario. On retrouve des rues qui portent le nom de Tweedsmuir à Montréal, au Québec, à Pinawa, au Manitoba, et à Ottawa, Toronto, London et Deep River, en Ontario. Un hameau Tweedsmuir existe également en Saskatchewan.