Le système de surveillance acoustique (Sound Surveillance System, ou SOSUS) est un réseau de stations de sonar passif établi par la marine américaine au début des années 1950 pour « écouter » les sous-marins soviétiques. Le SOSUS a été un élément central de la lutte anti-sous-marine pendant la Guerre froide. Il est le fruit d’intenses recherches océanographiques menées après la guerre sur la façon dont le son se propage sous l’eau. Étant donné que le Canada partage la responsabilité de la défense de l’Amérique du Nord, la Marine royale canadienne (MRC) a participé activement à cette recherche et à cette mission et a aidé à exploiter le SOSUS. La mission a été hautement classifiée tout au long de la Guerre froide et n’a été déclassifiée qu’en 1991. Le SOSUS a été intégré au Système intégré de surveillance sous-marine (SISSM), un réseau plus vaste de capteurs fixes et remorqués qui demeure opérationnel à ce jour.
SOSUS
Le système de surveillance acoustique (SOSUS) est fondé sur les progrès en matière d’acoustique sous-marine. Peu après la Première Guerre mondiale, les scientifiques ont découvert que le son ne se déplace pas en ligne droite sous l’eau, mais qu’il est courbé vers le bas lorsque la température diminue et que la salinité augmente. Dans les années 1940, les océanographes ont découvert le chenal sonore profond. Aussi appelé canal SOFAR, le chenal sonore profond est une couche d’eau horizontale à travers laquelle les ondes sonores de basse fréquence peuvent parcourir des milliers de kilomètres.
L’idée du SOSUS était donc de placer de longues lignes d’hydrophones (ou antennes) à divers endroits du plateau continental pour sonder les bassins océaniques à la profondeur du canal SOFAR. Le bruit océanique recueilli était ensuite transmis par câble sous-marin à une installation navale de recherche océanographique (surnommée « NAVFAC » en anglais), où il était mesuré par un processus d’analyse et d’enregistrement de basses fréquences appelé « LOFAR » (Low Frequency Analysis and Recording). À l’aide d’ordinateurs rudimentaires, mais puissants pour l’époque, le traitement du signal LOFAR permettait de déterminer l’emplacement des sous-marins avec une grande précision. Il pouvait également distinguer les différentes fréquences liées à diverses machineries, ce qui permettait de détecter et de classer les sous-marins par type (et parfois même individuellement).
Un certain nombre de NAVFAC ont été installés en réseau le long des côtes est et ouest de l’Amérique du Nord et de part et d’autre des détroits GIUK (Groenland-Islande-Royaume-Uni). En comparant les coordonnées et les relèvements, les NAVFAC arrivaient à trianguler une position assez précise (de l’ordre de quelques dizaines de kilomètres carrés). Les sous-marins alliés et les avions de patrouille à long rayon d’action, comme l’Argus de l’ARC et plus tard l’Aurora, pouvaient alors être envoyés à cette position pour trouver le sous-marin et, en temps de guerre, l’attaquer. Les sous-marins soviétiques ont été suivis de cette manière tout au long de leur déploiement dans l’Atlantique Nord (la couverture n’était alors pas aussi cohérente dans l’océan Pacifique Nord, qui est beaucoup plus vaste). Du côté des alliés, on croit que les Soviétiques étaient conscients de l’existence du SOSUS, mais qu’ils ne mesuraient pas pleinement l’étendue ou la précision de sa couverture. Toutefois, sans accès aux archives soviétiques, cette évaluation ne peut être vérifiée.
Le SOSUS et la recherche civile
Même pendant la Guerre froide, la Marine américaine autorise certains scientifiques civils à utiliser le SOSUS pour la recherche. L’une des premières applications consiste à mesurer la vitesse et la direction des courants océaniques profonds à l’aide de flotteurs. Lorsque la Guerre froide prend fin au début des années 1990, la Marine américaine autorise les océanographes civils à utiliser davantage le SOSUS, notamment pour étudier les éruptions volcaniques et les tremblements de terre sous-marins, les mammifères marins et leurs sons, ainsi que les variations de température de l’océan à grande échelle.
Participation canadienne au SOSUS
La MRC est invitée à exploiter un NAVFAC à Shelburne, en Nouvelle-Écosse, et à collaborer à l’exploitation de deux autres, une à Argentia, à Terre-Neuve, et l’autre à Whidbey Island, dans l’État de Washington. Shelburne est l’une des premières installations navales mises sur pied lors de la première phase du SOSUS ; elle occupe une partie de la base navale côtière du NCSM Shelburne, datant de la Deuxième Guerre mondiale. En 1968, lors de l’unification des Forces armées canadiennes, elle est rebaptisée station des Forces canadiennes (SFC). La SFC Shelburne est déclassifiée en 1994 et devient superflue après la consolidation d’autres capteurs dans le SISSM. À l’époque, elle est le plus ancien NAVFAC en activité.
Le saviez-vous ?
Lorsque l’installation navale du NCSM Shelburne devient opérationnelle en 1955, cinq membres du Service féminin de la Marine royale du Canada figurent parmi ses premiers employés, quelque 17 ans avant l’affectation de femmes aux installations SOSUS de la Marine américaine.
Le terminal côtier du SOSUS à Argentia est établi en 1959 sur le site de la base aéronavale de la Marine américaine, qui fait partie de l’accord de 1941 entre le Royaume-Uni et les États-Unis sur les « bases de destroyers » conclu entre le premier ministre britannique Winston Churchill et le président américain Franklin D. Roosevelt. Bien que des marins canadiens participent à la dotation en personnel du NAVFAC d’Argentia dès le début, celui-ci ne devient une opération conjointe entre la Marine royale canadienne et la Marine américaine qu’en 1972. Il devient la SFC Argentia en 1975. Après ce changement, le personnel de la Marine américaine continue d’y travailler jusqu’à ce qu’elle soit également mise hors service en 1994 dans le cadre de la consolidation du SISSM.
Les réseaux d’Argentia sont toujours en service et sont exploités à distance depuis le NCSM Trinity, centre SISSM des Forces canadiennes situé à la BFC d’Halifax.
L’installation terrestre de la côte ouest, située à la base aéronavale de Whidbey Island dans les îles San Juan de l’État de Washington, est établie en 1987 alors que le SISSM est en cours de développement ; elle est donc désignée sous le nom de Naval Ocean Processing Facility (NOPF, ou installation navale de traitement océanique). Compte tenu de l’intégration réussie des opérations canadiennes du SOSUS sur la côte est et de la défense commune du détroit de Juan de Fuca, il est naturel d’inclure des marins canadiens au NOPF de Whidbey Island, où ils travaillent toujours à ce jour.
Au début des années 1970, le Canada tente d’utiliser un réseau d’antennes à travers le détroit de Lancaster pour surveiller l’activité dans le passage du Nord-Ouest, mais il abandonne la tentative, parce que le câble est régulièrement coupé par le mouvement de la banquise traînant sur le fond marin. Ils reconnaissent par la même occasion que la probabilité d’activité sous-marine dans la région est très faible, étant donné les dangers de la navigation sous la glace dans ces eaux relativement peu profondes.
Importance
Les sous-marins d’attaque soviétiques et les sous-marins lanceurs de missiles sont restés presque en permanence à quai dans les eaux libres de l’Atlantique Nord et du Pacifique pendant toute la durée de la Guerre froide, et le SOSUS a été un maillon essentiel de leur suivi. La Marine canadienne a joué un rôle important dans la recherche, le développement et l’exploitation du SOSUS, et continue de participer à son successeur, le SISSM.