Cypra Cecilia Krieger, mathématicienne et professeure (née le 9 avril 1894 à Jasło, en Galicie [Pologne]; décédée le 17 août 1974 à Toronto, en Ontario). Elle est la première femme à recevoir un doctorat en mathématiques d’une université canadienne (l’Université de Toronto) et la troisième personne titulaire d’un doctorat en mathématiques au Canada. Elle enseigne les mathématiques et la physique à l’Université de Toronto pendant plus de trente ans. Cecilia Krieger est connue principalement pour Introduction to General Typology et General Typology, ses traductions vers l’anglais de textes mathématiques.
Enfance et éducation
Cecilia Krieger naît à Jasło, en Galicie (la Pologne actuelle) le 9 avril 1894. Ses parents s’appellent Moses et Sarah. Membre d’une grande famille de marchands juifs, elle a deux sœurs et deux frères. Elle fait ses études secondaires en Pologne, puis déménage en Autriche en 1919 pour étudier à l’Université de Vienne en mathématiques et en physique.
En raison de l’instabilité et de l’antisémitisme croissants en Europe, Cecilia Krieger, ses parents et ses deux sœurs immigrent au Canada en 1920. C’est un de ses frères, déjà installé au pays, qui les parraine. Peu de temps après être arrivée à Toronto, elle commence des études à l’Université de Toronto. Elle suit des cours particuliers d’anglais afin d’améliorer sa compréhension de cette langue, qu’elle connaît à peine à son arrivée. Tous les étés, elle travaille dans une auberge située à Muskoka, en Ontario, dans le but de payer ses frais de scolarité. En 1924, Cecilia Krieger décroche son baccalauréat en mathématiques et entreprend des études supérieures, toujours à l’Université de Toronto. Elle s’intéresse aux principes de mécanique, à la théorie des nombres et à la théorie des ensembles. En 1925, elle obtient une maîtrise en mathématiques.
Elle poursuit ensuite des études doctorales sous la direction de W. J. Webber, un pionnier en analyse mathématique qui joue un rôle majeur dans le développement du programme de mathématiques à l’Université de Toronto. Les recherches de Cecilia Krieger se concentrent sur la théorie des fonctions et le calcul. Sa thèse, intitulée « On the Summability of Trigonometric Series with Localized Properties—On Fourier Constants and Convergence Factors of Double Fourier Series », est publiée en deux parties, en 1928 et en 1930, dans Transactions of the Royal Society of Canada. Elle reçoit son doctorat en mathématiques de l’Université de Toronto en 1930, devenant ainsi la première femme du département à en obtenir un. Elle est également la première femme au Canada, et la troisième personne au pays, à se voir décerner un doctorat en mathématiques.
Carrière
En 1927, durant ses études doctorales, Cecilia Krieger travaille comme au Département de mathématiques de l’Université de Toronto. En 1930, après l’obtention de son doctorat, elle est promue au poste de chargée de cours. Avant d’accepter ce poste, elle passe un an à l’Université de Göttingen en Allemagne.
Malgré ses qualifications et son expérience, Cecilia Krieger occupe pendant plus d’une décennie le poste de chargée de cours avant d’être promue professeure adjointe en 1941. Elle enseigne dans les départements de mathématiques et d’ingénierie, donnant en moyenne 13 cours par semaine, avec jusqu’à 75 étudiants par classe. De telles charges d’enseignement laissent peu de place à la recherche, mais Cecilia Krieger persévère et consacre ses soirées à des projets personnels. En 1948, elle est chargée de cours invitée au Département de mathématiques de l’Université de la Colombie-Britannique. En 1952, elle est promue au titre de professeure agrégée à l’Université de Toronto. (Les détails sur les nominations universitaires de Cecilia Krieger proviennent des archives de la UFT. Certaines sources fournissent différentes dates et soutiennent que la mathématicienne n’a jamais été promue au-delà du titre de professeure adjointe.)
La contribution la plus connue de Cecilia Krieger au domaine des mathématiques est sa traduction vers anglais de l’œuvre du mathématicien polonais Wacław Sierpiński, un expert de la théorie des ensembles de valeurs. L’ouvrage Introduction to General Topology est publié en 1934 et sa suite, General Topology, en 1952. Cecilia Krieger ajoute une annexe de 30 pages à General Topology dans laquelle elle fait état de la théorie des cardinaux et des ordinaux infinis, ce qui lui mérite des éloges. Ses traductions font en sorte que le travail de Sierpiński devient accessible à l’ensemble du monde des mathématiques.
Enseignante dévouée, Cecilia Krieger est reconnue pour ses rapports amicaux avec les étudiants et le soutien qu’elle leur fournit. Elle organise régulièrement des activités sociales chez elle, offrant thé et conversations à ses invités. Elle travaille en étroite collaboration avec les , les encourageant à s’investir davantage dans leurs études et à poursuivre leur parcours pour obtenir des diplômes encore plus avancés.
Quand, en 1934, on la questionne à propos des femmes en mathématiques, Cecilia Krieger répond : « C’est un sujet sur lequel il est difficile de faire des généralisations. Ça dépend de chaque personne. Il est vrai que, jusqu’à présent, les hommes ont effectué les travaux les plus importants, mais ça ne signifie pas que les femmes ne laisseront pas leur marque. »
Grâce à son travail au sein du comité des bourses de la Fédération canadienne de femmes diplômées des universités (FCFDU), Cecilia Krieger aide des femmes, dont des mathématiciennes, à atteindre leurs objectifs d’éducation supérieure. Par exemple, la mathématicienne de renom Cathleen Morawetz a remercié Cecilia Krieger de l’avoir soutenue dans son intérêt pour les mathématiques et la physique. En effet, Cathleen Morawetz avait révélé à sa professeure qu’elle comptait abandonner ses études supérieures en raison de difficultés financières, et Cecilia Krieger avait contribué à ce qu’elle obtienne le financement nécessaire pour les poursuivre par le comité des bourses. Cathleen Morawetz a ainsi pu fréquenter le Massachusetts Institute of Technology.
Cecilia Krieger prend sa retraite du Département de mathématiques en 1961, mais continue à enseigner pendant cinq autres années.
Le saviez-vous ?
À l’époque où Cecilia Krieger commence à enseigner les mathématiques à l’Université de Toronto, les femmes font face à de sérieux obstacles en matière d’embauche. Plusieurs responsables de département résistent à l’embauche ou à la promotion des femmes au sein du corps professoral. En 1931, l’université adopte une politique selon laquelle seules les femmes mariées peuvent être embauchées si le Conseil des gouverneurs juge que « de telles personnes sont dans l’obligation de gagner de l’argent pour subvenir aux besoins de leur famille. » Il est possible que cette politique ait poussé Krieger à se marier à un âge relativement avancé.
Vie personnelle
En 1953, Cecilia Krieger épouse Dr Zygmunt Dunaij, médecin et survivant de l’Holocauste. Après le décès de son mari en 1968, elle accepte un poste au Upper Canada College à Toronto et retourne enseigner jusqu’à sa mort, le 17 août 1974.
Héritage
À son époque, Cecilia Krieger est décrite comme « un miracle de modestie qui rejette tout mérite pour son travail et qui nie toute contribution exceptionnelle. » Elle a pourtant laissé sa marque en mathématiques et a ouvert la voie aux femmes qui lui ont succédé. Dr Cathleen Morawetz a plus tard décrit Cecilia Krieger comme « la mathématicienne la plus compétente » du Canada durant sa carrière. En 1995, on célèbre la contribution de Cecilia Krieger au domaine des mathématiques avec l’inauguration du prix Krieger-Nelson. Mis sur pied par la , le prix honore Cecilia Krieger et Evelyn Nelson, une autre mathématicienne canadienne de premier plan. Il est attribué à des mathématiciennes qui s’impliquent dans des recherches novatrices. La récipiendaire du prix Krieger-Nelson présente également une allocution à l’assemblée générale annuelle de la Société. Le trophée est unique : chaque année, une sculpture inuite en stéatite est remise à la distinguée lauréate. Cathleen Morawetz a reçu le prix en 1997.
Les textes de Cecilia Krieger, notamment sa correspondance avec Wacław Sierpiński, sont archivés à l’Université de Toronto.