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Colonie d'Elgin

La colonie d’Elgin, aussi appelée Buxton, était l’une des quatre colonies noires organisées dans le sud-ouest de l’Ontario au milieu des années 1800. Créée en 1849 par le révérend William King, elle était l’une des dernières stations du Chemin de fer clandestin. Aujourd’hui, la colonie est devenue un lieu historique national situé dans la municipalité de Chatham-Kent. Elle a été nommée en l’honneur de lord Elgin, gouverneur général du Haut-Canada. Le nom « Buxton » est un hommage à sir Thomas Fowell Buxton, un abolitionniste. Bien que le nom officiel de la communauté soit la colonie d’Elgin, son cœur était la mission Buxton. La colonie d’Elgin était la plus grande des quatre colonies noires, et elle est considérée comme celle qui a connu le plus grand succès.


Contexte historique

L’asservissement des personnes noires et autochtones commence dans les années 1500 au Canada (voir Esclavage des Noirs au Canada; Esclavage des Autochtones au Canada). Le premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, John Graves Simcoe, s’oppose à l’esclavage. En 1793, le gouvernement Simcoe promulgue la Loi visant à restreindre l’esclavage dans le Haut-Canada, la première législation des colonies britanniques pour limiter la traite des esclaves. Bien qu’aucune personne asservie dans la province ne soit libérée en vertu de la loi, celle-ci interdit l’importation de nouvelles personnes asservies au Haut-Canada. Elle décrète aussi que les enfants de personnes asservies deviendront libres à l’âge de 25 ans, et les petits enfants des personnes asservies dès leur naissance. Quelque 40 ans plus tard, le 1er août 1834, l’esclavage est aboli au Canada et dans l’ensemble de l’Empire britannique par la Loi d’abolition de l’esclavage.

En 1850, les États-Unis promulguent le Fugitive Slave Act. Cette loi permet aux responsables locaux et aux citoyens d’emprisonner les personnes asservies en fuite et de les ramener à leurs propriétaires.

Ces événements conduisent à la mise en place du Chemin de fer clandestin, un réseau secret de personnes noires et blanches qui aide les fugitifs à se rendre au Canada.

Le saviez-vous?
La colonie d’Elgin était une des quatre colonies noires établies dans le sud-ouest de l’Ontario entre 1829 et 1851. Ces colonies ont été fondées par des personnes auparavant asservies aux États-Unis, ou par des personnes blanches dans l’espoir d’aider les fugitifs. La première colonie planifiée, baptisée Wilberforce, a été fondée en 1829 près de l’actuelle localité de Lucan. La colonie de Dawn, à Dresden, a été créée en 1842, et la colonie d’Elgin en 1849. La dernière colonie, baptisée la Refugee Home Society, a été fondée près de Windsor en 1851.

Fondation

Rue Main

En 1849, le révérend William King, un pasteur presbytérien d’origine irlandaise, fonde la colonie d’Elgin. William King, qui a vécu en Louisiane, s’oppose à l’esclavage. Malgré cette opposition, il a asservi 15 personnes, qu’il a reçues en héritage ou achetées lui-même, puisque, comme il écrit dans son autobiographie, « il est impossible de trouver des serviteurs fidèles et dignes de confiance à moins de les acheter ». William King a donc une connaissance de première main des maux de l’esclavage, à la fois pour la personne asservie et pour le propriétaire. Parce qu’il ne tolérait plus l’esclavage, il ne pouvait plus vivre aux États-Unis.

En 1848, William King accepte un poste de missionnaire au Canada. Il rêve de fonder une « Cité de Dieu » à la fois pour les personnes qu’il a asservies et pour celles qui fuient l’asservissement. L’Église presbytérienne accepte de l’aider, ainsi que le gouvernement du Canada-Ouest et d’autres membres de la communauté chrétienne. Ensemble, ils fondent l’association Elgin qui fournira les fonds pour établir la colonie.

Isaac Riley

Quand William King et les 15 personnes qu’il a auparavant asservies arrivent à Buxton, ils y trouvent Isaac Riley et sa famille qui attendent dans une grange. La famille Riley s’est enfuie du Missouri. Après avoir entendu parler du projet de colonie, ils se sont installés dans la grange de William King pour attendre son arrivée. Les Riley, ainsi que les personnes auparavant asservies par William King, seront les premiers colons de Buxton.

Développement

Le territoire que le révérend William King a acquis pour la colonie d’Elgin mesure 9,7 km sur 4,8 km. Il est situé entre le lac Érié au sud et la rivière Thames au nord.

Plan de la colonie d’Elgin

Au début, le projet de William King suscite une vive opposition locale. Beaucoup de colons blancs croient que les colons noirs sont inférieurs. Ils craignent que le voisinage de la colonie d’Elgin déprécie la valeur de leurs propriétés. D’autres craignent que les colons noirs finissent par détenir des postes de contrôle dans les administrations locales, détruisant les institutions blanches.

Un des principes fondateurs de la colonie d’Elgin est que les colons deviennent autosuffisants. Dans cet esprit, la communauté comporte dès sa création des règlements visant à soutenir les colons noirs et à les protéger des personnes blanches. Par exemple, les terres de la colonie ne peuvent être achetées que par des personnes noires. Elles sont divisées en lots de 50 acres. Les colons noirs ont 10 ans pour payer leur propriété, et les maisons sont construites selon des standards minimaux.

Buxton devient une communauté prospère fondée sur l’agriculture. Les résidents Henry K. Thomas et Wilson R. Abots recueillent des fonds pour un moulin à scie et fondent la Canada Mill and Mercantile Association. Cette association est la fondation de la première industrie d’importance appartenant à des Noirs au Canada. Outre le moulin à scie, les résidents fondent une minoterie, des manufactures de potasse et de carbonate de potasse résiduaire et une banque. Un wagon de bois est construit afin de transporter du bois jusqu’au lac Érié pour son expédition.

Entre 1852 et 1856, la population de Buxton grandit pour atteindre 400 résidents, dont beaucoup ont fini de payer leurs terres. À son sommet, près de 1 200 personnes vivent à Buxton et dans le secteur.

École de la mission de Buxton

École de Buxton

L’éducation est la pierre angulaire de la communauté de Buxton. L’école de la mission de Buxton offre aux anciens fugitifs et à leurs enfants une éducation classique, incluant le grec et le latin. Bientôt, des personnes blanches commencent à s’intéresser à l’éducation supérieure offerte à leurs voisins noirs, et l’école de la mission de Buxton devient intégrée. Beaucoup des finissants de l’école de la mission de Buxton poursuivent leurs études à un niveau supérieur. Ils deviennent médecins, avocats, enseignants, législateurs ou autres professionnels.

La guerre se Sécession et ses suites

Quand la guerre de Sécession éclate en 1861, 70 hommes de Buxton quittent leurs familles, leurs maisons et leur liberté pour se rendre aux États-Unis, où ils combattent dans l’armée de l’Union. Après la guerre, beaucoup d’hommes retournent dans leurs maisons, dans le sud des États-Unis, pour y retrouver leurs familles et contribuer à rebâtir l’économie.

En 1887, le révérend William King quitte la colonie d’Elgin pour vivre à Chatham, où il meurt en 1895. Au tournant du siècle, la vie à Buxton a changé. Les résidents ne comptent plus sur l’agriculture pour gagner leur vie. Si certains d’entre eux ont conservé les entreprises communautaires, d’autres travaillent pour le chemin de fer. Beaucoup quittent leurs maisons pour chercher du travail dans les grandes villes du Canada et des États-Unis.

Lieu historique national de Buxton

Lieu historique national de l’Établissement-Buxton

En 1999, la colonie d’Elgin est désignée lieu historique national. Le site comprend un musée construit par les descendants des fondateurs de Buxton, et continue à être animé par des personnes ayant des liens de descendance avec la communauté. Le musée conserve des artéfacts originaux liés au Chemin de fer clandestin, comme des chaînes. Le site contient aussi les bâtiments originaux de la colonie, incluant une grange ayant appartenu à Abraham Doras Shadd, le père de Mary Ann Shadd Cary.