Comédie
Au Canada, l'évolution de la culture populaire nord-américaine a fortement influencé le développement de la comédie, ainsi que presque toute l'industrie du spectacle. Toutefois, les Canadiens donnent souvent le ton. D'abord à la radio, puis à la télévision et au cinéma, ils ont réussi à créer un comique national qui s'adresse non seulement au public canadien, mais aussi à un auditoire mondial, et ce, souvent en dépit d'une présence culturelle américaine écrasante et peut-être même à cause de cette présence.Ses débuts
Dans sa forme initiale, durant la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, la comédie consiste en spectacles publics donnés par des groupes d'artistes professionnels et, parfois, par des comédiens spécialisés dans le vaudeville et le théâtre dramatique. Il s'agit de pièces ou de spectacles de variétés dans lesquels la musique et la danse occupent aussi une place importante. À la même époque, les tournées de conférences mettent souvent en vedette des orateurs dont l'humour est la spécialité. Cependant, ce n'est qu'avec l'avènement du cinéma, en 1895, que la comédie dépasse le stade des clowneries pour devenir une expression artistique en soi.
Mack Sennett (Danville, Québec, 1880 - Los Angeles, Californie, 1960) est un vétéran du burlesque et des spectacles ambulants. Tout au début de l'industrie cinématographique, il devient un pionnier des films de comédie burlesque. Acteur sans grand talent, il se joint néanmoins à l'American Mutoscope and Biograph Company de New York en 1908, où il débute comme figurant avant de devenir très rapidement réalisateur. Il part ensuite pour la Californie et fonde, en 1912, ses propres studios sous le nom de Keystone Studios. Ses comédies au rythme rapide sont violentes et vulgaires, mais il sait reconnaître les talents et a un sens infaillible de ce que veut le public. Il fait découvrir au public des débutants comme Charlie Chaplin, Fatty Arbuckle, Harry Langdon et Mabel Normand, et donne à toutes ses vedettes, en particulier à Chaplin, la chance de réaliser leurs propres films muets comiques en deux bobines et d'en être la vedette. Ses Keystone Kops, des policiers burlesques qui brandissent leurs bâtons et se lancent des tartes, sont devenus, dans la culture et dans la langue, l'exemple même de l'incompétence et de la maladresse. Après la fermeture des studios Keystone, Sennett réalise plusieurs courts métrages pour Paramount qui mettent en vedette W.C. Fields mais, comme il ne change pas son style formaliste, ses films finissent par perdre la faveur du public. Il fait son dernier film en 1935 et reçoit un Honorary Academy Award en 1938.
Sennett n'est pas le seul Canadien comique à participer aux balbutiements d'Hollywood. Mary PICKFORD, née à Toronto et connue comme l'« American Sweetheart », devient la première grande vedette d'Hollywood, l'actrice la plus populaire et qui réussit le mieux financièrement au cinéma muet. Bien qu'elle soit connue principalement comme une actrice dramatique, elle peut jouer des rôles qui allient l'humour, l'audace et la suggestivité subtile de la nymphette. Marie Dressler est la grande dame des premiers films parlants, elle est douée d'un grand sens du rythme, talent indispensable pour la comédie. Le patron de la MGM, Louis B. Mayer, déclare qu'elle est l'une de ses plus grandes vedettes. Nommons parmi les autres acteurs canadiens qui se sont joints à Sennett aux studios Keystone Del Lord, qui, tout jeune, se sauve pour entrer dans un cirque et s'installe à Los Angeles en 1912. Il se joint aux studios Keystone et est l'un des Kops originaux. Il acquiert une réputation pour son sens du rythme comique et comme étant l'acteur le plus précis pour la scène de la tarte à la crème lancée au visage. Il monte les échelons et devient réalisateur et directeur aux studios Keystone. Plus tard, il réalise bon nombre des courts métrages de Three Stooges pour Columbia Pictures.
Wallace MacDonald, qui est un pilier d'Hollywood pendant près de 45 ans, d'abord comme acteur, puis comme réalisateur de centaines de films de série B, commence sa carrière en 1914 comme l'un des Kops et fait plusieurs courts métrages avec Chaplin. Harry Edwards commence sur les plateaux en 1912 comme accessoiriste et grimpe peu à peu les échelons aux studios Keystone. Il devient un des meilleurs réalisateurs de comédies de la période du film muet et travaille avec Harry Langdon, Ben Turpin, Carole Lombard et bien d'autres. Marie Prevost va à l'école dans un couvent à Montréal et, plus tard, dans une école secondaire de Los Angeles. À l'âge de 18 ans, elle est l'une des belles baigneuses des studios Keystone. Elle reste avec Sennett jusqu'en 1921, puis se joint aux studios Universal. Dans ces studios, elle obtient le statut de première actrice et joue dans trois films d'Ernst Lubitsch : The Marriage Circle (v. f. Comédiennes) et Three Women en 1924 et Kiss Me Againen 1925.
Johnny Wayne et Frank Shuster
WAYNE AND SHUSTER) sont les premiers artistes comiques du Canada à se gagner un public tant à la radio qu'à la télévision, ce qui crée chez les Canadiens un goût pour les sketchs comiques qui persiste jusqu'à ce jour. Johnny Wayne et Frank Shuster débutent en duo à la radio en 1941. Ils écrivent et interprètent leurs rôles pour l'émission Blending Rhythm, diffusée au réseau anglais de Radio-Canada et dans laquelle joue un grand orchestre. En 1942, ils s'engagent dans les forces armées et, avec The Army Show, effectuent des tournées au Canada et en Europe pendant la Deuxième Guerre mondiale. Après la guerre, ils reviennent à la radio. Inspirés par le succès d'artistes américains comme Jack Benny et Fred Allen, ils réussissent à avoir leur propre émission. The Wayne and Shuster Show débute sur les ondes de la radio du réseau anglais de Radio-Canada en 1946 et devient une émission télévisée en 1954. Appuyée par un groupe d'acteurs de genre chevronnés, leur émission est entièrement composée de sketchs, qui sont surtout des parodies de pièces de théâtre, d'émissions de télévision et de films connus.
L'émission The Wayne and Shuster Show est souvent prévisible, banale (ils étaient très influencés par l'émission Your Show of Shows de Sid Ceasar), parfois prétentieuse et ignorante, ou tout simplement mauvaise. Cependant, certains de leurs sketchs sont assez spirituels et originaux pour séduire un public qui restera fidèle au duo pendant plus de 30 ans. Des sketchs comme Frontier Psychiatrist et Rinse the Blood Off My Toga (une parodie du Julius Caesar de Shakespeare présentée sous forme de meurtre et mystère contemporain) sont considérés encore aujourd'hui comme des classiques du genre. Wayne et Shuster jouissent d'une telle popularité qu'ils sont régulièrement invités, au cours des années 1950 et 1960, à l'émission The Ed Sullivan Show et y apparaissent plus souvent que tout autre acteur. Toutefois, avec les années, leur public change. Dans les années 1980, Wayne et Shuster ne peuvent plus plaire aux jeunes téléspectateurs qui préfèrent les comédies plus audacieuses et plus choquantes de plus en plus fréquentes sur les ondes. Leur dernier grand spectacle de comédie est diffusé en octobre 1988, et leur long règne en tant que doyens de la comédie canadienne prend fin avec le décès de Johnny Wayne, en juillet 1990.
La comédie à la radio
En 1937, The Happy Gang, une émission de divertissement léger d'une durée de 30 minutes, devient un produit essentiel à la radio de la SRC. À l'époque bénie de l'émission, sa combinaison de chansons populaires, de plaisanteries légères et de farces sentimentales attire deux millions d'auditeurs. L'émission est diffusée jusqu'en 1959.Le travail novateur de Wayne et Shuster à la radio crée un précédent et ouvre la voie à plusieurs artistes. Max Ferguson est le premier, avec son émission After Breakfast Breakdown, qui débute au réseau anglais de Radio-Canada à Halifax à la fin des années 1940. Durant les années 50, il présente chaque jour, dans son émissionRawhide, diffusée d'un océan à l'autre, des satires politiques et sociales sous forme de sketchs qui mettent en vedette de nombreux personnages qu'il interprète lui-même.
La troupe de comédie à l'origine appelée The Jest Society utilise aussi les sketchs comiques dans son émission The Royal Canadian Air Farce, qui s'inspire de l'actualité et qui est diffusée pour la première fois en 1973. Elle devient une série télévisée d'une demi-heure en 1994. La troupe utilise la parodie et la caricature pour commenter les questions sociales et politiques de l'époque, et il s'agit de l'une des émissions les plus populaires du réseau pendant 14 saisons, dont la dernière est diffusée en 2008. Dans une autre veine, le réseau anglais de Radio-Canada produit, dans les années 1980, The Frantics, un quatuor de comédiens établi à Toronto qui se spécialise dans l'humour absurde symbolisé par son super héros, « Mr. Canoehead ». En évitant de tomber dans la comédie d'actualité, The Frantics captive un auditoire plus jeune attiré par le bizarre et l'insolite. Frantic Times est diffusée de 1981 à 1988 à la radio, puis passe à la télévision sous le nom de Four on the Floor durant une saison, en 1986.
Double Exposure, satire politique du duo comique de Linda Cullen et Bob Robertson, est diffusée sur les ondes de la radio du réseau anglais de la SRC (aujourd'hui CBC Radio One) de 1986 à 1997, le dimanche matin. Par la suite, le duo passe à la télévision anglophone de la SRC et à CTV. The Dead Dog Café Comedy Hour est un interlude comique de 15 minutes diffusé pendant This Morning à la radio de la SRC de 1997 à 2000. On y voit pour la première fois des personnages autochtones, et il est en partie inspiré du roman de Tom KINGGreen Grass, Running Water. L'émission Madly off in All Directions, présentée par Lorne Elliott, est diffusée à CBC Radio One le dimanche après-midi de 1995 à 2006. L'émission est enregistrée lors de représentations devant public dans tout le Canada, avec notamment un monologue d'ouverture d'Elliott et des prestations de plusieurs comédiens locaux invités. En 2006, elle est remplacée par The Debaters, une émission de 30 minutes mettant en vedette deux comédiens tentant de se surpasser avec esprit et humour tout en discutant de différents sujets d'actualité devant un public. Les deux comédiens parcourent aussi le pays pour enregistrer l'émission dans de petites salles devant public. Lancée en 1998, The Vinyl Café de Stuart MCLEAN (CBC Radio One) est ce qui ressemble le plus, au Canada, à la célèbre émission de Garrison Keillor, Prairie Home Companion (v. f. La mélodie des prairies). L'émission d'une heure, qui mélange narration et divertissement léger avec une touche de nostalgie, est remplie d'humour délicat et elle est, elle aussi, enregistrée devant public dans différents endroits du Canada et des États-Unis.
Les années 1960
Rich LITTLE (Ottawa, Ontario, 1938) est l'un des premiers comiques ayant réussi à se présenter en solo. Imitateur aux multiples talents, il est capable d'imiter la voix, les expressions du visage et les manies des célébrités, principalement des politiciens et des vedettes de cinéma. Lors d'une émission, il provoque une quasi-émeute quand des milliers de fans, en écoutant son imitation d'Elvis Presley, croient qu'il s'agit réellement du King et assiègent la station de radio dans l'espoir d'entrevoir la grande star du rock. En 1963, il lance son premier disque 33 tours, My Fellow Canadians, dans lequel il imite des dirigeants politiques canadiens, en particulier le premier ministre de l'époque, John Diefenbaker. L'année suivante, il passe à l'émission télévisée de la chanteuse américaine Judy Garland, ce qui contribue à lancer sa carrière aux États-Unis. Il commence alors à faire des tournées et passe souvent à The Ed Sullivan Show. Little s'est surtout fait connaître grâce à son imitation de l'ancien président des États-Unis, Richard Nixon, mais son répertoire compte plus de 150 personnalités différentes.
À mesure que les années 1960 avancent, la comédie devient de plus en plus satirique, notamment avec des comiques comme le Canadien David Steinberg (né en 1942). Fils d'un rabbin roumain, il grandit à Winnipeg et fréquente brièvement l'école rabbinique avant de poursuive ses études à l'Université de Chicago. Il est propulsé dans le monde de la comédie au milieu des années 1960, après avoir assisté à une représentation de Second City, une troupe d'improvisation de Chicago. Pendant les années 1950 et 1960, Second City lance la carrière de dizaines d'artistes de variétés et de comiques américains devenus célèbres depuis. Steinberg passe deux ans avec la troupe, polissant certains de ses textes qu'il reprendra dans les spectacles solos qu'il donne dans des cabarets. Il lance deux disques 33 tours et fait plusieurs apparitions controversées à l'émission de télévision The Smothers Brothers Comedy Hour. Son numéro le plus mémorable est celui dans lequel un rabbin se lance dans des sermons tordus qui tournent en dérision l'Ancien Testament. Sa dernière prestation, un sketch irrévérencieux sur la religion que Tommy Smothers l'encourage à jouer, contribue à l'annulation de l'émission révolutionnaire. Bien qu'il soit souvent invité à animer The Tonight Show Starring Johnny Carson durant les années 1970, Steinberg abandonne sa carrière de comique pour travailler comme producteur et réalisateur à la télévision américaine.
Second City
L'ère moderne de la comédie canadienne débute en 1973 avec la création de la compagnie Second City à Toronto. Second City présente ses comédies dans un théâtre et les numéros sont divisés en deux parties : la première se compose de sketchs écrits et mis au point par les comédiens, et la deuxième comprend des scènes improvisées dont les thèmes sont suggérés par le public. Dan AYKROYD, Jayne EASTWOOD, Joe FLAHERTY et Gilda Radner font partie de la première distribution de la troupe. Plus tard viennent s'ajouter John CANDY, Eugene LEVY, Catherine O'HARA et Martin SHORT. L'écrivain-réalisateur Lorne MICHAELS, ancien rédacteur pour l'émission de NBC Rowan and Martin's Laugh-In et ancien partenaire de Hart Pomerantz dans l'émission de télévision The Hart and Lorne Terrific Hour du réseau anglais de Radio-Canada, assiste souvent aux spectacles que donne la troupe au théâtre Old Firehall de Toronto. En 1975, le réseau de télévision NBC engage Michaels pour produire une émission comique réalisée en direct à New York sous le nom de Saturday Night Live. Il choisit Aykroyd et Radner, de Second City, pour faire partie de la distribution.
En 1976, Second City commence à produire sa propre émission de télévision d'abord destinée au public canadien. SCTV est diffusée à l'extérieur de Toronto de 1976 à 1979 par le réseau Global, suspendue pendant un an, puis reprise par ITV, renommée SCTV Network, réalisée à Edmonton et diffusée par la SRC. Un an plus tard, elle est vendue au réseau NBC dans une version de 90 minutes pendant deux saisons, première série canadienne diffusée aux grandes heures d'écoute, et est nommée encore une fois SCTV Network 90. Les membres de la distribution, Candy, Flaherty, Levy, O'Hara, Andrea MARTIN et Dave THOMAS accueillent par la suite Rick MORANIS, Martin Short et bien d'autres pendant les huit années au cours desquelles l'émission est diffusée. SCTV est une parodie de la télévision nord-américaine, mettant en scène une petite station de télévision miteuse dans la ville imaginaire de Melonville. Lorsque l'émission quitte les ondes en 1984, SCTV est devenue un phénomène international, et plusieurs de ses anciens membres connaissent des carrières couronnées de succès à la télévision et au cinéma.
John Candy et Catherine O'Hara sont les premiers à quitter l'émission pour faire carrière au cinéma même s'ils reviennent tous les deux pour la première saison sur le réseau NBC (1981-1982), ce qui les a consacrés vedettes aux États-Unis. La carrière cinématographique d'Eugene Levy prend plus de temps à se bâtir, mais il connaît un succès lorsqu'il joue le rôle du père ringard dans le film populaire sur les ébats sexuels d'adolescents American Pie (1999, v. f. Folies de graduation) et ses suites. Martin Short a une carrière irrégulière à la fois à la télévision et au cinéma depuis SCTV, mais il remporte le prestigieux Tony Award pour son rôle central dans la reprise de Little Me sur Broadway en 1999.
En 1984, Rick Moranis réussit à transposer son personnage comique d'abruti de SCTV dans les ligues majeures avec Ghostbusters (v. f. S.O.S. fantômes) d'Ivan REITMAN et dans le succès de Disney Honey, I shrunk the Kids (1989; v. f. Chérie, j'ai réduit les enfants) et il interprète le rôle de Barney Rubble (Arthur Laroche, en français) dans The Flintstones (1994; v. f. Les Pierrafeu). Comme Candy et O'Hara, Dave Thomas quitte SCTV en 1982, après avoir passé seulement une année au réseau NBC et, depuis, il réalise et joue à l'occasion des petits rôles dans des films, écrit pour plusieurs émissions de télévision américaines et fait des apparitions dans celles-ci. Parmi tous les anciens de SCTV, Joe Flaherty choisit de laisser de côté le vedettariat d'Hollywood et préfère interpréter des rôles accessoires et effectuer des apparitions éclair dans de nombreux films et émissions de télévision. Andrea Martin double de nombreux films et séries, et joue dans le film qui connaît un succès énorme My Big Fat Greek Wedding (2002; v. f. Mariage à la grecque), rôle qui lui permet de figurer régulièrement dans la série télévisée de courte durée.
Le monologue comique dans les années 1980
Moyen d'expression artistique populaire depuis longtemps aux États-Unis, le monologue comique ne connaît son essor au Canada qu'avec le « boom de la comédie » dans les années 1980. Durant cette période, les clubs de comédie surgissent dans presque toutes les grandes villes nord-américaines. Après avoir produit des spectacles dans un sous-sol d'église pendant deux ans, l'imprésario Mark Breslin ouvre, en 1978, le Yuk Yuk's Komedy Kabaret à Yorkville, dans la région de Toronto. En quelques années, la chaîne Yuk Yuk se développe pour compter 16 clubs au Canada et donne naissance à de nombreux imitateurs. Ce nouveau circuit permet aux comiques canadiens de faire des tournées partout au Canada, de perfectionner leur art et de gagner leur vie sans devoir d'abord aller aux États-Unis. Les clubs servent aussi à tester de nouveaux talents que l'on retrouve plus tard à la télévision et au cinéma, notamment Jim CARREY, Mike MacDonald et Howie MANDEL.
La comédie à la télévision
Traditionnellement, on trouve deux formes de comédie à la télévision : le sketch et la comédie de situation. Les sketchs comiques se sont assuré une place à la télévision canadienne grâce au succès de The Wayne and Shuster Show et, plus tard, de SCTV. La réapparition, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, des sketchs comiques à la télévision donne naissance à de nouvelles émissions, parmi lesquelles THE KIDS IN THE HALL, qui met en vedette Bruce MCCULLOCH, Scott THOMPSON, Kevin MCDONALD, Dave FOLEY et Mark MCKINNEY, CODCO (1987-1992) avec CATHY et Andy JONES, Tommy Sexton, Greg Malone et Mary WALSH et The Red Green Show avec Steve SMITH et Patrick MCKENNA.
La comédie de situation, une série hebdomadaire avec une intrigue et les mêmes personnages qui reviennent semaine après semaine, est loin de connaître le même succès au Canada anglais. En revanche, au Québec, les émissions réalisées sur place sont très populaires. Les émissions à succès des États-Unis, où la comédie de situation fonctionne bien depuis le début des années 1950, dominent la diffusion aux heures de grande écoute au Canada anglais depuis que les diffuseurs privés sont sous licence en 1960. Le fait que les réseaux canadiens préfèrent acheter des émissions américaines plutôt que de produire leurs propres émissions, combiné à l'avènement du câble, de la télévision numérique et de la télévision par satellite, contribue au manque d'émissions canadiennes originales. Malgré quelques efforts pour produire des comédies de situation populaires, seules quelques-unes connaissent un certain succès et une certaine longévité au Canada anglais. Il s'agit de The Beachcombers (1972-1991), King of Kensington (1975-1980), Seeing Things (1981-1987), Degrassi Junior High (et ses nombreuses suites, 1987- ; v. f. Degrassi), Trailer Park Boys (2000-2007) et Corner Gas (2004-2009).
Une comédie davantage axée sur la politique et les médias fait son apparition graduellement au Canada. This Hour Has 22 Minutes (depuis 1993) et son successeur, The Rick Mercer Report (depuis 2004), qui combinent le penchant pour l'actualité et les affaires publiques de l'émission populaire This Hour Has Seven Days (SRC) aux sketchs comiques de The Royal Canadian Air Farce, se révèlent très populaires auprès du public canadien. This Hour Has 22 Minutes est fondée sur le cœur de la troupe Codco, Mary Walsh et Cathy Jones, et les comédiens Rick MERCER et Greg Thomey s'ajoutent à la distribution de cette émission de fausses nouvelles. Mercer se lance dans ses diatribes sur l'état actuel des affaires directement devant la caméra, formule qu'il reprend dans The Rick Mercer Report, émission populaire télédiffusée par la SRC.
Entre This Hour Has 22 Minutes et The Rick Mercer Report, Mercer coécrit l'une des satires les plus vives et les plus drôles jamais diffusées par la SRC, Made in Canada (1998-2003), dans laquelle il joue également. Avec l'aide d'une excellente distribution, comprenant Leah Pinsent, Peter KELEGHAN et Dan Lett, Mercer se moque sans pitié de l'industrie canadienne du film et de la télévision dans plus de 65 épisodes. The Newsroom (1996-1997, 2003-2004 et 2005) de Ken Finkleman est une satire mordante qui explore le monde sinistrement humoristique des nouvelles télévisées. Finkleman écrit et réalise la série limitée, dans laquelle il joue aussi et qui comprend 29 épisodes et un film, Escape from the Newsroom, diffusé en 2002. Dans une autre veine, la SRC diffuse des festivals de comédie locaux aux heures de grande écoute, notamment le festival Juste pour rire de Montréal, le Winnipeg CBC Comedy Festival et le Halifax Comedy Fest. De plus, le comédien et monologuiste Ron James apparaît dans plusieurs émissions spéciales diffusées aux heures de grande écoute.
Au cours de la première décennie du millénaire, trois séries, soit Trailer Park Boys,Corner Gas et Little Mosque on the Prairie (depuis 2007) font leur apparition à la télévision canadienne et mettent fin à la fausse impression selon laquelle les Canadiens anglais sont, pour une raison ou une autre, incapables de réaliser des comédies de situation plaisant au public. Les bouffonneries des gars mal embouchés du terrain de caravaning de Sunnyvale finissent par occuper la place de la comédie la plus populaire du réseau de câblodistribution canadien et mènent à deux films. Les inadaptés de Brent BUTT, dans Corner Gas (CTV), obtiennent les plus grandes cotes d'écoute enregistrées pour une comédie dans l'histoire du réseau canadien, et Little Mosque on the Prairie (SRC) abolit les barrières culturelles et est écoutée à l'étranger.
Le Québec
La situation particulière du Québec, qui représente le centre de la culture francophone en Amérique du Nord, permet à la comédie de langue française de se développer tout en se distinguant de la comédie produite dans le reste du pays. À l'abri de la concurrence de l'industrie du spectacle américaine, la comédie québécoise se développe et arrive à maturité plus tôt, surtout dans le domaine de la télévision. La différence principale entre la comédie canadienne de langue anglaise et de langue française est que le Québec constitue un grand public et que, contrairement au théâtre, la comédie ne se traduit pas bien en raison de ses nombreuses références à la langue et à la culture. Cette situation aboutit, dans les années 1960, à la production locale d'émissions, notamment des émissions de variétés, des comédies à sketchs et des comédies de situation qui permettent à toute une génération d'artistes de se faire connaître tout en atteignant un large public. Moi et l'autre, une comédie de situation produite et télédiffusée par Radio-Canada (1966-1971) et mettant en vedette les actrices Dominique MICHEL et Denise FILIATRAULT (qui écrit aussi les scénarios), en est un exemple typique. Michel, dont la carrière dans les films québécois est couronnée de succès, est pendant longtemps l'animatrice (1971-1997) du Bye Bye (1968-1998, et depuis 2006), une revue comique de l'année diffusée à Radio-Canada la veille du jour de l'An. Filiatrault, la « grande dame » de la comédie québécoise, est non seulement une invitée régulière du Bye Bye, mais elle joue aussi dans beaucoup de films québécois et devient la réalisatrice lauréate de comédies comme C't'à ton tour, Laura Cadieux et sa suite, ainsi que L'Odyssée d'Alice Tremblay.
Dans les années 1980, la comédie connaît au Québec un essor semblable à celui que l'on observe dans le reste de l'Amérique du Nord, à la différence qu'elle utilise des talents locaux. Cette période voit l'arrivée des comiques Ding et Dong, Rock et Belles Oreilles, Daniel Lemire, André-Philippe Gagnon, Michel Courtemanche et Patrick Huard, pour ne citer qu'eux, et la création, à Montréal, en 1983, du festival annuel JUSTE POUR RIRE par l'imprésario Gilbert Rozon. Le festival, un événement international qui met en vedette, entre autres, des monologuistes, des clowns et des numéros de curiosité, est acclamé par la critique et connaît un succès commercial immédiat. En 2007, Rozon ajoute un volet anglophone, Just for Laughs, pour Toronto. Le festival est maintenant le plus important au monde en son genre, un événement international générant plusieurs millions de dollars de l'industrie du spectacle, et attire de partout en Amérique du Nord et en Europe des agents, des producteurs et des personnes chargées de découvrir de nouvelles vedettes. Il donne aussi lieu à une série d'émissions de télévision du même nom, diffusées aux réseaux anglais et français de Radio-Canada.
Samedi de rire (1985-1989) est une comédie à sketchs satirique du même type que Saturday Night Live. Rock et Belles Oreilles est une troupe populaire de comédiens qui se produit à la radio et à la télévision dans les années 1980. Ses membres sont Yves Pelletier, Guy A. Lepage, Chantal Francke, André Ducharme et Bruno Landry. Le groupe se sépare en 1995, et Guy A. Lepage est maintenant le réalisateur et l'animateur de l'émission-débat populaire Tout le monde en parle (depuis 2004), une adaptation de l'émission française du même nom, et il est le réalisateur de la comédie de situation Un gars, une fille (1997-2003). Yves Pelletier joue dans plusieurs films québécois et réalise la comédie romantique acclamée par la critique Les Aimants en 2004. Taxi 0-22 (depuis 2007), une comédie de situation portant sur un chauffeur de taxi de Montréal mettant en vedette Patrick Huard et Yvon Deschamps, est reprise aux États-Unis avec James Gandolfini. Huard coécrit le film canadien le plus lucratif au pays, BON COP, BAD COP (2006), dans lequel il joue, et réalise Les 3 p'tits cochons (2007), qui remporte une BOBINE D'OR et dans lequel il tient également un rôle. Les Boys (depuis 2007) est une série inspirée des films du même nom avec la même distribution, dont Huard, Rémy GIRARD et Marc Messier.
La comédie au cinéma
Au Québec, les comédies au cinéma ne connaissent le plus souvent qu'un succès québécois, mais cela ne les empêche pas de figurer parmi les films canadiens ayant généré le plus de recettes. Ding et Dong, le film (1990), les mésaventures de deux comédiens en herbe empotés; La Florida (1993), une comédie satirique sur un conducteur d'autobus à la retraite qui installe sa famille à Hollywood Beach en Floride; Louis 19, le roi des ondes (1994) qui porte sur un accro de la télévision qui gagne une compétition visant à trouver un téléspectateur dont la vie sera diffusée 24 heures par jour pendant trois mois; et Les Boys I(1997), Les Boys II (1998) et Les Boys III (2002), la trilogie traitant de compagnons qui se réunissent tous les lundis en soirée pour jouer une partie de hockey amateur; Bon Cop, Bad Cop, où deux policiers diamétralement opposés, un Canadien français débraillé et un Canadien anglais coincé, résolvent un crime survenu à la frontière entre le Québec et l'Ontario; Les 3 p'tits cochons, une comédie portant sur trois frères confrontés à la réalité de la maturité; De père en flic (2009), un film sur un père et un fils qui sont des partenaires policiers : tous remportent la Bobine d'or pour avoir généré le plus de recettes au box-office au pays durant l'année de leur sortie.
Même si ces films ont en commun de dresser un portrait peu brillant de « la famille québécoise », il y en a d'autres qui sont davantage porteurs d'un commentaire social tels que C'T'À TON TOUR, LAURA CADIEUX (1998), une adaptation d'un roman de Michel TREMBLAY sur des amies obèses qui se réunissent dans la salle d'attente d'un médecin pour une visite hebdomadaire. Avec un mélange de désespoir, de détermination et d'humour qui définit leurs vies, la réalisatrice Denise Filiatrault donne à l'ensemble de sa distribution, dirigée par une performance impressionnante de la chanteuse québécoise Ginette RENO, beaucoup de place à des jeux de mots savoureux. Dans LA GRANDE SÉDUCTION (2003), le titulaire Dr Lewis est un chirurgien plastique de Montréal blasé qui renifle de la cocaïne, contraint à passer un mois dans une région rurale et reculée qui bat de l'aile. Il s'agit d'un film amusant, attachant, plaisant qui remporte l'un des rares véritables succès québécois au box-office de la province et à l'extérieur. Le film bilingue de 2006 portant sur des partenaires policiers, Bon Cop, Bad Cop, brise aussi le moule et est très bien reçu au Canada anglais.
Du côté des films anglophones, on compte une ou deux superproductions, et même s'il est filmé en Floride, Porky's (1981; v. f. Chez Porky) est officiellement canadien et représente encore le film canadien ayant généré les meilleures recettes de tous les temps, notre film comique le plus populaire. Il est qualifié avec dédain de mauvaise plaisanterie, mais si l'on tient compte des comédies extrêmes comme American Pie (v. f. Folies de graduation) et autres du même genre qui vont suivre, l'humour juvénile mal embouché qui les caractérise ressemble davantage à un présage d'éléments à venir. La comédie se déroulant dans un camp d'été d'Ivan Reitman, Meatballs (1979, v. f. Arrête de ramer, t'es sur le sable) avec Bill Murray, remporte un succès énorme, tout comme Strange Brew (1983) qui s'inspire des personnages les plus attachants de SCTV, les « Canucks » coiffés d'une tuque, avaleurs de bière du Grand Nord blanc, Bob et Doug McKenzie (Rick Moranis et Dave Thomas). Les trois films reçoivent une Bobine d'or. D'autres comédies populaires à la télévision réussissent à passer au grand écran, mais avec un intérêt qui varie au box-office : Kids in the Hall : Brain Candy (1986, v. f. Kids in the hall : La pilule du bonheur), Red Green's Duct Tape Forever (2002), Trailer Park Boys : The Movie (2006, v. f. Les Trailer Park Boys - Le film) et Trailer Park Boys: Countdown to Liquor Day (2009, v. f. Les Trailer Park Boys - Le jour de la brosse).
Perfectly Normal (1990, v. f. Parfaitement normal) d'Yves Simoneau, qui associe deux produits essentiels des Canadiens, la bière et le hockey, avec l'opéra, est peut-être la comédie canadienne-anglaise « classique ». Dans la finale du film, une première d'opéra de grande classe se transforme en une bagarre de hockey hilarante. Men with Brooms (2002, v. f. Quatre gars et un balai) est un coup calculé par le réalisateur et acteur Paul GROSS pour faire une comédie canadienne-anglaise populaire, bien reçue par le public. Le film de curling avec Leslie Nielsen s'avère un succès au box-office national, mais il connaît un succès moindre auprès des critiques.
La comédie n'est pas un genre qui attire le respect dans le cinéma canadien. Bien que les films mentionnés ci-dessus aient trouvé un public, aucun d'entre eux ne figure dans la liste des dix meilleurs films au Canada. Dans une culture cinématographique qui célèbre le cinéma cérébral d'art et d'essai, la comédie est une aberration, un produit qui s'abaisse aux goûts populaires.
Par conséquent, nos meilleurs acteurs comiques, bien sûr au Canada anglais, sont plus à l'aise à la télévision. De Johnny Wayne à Frank Shuster, en passant par les comiques apparus plus récemment - Brent Butt, Rick Mercer, Mary Walsh, Cathy Jones, Peter Keleghan, Ron James et Jessica Holmes, entre autres - ils ont tous connu à la télévision un succès qui leur est inaccessible au grand écran. De plus, ceux qui nourrissent de plus grandes ambitions sur le plan monétaire, comme John Candy, Catherine O'Hara, Jim Carrey, Mike MYERS, Michael J. FOX et Seth ROGEN, aboutissent à Hollywood.