Communauté tibétaine au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Communauté tibétaine au Canada

Les réfugiés tibétains sont arrivés au Canada au début des années 1970. Les cohortes suivantes sont arrivées après la fin des années 1990 ainsi qu’en 2013. Lors du recensement canadien de 2021, 9350 Tibétains vivaient au Canada, la majorité d’entre eux résidant dans la région du Grand Toronto.

Groupe de réfugiés d'origine tibétaine à Taber, en Alberta en mars 1971

Histoire de la migration

En 1951, la République populaire de Chine annexe le plateau tibétain. Face à la menace croissante de violence, le 14e Dalaï-Lama, Tenzin Gyatso, cherche à coexister de manière pacifique avec la force d’occupation. Cependant, une révolte éclate dans la capitale Lhassa le 10 mars 1959. À la suite du soulèvement, le Dalaï-Lama consulte l’oracle de l’État qui lui prédit qu’il n’est plus en sécurité dans la capitale. Le 17 mars 1959, il entame sa fuite à travers l’Himalaya vers l’Inde. En apprenant la nouvelle de la fuite du Dalaï-Lama, des dizaines de milliers de Tibétains s’enfuient et demandent l’asile en Inde. La vie dans les camps de réfugiés est marquée par d’extrêmes difficultés. De nombreux Tibétains meurent de malnutrition et de maladies. Plus tard, d’autres meurent lorsque la communauté participe aux travaux de construction de routes mandatés par le gouvernement indien.

En 1966, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés demande au Canada de créer un programme de réinstallation des réfugiés. Le Dalaï-Lama rédige un appel au premier ministre canadien Lester B. Pearson. Il plaide pour la réinstallation des Tibétains au Canada. En Inde, le haut-commissaire canadien James George répond à l’appel du Dalaï-Lama et fait campagne pour la réinstallation des Tibétains. En décembre 1968, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau écrit au Dalaï-Lama. En 1970, le Canada propose de réinstaller 240 réfugiés. (Voir aussi Réfugiés au Canada.)

Selon l’histoire orale tibétaine, le responsable canadien chargé de l’immigration et des réfugiés en Inde, Cliff Shaw, travaille conjointement avec Noedup Rongae pour interviewer des centaines de réfugiés tibétains. Le système d’immigration du Canada sélectionne les candidats en fonction des besoins de main-d’œuvre du Canada, de leurs compétences linguistiques, et de leur éducation. Ces critères limitent les possibilités de réinstallation. De plus, de nombreux réfugiés tibétains n’ont pas de nom de famille ou d’acte de naissance. Ceci signifie qu’un bon nombre d’entre eux ne répondent pas au processus de sélection existant au Canada. Le petit nombre de candidats approuvés provient de tous les horizons. Ce groupe comprend des ouvriers de la construction des routes, des agriculteurs, des commerçants, et des nomades.

Réinstallation au Canada

Le 15 octobre 1970, Tsering Dorjee Wangkhang et Jampa Dorjee Drongotsang, deux réfugiés tibétains, arrivent au Canada. Ils travaillent à l’usine de chaussures Bata à Belleville, en Ontario.

Un couple d'origine tibétaine avec leur nouveau-née, Belleville 1971

Entre le mois de mars 1971 et le mois d’août 1972, 228 réfugiés atterrissent aux aéroports de Montréal, Toronto, Winnipeg, et Calgary. Chaque groupe est accompagné d’un lama qui représente leur tradition particulière du bouddhisme tibétain. Selon l’histoire orale du Projet Chyssem, Tashi Namgyal de l’école Sakya est réinstallé à Calgary, Gyatrul Rinpoché de l’école Nyingma est installé à Winnipeg, Karma Thinley de l’école Kagyü est à Lindsay, et Khenrab Gajam de l’école Geluk est à Montréal.

L’expérience des réfugiés varie considérablement selon les programmes de réinstallation de chaque province. (Voir Politique canadienne sur les réfugiés.) Au Québec, les nouveaux arrivants sont transportés au Centre d’orientation et de formation des immigrants (COFI) sur la Rive-Sud de Montréal. Les Tibétains y passent six mois pour suivre des cours de français. Ils suivent également des cours qui leur enseignent les bases du « mode de vie occidental ». Un rapport détaillé du COFI révèle les sentiments de paternalisme des travailleurs sociaux à l’égard des Tibétains. Ces derniers sont perçus comme étant à la fois exotiques et rétrogrades. Les travailleurs sociaux considèrent que les coutumes traditionnelles des Tibétains, comme l’utilisation de beurre pour protéger le visage et les cheveux du froid, dénotent une mauvaise hygiène personnelle. Lorsque le programme d’intégration est complété, les autorités transfèrent les familles vers les villes de Drummondville, Farnham, Granby, Saint-Hyacinthe, et Longueuil. (Voir aussi Politique d’immigration québécoise.)

Membres de la première cohorte de la communauté tibétaine au Québec, 1971

En Ontario, les autorités choisissent d’offrir une formation professionnelle aux Tibétains nouvellement arrivés. La cohorte est divisée entre trois villes : Cobourg, Lindsay, et Belleville. En Alberta, les Tibétains sont installés à Taber pendant trois semaines. Jim Kanashiro, un agent d’immigration de Lethbridge, les guide tout au long d’un cours de langue et de préparation à la vie active. À la fin du cours, les Tibétains sont réinstallés dans des fermes appartenant à des Canadiens d’origine japonaise. La vie sur ces fermes s’avère extrêmement éprouvante. Les Tibétains font face à l’isolement, à des conditions de vie déplorables, et au manque de possibilités d’apprendre l’anglais. En Saskatchewan, les réfugiés sont réinstallés dans un logement fourni par le gouvernement fédéral et ils reçoivent des cours de langue. À Winnipeg au Manitoba, les Tibétains vivent dans des chambres de motel prépayées. Ils sont ensuite transférés dans des maisons en rangée subventionnées et gérées par la Société manitobaine d’habitation et de rénovation. Un Tibétain qui est interviewé affirme que, contrairement à ce qui se passe dans les autres provinces, le programme de réinstallation au Manitoba a été élaboré en consultation avec la communauté. Ce programme combine des cours de langue avec un travail à temps partiel où les Tibétains peuvent pratiquer leur anglais.

Culture et politique

Dans toutes les provinces, les Tibétains font face au choc culturel et au deuil. Les membres de la communauté doivent composer avec leurs nouveaux emplois dans les usines, et leurs emplois de cuisiniers et de nettoyeurs. Néanmoins, ils s’efforcent de maintenir leur identité culturelle. Ils fondent des organismes culturels à travers le Canada, comme la Tibetan Community of Alberta (1972), l’Association culturelle tibétaine du Québec (1974), la Tibetan Cultural Association of Ontario (1978), et la Tibetan Culture Society of British Columbia (1981). La communauté se réunit pour observer ces traditions comme Losar (le Nouvel An tibétain), et Trungkar (l’anniversaire du Dalaï-Lama).

En 1987, le Comité Canada-Tibet (CTC) est fondé à Montréal par Thubten et Carole Samdup. Le CTC sensibilise la population aux violations des droits de l’homme qui se produisent dans le Tibet occupé. Selon les membres de la communauté qui sont plus tard interviewés, ils ont également commencé à plaider en faveur de la réinstallation d’une deuxième cohorte de réfugiés au Canada. À partir de la fin des années 1990, cette deuxième cohorte de réinstallation commence. De nombreux Tibétains choisissent de s’établir à Toronto, qui devient l’une des plus grandes communautés tibétaines en Amérique du Nord. En 2007, après avoir reçu la citoyenneté canadienne honoraire un an auparavant en 2006, le Dalaï-Lama exhorte Ottawa à accepter une troisième cohorte de réfugiés. Celle-ci arrive en 2013.

Thubten Samdup et Thupten Jinpa aux côtés du Dalaï-lama en 1993

En juin 2018, Bhutila Karpoche devient la première personne d’origine tibétaine à être élue à une fonction publique en Amérique du Nord en tant que députée provinciale de l’Ontario dans la circonscription de Parkdale-High Park à Toronto. Connu familièrement sous le nom de « Petit Tibet », le quartier de Parkdale est le foyer de nombreux Tibétains. La présence de la communauté se reflète dans les nombreux restaurants et magasins appartenant à des Tibétains. Des événements hebdomadaires de gorshey (danse) ont également lieu. Ces danses traditionnelles en cercle sont observées dans le contexte du Lhakar (mercredi blanc), une pratique qui émerge à la suite des manifestations de 2008 au Tibet. Ces manifestations ont amplifié l’identité tibétaine par le biais d’activités culturelles et politiques. En 2019, Bhutila Karpoche présente le projet de loi 131 qui vise à reconnaître le mois de juillet comme Mois du patrimoine tibétain en Ontario. Le projet de loi reçoit la sanction royale en septembre 2020.

Le 7 juin 2019, le projet Chyssem, un projet d’histoire orale qui vise à enregistrer la vie de la première cohorte tibétaine réinstallée au Canada, est créé. Ce projet est fondé par Dicki Chhoyang, elle-même arrivée au Canada alors qu’elle était enfant en 1971, et Rignam Wangkhang, le fils de Tsering Dorjee Wangkhang. De nombreux Tibétains de la première cohorte sont devenus des dirigeants communautaires dévoués, ouvrant de nouvelles voies pour la communauté tibétaine dans son ensemble. Un exemple est celui du docteur Tashi Rabgey, qui devient le premier boursier tibétain de la fondation Rhodes en 1991.

Liens externes