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Concerts

Concerts.

Concerts

Concerts. Exécutions musicales données en public par un ou plusieurs artistes et pour lesquelles les assistants ont habituellement payé leur place, expressément dans le but d'écouter et d'apprécier la musique pour elle-même, contrairement à des manifestations où la musique sert d'accompagnement comme dans le cas de cérémonies du culte ou autres, de banquets ou de pièces de théâtre. Voir aussi Centenaire - Célébrations du, Chant choral, Chefs de musique, de choeur et d'orchestre, Clubs musicaux de dames, Concerts pour la jeunesse, La Critique, CRTC, Expo 86, Expo 67, Festivals, Harmonies, Musique de chambre - Pratique et enseignement, Musique électroacoustique, Multimédias, Opéra et Opérette - Représentation, Oratorio - Présentation du répertoire international, Oratorios canadiens - Composition et présentation, Orchestres, Orchestres de jeunes, Profession musicale, Radiodiffusion, Salles de concert et d'opéra, Sängerfeste. Voir aussi les articles de l' EMC sur les différentes villes.

Cet article se propose d'étudier quelques-uns des aspects sociaux, économiques et pratiques du concert comme institution et véhicule du répertoire musical : les responsables des concerts, comment ces derniers sont financés, ceux qui y participent, les goûts changeants des interprètes et du public, la présentation des oeuvres des grands compositeurs étrangers et la présence d'oeuvres canadiennes aux programmes. En l'absence d'un ouvrage sur le sujet, cet article a réuni et présenté dans l'ordre les renseignements disponibles sans prétendre à une étude exhaustive.

De 1534 à 1799

Régime français. La musique européenne fut d'abord exécutée au Canada par les explorateurs français, venus avec Jacques Cartier en 1534, lors d'offices religieux et de rencontres officielles avec les autochtones et, dès 1606, pour accompagner des masques ou des pièces de théâtre. Cependant, aucune trace de concerts officiellement organisés n'a été retrouvée avant la fin du XVIIIe siècle, ce qui n'a rien de surprenant puisque même en Europe, à cette époque, la musique était un divertissement réservé à l'aristocratie ou à l'intimité des foyers. Les concerts publics étaient rares. De plus, les colonies étaient loin des grands centres et leur population, réduite et très dispersée. Il n'y a aucun doute que beaucoup de musique spontanée agrémentait les travaux et les voyages et meublait les heures de loisir, mais l'éducation nécessaire à la formation d'interprètes compétents et d'auditeurs réceptifs qui eussent réclamé et justifié des concerts officiels faisait encore défaut. Une pénurie d'instruments entrava en outre les premières tentatives en ce sens : on rapporte qu'il n'existait qu'un seul piano à Québec en 1783. (Les dernières recherches ont tout de même recensé la présence d'une soixantaine d'instruments sous le Régime français, dont 18 violes, une vingtaine de violons, 4 clavecins ou épinettes et 3 orgues de chambre.)

Des sources anciennes font allusion à des « concerts », mais il est probable que le terme voulait simplement désigner des gens qui « jouaient ensemble » ou des « petits ensembles » (« consorts »). Les Relations des Jésuites, par exemple, mentionnent (vol. XLVII, février 1662, p. 274) : « Ce moys commencerent les concerts de 4 Violes 1, a l'occasion des premiers pris, puis a l'oraison des 40 heures; le reste cõe l'an passé. » Il est probable que la musique religieuse était aussi exécutée en dehors des offices - elle enthousiasmait apparemment les Amérindiens - lors d'occasions non officielles ou à certaines cérémonies. Quelques partitions de musique française (par exemple de motets de Campra), publiées au début du XVIIIe siècle et qui subsistent dans des bibliothèques du Québec, ont induit certains historiens à affirmer que cette musique fut exécutée dans un cadre profane. Une autre mention de « concerts » est liée au nom de Jacques Raudot, intendant de la Nouvelle-France de 1705 à 1711. Le doyen du chapitre de la cathédrale, M. Glandelet, se plaint en 1706 que « les concerts et une espèce d'opéra se sont tenus regulierement chez Mr l'intendant » (La Vie musicale en Nouvelle-France, p. 304). Mère Juchereau de Saint-Ignace écrit dans l' Histoire de l'Hôtel-Dieu de Québec (Montauban 1751, p. 463) : « Son divertissement était un concert mêlé de voix et d'instruments. Comme il était obligeant, il voulut nous faire entendre cette symphonie, et plusieurs fois il envoya ses musiciens chanter des motets dans notre église. » La veuve d'un autre intendant, Élisabeth Bégon, dont la correspondance (1748-50) expédiée de Montréal fait allusion à de nombreux bals, danses, mascarades et autres divertissements, ne mentionne pas un seul concert. Dans une lettre du 7 novembre 1757 au chevalier de Lévis, le marquis de Montcalm déclare cependant : « Nous allons avoir des concerts. J'aimerois mieux causer avec M. le chevalier de Lévis que tous les plaisirs de Québec... Il y a bonne compagnie ici, et plus de ressources qu'à Montréal pour les soirées. » Montcalm écrivait de nouveau le 16 décembre 1757 : « Dimanche, il y aura grand souper à quatre-vingts couverts, beaucoup des dames, concert, lansquenet [un jeu de cartes] à neuf coupeurs... » (Journal du Marquis de Montcalm, H.R. Casgrain, éd., Québec 1895). Il s'agissait, bien sûr, de divertissements réservés à la noblesse et à la haute société, non pas de concerts au sens moderne du terme.

De récentes études dans les documents d'archives ont révélé la présence sous le Régime français des mêmes instruments et du même répertoire essentiellement que dans les salons des capitales provinciales françaises : cantates très à la mode de Clérambault, Bernier, Mouret, extraits d'opéra de Lully, Boismortier et Mion, exécutés par la voix, la viole, le violon, la flûte d'Allemagne, la flûte-à-bec, le luth ou la guitare, le clavecin ou l'orgue de chambre.

Régime anglais. À partir de 1759, la musique des régiments britanniques vint s'ajouter aux formes de musique qui existaient déjà : musique folklorique spontanée et musique d'église. Jusqu'à la Confédération canadienne (1867), des régiments britanniques furent à tour de rôle de service au Canada, amenant avec eux leurs corps de musique qui incluaient quelques-uns des meilleurs instrumentistes d'Angleterre. Les Français aussi avaient eu des musiciens régimentaires, bien entendu, mais les régiments britanniques apportaient avec eux une tradition musicale dont l'influence s'exerçait bien au-delà des fins militaires. Les musiqued participaient aux présentations théâtrales ou fournissaient des musiciens aux orchestres lors des rares concerts qui étaient présentés. Les grands bals étaient populaires et fréquents dans les villes de garnison telles que Halifax, Québec, Montréal et Niagara pendant les longs hivers, et les musiques donnaient des « concerts-promenade » le samedi matin dans plusieurs villes. De plus, les officiers étaient souvent eux-mêmes des musiciens compétents et, le temps s'écoulant lentement dans les colonies en temps de paix, il leur arrivait fréquemment de prendre part à des programmes musicaux ou d'engager les musiques pour divertir leurs invités lors de réunions sociales. Après leur retraite de la vie militaire, plusieurs des musiciens et chefs de musique (dont beaucoup étaient allemands) s'établirent au Canada où ils exercèrent par la suite une influence considérable comme professeurs et exécutants.

Il semble que la ville de Québec ait été le berceau du concert au Canada. La Gazette de Québec du 29 novembre 1764 contenait l'annonce d'une danse à la « Salle du concert », tandis que l'édition du 14 février 1765 annonçait un concert au même endroit, le 16 février, au profit du sieur Dienval, M.M. [probablement maître de musique] (La Musique au Québec, p. 262). Un avis datant de 1770 annonçait que les Gentlemen's Subscription Concerts commenceraient désormais à six heures. Les autres villes de garnison profitaient également des services des corps de musique : en avril 1769, un oratorio fut présenté à l'église Saint Paul's, à Halifax, par la « Philharmonic Society », avec le concours d'officiers de l'armée et de la marine. (Cette société fut, semble-t-il, la première au Canada. Cent ans plus tard, presque chaque ville ou localité possédait une société philharmonique, c'est-à-dire un choeur accompagné des instruments disponibles.) Elizabeth Simcoe, épouse du premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, nota dans son journal intime en novembre 1791 qu'elle avait assisté à Québec à un « concert de souscription » donné par la musique des Seventh Fusiliers. Cinq ans plus tard, elle mentionnait des concerts offerts par la musique du régiment à Toronto. En 1792, la musique du 60e régiment jouait « généralement pendant deux heures » les soirs d'été, à Montréal, au grand plaisir des gens qui suivaient le défilé. Des manifestations de cette sorte favorisèrent un épanouissement de la musique profane et la contribution des officiers en fut responsable dans une large mesure.

Le contenu musical de ces concerts était pour le moins variable, le répertoire allant des dernières chansons populaires à des extraits symphoniques. Un concert donné à Québec le 21 février 1792 se composait de 2 parties et offrait un programme de 13 pièces dont des oeuvres de Gluck et de Grétry pour « orchestre », des airs avec accompagnement de harpe et de guitare, un concerto pour cor de chasse, un duo pour clarinette et basson et plusieurs autres morceaux. En 1783, une certaine Mme Mechtler de Halifax donna un concert où l'on entendit quelques airs chantés par elle-même, un concerto pour clavecin joué par le chef de musique de l'endroit, ainsi qu'une ouverture (probablement de Jean-Chrétien Bach) interprétée par l'harmonie. Ce sont néanmoins ces concerts assez peu formels, prenant souvent place dans des tavernes, des cafés ou des salles paroissiales, qui furent à l'origine des premières séries de concerts d'abonnement, telles que la série des 24 concerts donnés à Québec chaque lundi soir pendant l'hiver 1790-91. La continuité voulait aussi dire une possibilité d'améliorer la qualité de l'exécution. De fait, le contenu musical de plusieurs des concerts présentés entre 1790 et 1815 reflète un goût musical remarquablement évolué. Les programmes incluaient des symphonies, des ouvertures et des concertos des compositeurs les plus en vue de l'époque, notamment Haydn, Mozart, Pleyel (de loin le compositeur le plus souvent joué à Québec), J.-C. Bach, Gluck, Grétry, Gyrowetz et Jean-Baptiste Davaux. Une grande partie de cette musique était de composition très récente : les Quintettes à cordes de Mozart, K. 515 en do et K. 516 en sol mineur, furent exécutés à Québec en 1793, six ans seulement après leur composition.

De 1800 à 1899

Le début du XIXe siècle hérita des conditions dont la période précédente avait souffert : salles inadéquates, impossibilité de réunir un ensemble instrumental complet et difficultés financières. La plus grande part de l'activité musicale était redevable aux efforts de quelques individus tenaces et dévoués. L'existence d'une société musicale reposait sur son directeur et ne survivait pas à son départ. (Dans The Globe, le musicien torontois John Carter fut décrit comme « pianiste, directeur, chef d'orchestre, chef de choeur et souffleur » à la suite d'une exécution de La Sonnambula en 1866.) Ce fut cependant grâce à ces sociétés que la musique se développa au Canada pendant ces premières décennies. Après la relative sophistication des années 1790, le goût musical semble toutefois basculer dans le populaire et le banal. Des mélanges de musique sacrée et profane, habituellement annoncés comme « Grand concert de musique vocale et instrumentale », furent à l'affiche entre les années 1820 et 1870 environ, et au-delà de cette date dans les petits centres. Le goût du public de l'époque admettait au même programme l'ouverture des Noces de Figaro et une chanson intitulée « I Would I Were a Fairy ». À un concert de la Toronto Choral Society le 23 octobre 1845, on rapporta que l'ouverture Prométhée de Beethoven avait procuré une « satisfaction générale » tandis qu'une chanson de Topcliffe, « Consider the Lilies », avait été bissée. Les pièces vocales de genre et les prouesses instrumentales jouaient un rôle important dans les concerts-promenade légers (comme c'était d'ailleurs le cas en Europe et dans les Amériques à cette époque); il est douteux que l'instrumentation originale ait été respectée lors des exécutions d'ouvertures et de mouvements de symphonies.

Helmut Kallmann a résumé cette période dans History of Music in Canada (p. 107-108) : « Les concerts, à l'exception des exécutions d'oratorios et d'opéras, n'étaient pas encore spécialisés dans les catégories chorale, orchestrale, musique de chambre ou pour soliste telles que nous les connaissons aujourd'hui. Les choeurs constituaient la majorité des sociétés musicales et, pour chaque concert, les instrumentistes étaient recrutés à la hâte. En fait, la plupart des concerts faisaient appel à tous les talents disponibles. Un concert caractéristique présentait, par exemple, une chorale d'église augmentée, un orchestre de 15 à 50 musiciens dont le noyau était constitué de l'harmonie locale; le professeur de musique de la place se produisait d'abord au violon puis au cornet, une dame talentueuse et sa fille s'attaquaient à un duo d'opéra et, en de rares occasions, s'ajoutait un artiste invité de renom. Les bons interprètes étaient rares et quiconque voulait bien affronter un auditoire avait toute liberté de le faire. À nombre de concerts, les amateurs se mêlaient aux professionnels, ce qui entraînait un niveau d'exécution très inégal ».

Il fallut attendre les années 1860-70 pour voir les sociétés musicales devenir des institutions stables offrant des programmes réguliers et suivis. Au nombre de ces sociétés figuraient le Mendelssohn Choir of Montreal (1864-94), la Toronto Philharmonic Society (1872-94), la Montreal Philharmonic Society (1875-99) et l'Orpheus Club (1882-1917) de Halifax. Pendant la période de croissance, chaque élément de l'évolution enrichissait les autres et réciproquement : les sociétés locales prenaient les devants en matière d'évangélisme musical, aiguisant ainsi l'appétit du public pour la musique, ce qui entraînait l'organisation d'un plus grand nombre de concerts; cet état de choses, en retour, contribuait à façonner un milieu de travail plus attrayant, incitant des musiciens professionnels à s'installer au Canada, et des interprètes en tournée établissaient des standards d'exécution que les musiciens locaux cherchaient ensuite à atteindre.

Quelques-unes de ces sociétés musicales étaient exclusives et ne vendaient pas de billets au public pour leur concerts, étant entièrement soutenues par leurs membres. La Philharmonic Society, qui subsista à Toronto de 1845 à 1847, en fut un exemple. D'autres organisations, telle la Germania Singverein qui prospéra à Victoria en 1861, étaient des groupes populaires (quelques-uns furent à l'origine associés à des clubs sportifs) qui accordaient autant d'importance à la bonne chère, au bon vin, aux défilés et aux réunions sociales qu'à la musique. Bien que la plupart de ces sociétés fussent avant tout des formations chorales, plusieurs tentèrent de créer et de maintenir des ensembles instrumentaux permanents. De Halifax à Victoria, ces sociétés assurèrent l'exécution d'oeuvres chorales de grande envergure réunissant parfois des effectifs considérables. Un concert de musique sacrée présenté à Québec le 26 juin 1834 fit appel à plus de 100 chanteurs et 60 instrumentistes. Le Metropolitan Choir de Toronto se glorifiait de compter 308 chanteurs, 31 instrumentistes et 150 membres souscripteurs en 1858. De telles entreprises étaient toutefois hasardeuses : si les choses tournaient mal, un chef ou un impresario pouvait perdre en un seul concert la totalité de ses épargnes, et il n'existait pas d'agences d'aide artistique pour amortir l'impact d'un tel désastre financier.

Tandis que ces sociétés continuaient à faire entendre de la musique à un public toujours croissant, un autre élément fit son apparition : les harmonies locales, militaires ou civiles, qui constituaient la source principale de divertissement pendant l'été et héritèrent des fonctions publiques des corps de musique des régiments anglais au lendemain de la Confédération. Toutefois, en dépit du fait que les sociétés chorales, tout comme les harmonies, devaient recruter des interprètes dans les localités canadiennes (ou américaines) environnantes lors d'occasions spéciales, toute cette activité n'était aucunement coordonnée à l'échelle nationale, et peu de contacts existaient entre des agglomérations séparées par des centaines de kilomètres. Les Sängerfeste et les tournois d'harmonies firent exception à cette règle dans les dernières décennies du siècle, mais leur formule ne s'étendit pas aux sociétés chorales. Halifax, Montréal et Toronto avaient leurs propres directeurs et vedettes musicales, qui étaient généralement peu connus dans les autres centres.

Les concerts avaient souvent des objectifs extérieurs à la musique. Ainsi, les concerts d'harmonie excellaient à faire vibrer les sentiments patriotiques ou la partisanerie politique. Les concerts, en outre, servaient souvent à recueillir des fonds pour des fins de bienfaisance, comme ce fut le cas de concerts à Toronto en 1852 au profit de fugitifs noirs venus des États-Unis, et en 1855 pour les victimes de la guerre de Crimée.

Au milieu du siècle, la population s'était accrue à tel point qu'il était devenu économiquement rentable de faire venir au pays des célébrités internationales, d'autant plus que l'aménagement des voies ferrées et des cours d'eau rendait les villes canadiennes de plus en plus accessibles et permit aux Canadiens de tirer avantage de leur proximité des grands centres des États-Unis. Les visites effectuées par des troupes telles que Hermann and Company de Munich, qui donna des concerts dans les Maritimes pendant les années 1830, reçurent un bon accueil et attirèrent une assistance nombreuse. Une vedette du calibre de Jenny Lind attira 1000 personnes à un concert présenté à Toronto au Saint Lawrence Hall en 1851 et mobilisa l'attention de la presse plusieurs semaines durant. Au début des années 1850, les visites de célébrités de cet ordre étaient devenues assez courantes dans l'est du Canada qui accueillit les violonistes Ole Bull et Henri Vieuxtemps, le pianiste Sigismund Thalberg, les cantatrices Henriette Sontag et Adelina Patti et l'orchestre de la Société musicale Germania. Il est certain que cette évolution contribua à raffiner les goûts du public, mais il appert que le répertoire des programmes restait disparate, et que l'occasion d'assister à une soirée consacrée à un seul genre de musique (chant, piano, musique de chambre ou d'orchestre) était chose à peu près inconnue. Le concert d'adieu de Jenny Lind à Toronto en 1851 comportait par exemple non seulement ses airs et ses mélodies, mais la participation de trois solistes, un pianiste, un violoniste et un clarinettiste. Quelques historiens soutiennent que le récital ne fit son apparition que vers 1900, date à partir de laquelle ce genre fut cultivé par le pianiste Émiliano Renaud. Toutefois, dès 1865, un pianiste, écrivain et compositeur nommé James Pech présenta à Montréal des récitals-causeries où il interprétait ses propres oeuvres et celles de Bach, Chopin, Mendelssohn et Doehler, tandis qu'un autre adepte du genre récital-causerie, Waugh Lauder, avait donné en 1889 près de 300 récitals de ce type en Ontario seulement. Johanna van Beethoven, l'épouse du petit-neveu de Ludwig, donna un récital de piano à Montréal en 1872.

La vie musicale attint une plus grande stabilité et montra plus d'assurance dans la seconde moitié du siècle. Les choeurs et les orchestres étaient maintenant en mesure d'exécuter des oratorios et des symphonies en entier, et les concerts étaient généralement plus ambitieux. En 1860, les oeuvres suivantes auraient déjà été exécutées au Canada : les ouvertures des opéras Les Noces de Figaro, La Clemenza di Tito, La Flûte enchantée, Les Créatures de Prométhée, Le Songe d'une nuit d'été, Guillaume Tell, L'Italienne à Alger et Sémiramide; la Symphonie Surprise et la Symphonie des jouets de Haydn, la Symphonie no 40 de Mozart et les Symphonies nos 1 et 2 de Beethoven. Les concerts présentaient souvent des oeuvres de Mozart, Haydn, Beethoven et Haendel. Des extraits d'opéras de Bellini, Donizetti et Rossini étaient également populaires, à l'instar des oeuvres de Mendelssohn et de Weber. Chopin, Schumann, Liszt et Berlioz étaient encore peu connus. On jouait rarement des sonates ou des quatuors à cordes, bien qu'il semble que les sonates « Clair de lune » et « Pathétique » de Beethoven aient joui d'une certaine faveur. La musique de Bach n'était presque jamais entendue, sauf lorsqu'elle était jouée à l'orgue par des musiciens d'église d'un goût aussi éclectique que John W.F. Harrison, R.-O. Pelletier et F.H. Torrington. (Voir Orgue - Pratique et enseignement.) Les pots-pourris d'airs d'opéra et les ouvertures légères étaient plus courantes dans le répertoire d'autres organistes. On donnait encore priorité à la musique chorale. Les oratorios et les cantates étaient devenus chose si courante qu'un critique musical montréalais poussa un cri de joie quand un concert de musique sacrée présenta enfin, en 1866, autre chose que Le Messie ou La Création. La musique de chambre eut peut-être sa place dans les foyers de quelques Canadiens, mais peu de témoignages lui attribuent une présence sur la place publique. (Il faut mentionner par contre que les concerts très hétéroclites de musique d'orchestre comportaient souvent des oeuvres pour formations réduites.) Il y eut cependant des exceptions notables : le Septuor Haydn, composé d'un quintette à cordes, d'une flûte et d'un piano, fut fondé à Québec en 1871 et exista pendant trente années au cours desquelles il donna des centaines de concerts à travers la province. Le Toronto String Quartette présenta 12 concerts tous les 15 jours pendant la saison 1885-86 (une de ces manifestations attira 1300 auditeurs) et son répertoire incluait plusieurs oeuvres complètes de Mozart, Haydn et Beethoven. Le violoniste Frantz Jehin-Prume, son épouse, la chanteuse Rosita del Vecchio, et le pianiste-compositeur Calixa Lavallée se produisirent en récital au Canada et aux États-Unis. En 1871, Jehin-Prume mit sur pied une série de six « concerts de chambre classiques », et en 1892, il fonda l'Assn artistique de Montréal, un ensemble formé de quatre instruments à cordes et d'un piano qui présenta trente concerts au cours des cinq années qui suivirent.

Les dernières décennies du XIXe siècle furent caractérisées par des réalisations de grande envergure qui reflétaient le culte du grandiose alors à la mode dans toutes les autres sphères. Cette tendance fut anticipée à Montréal par un concert tenu le 24 août 1860 pour célébrer l'inauguration du pont Victoria par le prince de Galles. Devant un auditoire de 6000 personnes, R.J. Fowler dirigea les 400 membres de la Montreal Musical Union, un orchestre et les solistes Adelina Patti et Emma Albani, deux adolescentes qui allaient connaître une renommée mondiale. La principale oeuvre au programme était une cantate de C.W. Sabatier écrite spécialement pour l'occasion. À un festival important tenu à Québec en octobre 1883, plusieurs harmonies unirent leurs effectifs pour former un immense orchestre, avec choeurs et solistes, une entreprise colossale organisée par Arthur Lavigne. En revanche, la Philharmonic Society de Toronto (1872-99), qui ne voulait pas se laisser surpasser, mit sur pied en 1886 un ensemble gigantesque en vue d'une série de 4 concerts employant 1000 choristes adultes, 1200 enfants, un orchestre de 100 instrumentistes et des solistes invités (l'une de ces invités, Lilli Lehmann, qualifia toute l'affaire d'« extrêmement grotesque »). D'autres festivals monstres eurent lieu à Hamilton, Ont., en 1887, et lors de l'inauguration de Massey Hall, à Toronto, en 1894. Même si ces spectacles furent peut-être quelque peu grossiers sur le plan musical, il est certain que l'enthousiasme populaire qu'ils engendrèrent alimenta de façon importante l'épanouissement de la musique dans les années qui suivirent. En conséquence, certains choeurs prirent l'habitude de faire venir les meilleurs orchestres de New York et de Boston pour les accompagner.

De 1900 à 1914

Les années 1900 marquèrent le début d'une vie musicale très dynamique au Canada. Un plus grand nombre de gens avaient le loisir de s'adonner à la musique, ou possédaient les moyens financiers de l'encourager. Le travail de pionnier accompli au cours des décennies précédentes commençait à porter ses fruits, comme en témoignait l'intérêt accru du public en général pour la musique. La radio n'avait pas fait son apparition, le phonographe n'était qu'à ses débuts; loin d'être un divertissement passif comme elle l'est devenue, la musique était alors le privilège d'amateurs et de professionnels actifs, et une grande proportion des gens étaient instrumentistes, chanteurs à leurs heures. Il en sera autrement pas la suite. Un nombre toujours croissant de musiciens européens vinrent chercher de l'emploi auprès des sociétés musicales canadiennes et les visites de célébrités internationales firent désormais partie de la vie. Cette situation entraîna des changements majeurs dans la vie musicale. Les anciennes organisations composées essentiellement d'amateurs évoluèrent vers deux types de groupes : d'une part, les chorales d'amateurs, et, d'autre part, les associations ayant pour but de créer et de soutenir des ensembles professionnels. L'Union des musiciens exerça un début d'influence, et le rôle de l'organisateur de concerts et de l'impresario comme intermédiaires entre le public et les artistes commença à se définir. La Toronto Philharmonic Society fut dissoute en 1894, la Montreal Philharmonic Society en 1899, et le Septuor Haydn de Québec en 1903. Ces sociétés furent toutes supplantées par de nouvelles associations : le Choeur Mendelssohn de Toronto et l'OSM de Couture en 1894, un orchestre au TCM (RCMT) fondé par Frank Welsman en 1906, un autre à Montréal sous l'égide de J.-J. Goulet en 1898, et la Société symphonique de Québec (Orchestre symphonique de Québec) en 1903.

Pendant que les sociétés symphoniques affermissaient leur caractère professionnel, les chorales d'amateurs connaissaient des heures de gloire. Des villes aussi modestes que Lethbridge, Alb., Truro, N.-É., Saint-Hyacinthe et Sherbrooke au Québec possédaient leurs propres sociétés chorales tandis que les grands centres piétinaient dans leur recherche de la grandeur. En 1910, le Choeur Mendelssohn n'était qu'une des cinq grandes chorales de Toronto (sans compter une multitude de chorales d'église), et un chef de choeur nommé Herbert M. Fletcher dirigeait trois ensembles qui totalisaient environ 1000 voix.

Les tâches d'impresario et d'organisateur de concerts étaient assumées autant par des professionnels que par des amateurs de talent, dont les clubs musicaux de femmes qui entreprirent de présenter des concerts d'artistes étrangers et, à l'occasion, d'interprètes canadiens. Des clubs de ce genre existaient dans un grand nombre de villes (certains d'entre eux étaient toujours prospères en 1990). Leur activité soutenue constitua peut-être l'élément le plus important de la vie des concerts du Canada au XXe siècle. Les efforts d'impresarios indépendants, de gérants, de promoteurs et d'organisations ne doivent pas non plus être sous-estimés. Avant 1914, Charles A.E. Harriss organisa des concerts à Ottawa et à Montréal, Louis-Honoré Bourdon à Montréal, Arthur Lavigne et J.-A. Gauvin à Québec, les Hambourg, M.L. Solman (gérant de la Mutual Street Arena), le TCM et Norman Withrow (gérant de Massey Hall) à Toronto, George J. Dyke et son frère Fred en Colombie-Britannique.

Les festivals et concerts monstres conservèrent leur popularité dans les premières années du XXe siècle. Un des plus remarquables fut la série de concerts organisée par Charles A.E. Harriss, qui, en 1903, invita le chef d'orchestre écossais sir Alexander Mackenzie à venir diriger le Cycle des festivals de musique du Dominion du Canada, une manifestation qui mettait l'accent sur la musique britannique et se déroulait dans 18 villes en l'espace de 5 semaines. La Winnipeg Oratorio Society inaugura son Western Canada Musical Festival en 1908, et donna chaque année une série de six concerts avec l'OS de Minneapolis en plus de présenter de nombreux artistes de réputation internationale. Quelques ensembles de musique de chambre furent également constitués : le Quatuor à cordes Dubois à Montréal (1910), le Toronto String Quartet (1907), l'Academy String Quartet (1912) et le Hambourg Trio à Toronto. Les programmes se limitaient toutefois en grande partie à des mouvements de quatuors et à des arrangements de chansons connues ou à des exécutions par des solistes invités.

De 1914 à 1950

La déclaration de la Première Guerre mondiale eut pour effet de priver maintes chorales de leurs voix d'hommes et beaucoup d'orchestres de leurs musiciens, à mesure que ceux-ci s'enrôlèrent dans les forces armées et que les fonds étaient consacrés à l'effort de guerre. La récupération fut longue et, dans certaines localités, il fallut attendre 1930 (époque où les orchestres de cinéma disparurent avec l'avènement du film parlant) pour assister à la réapparition d'orchestres en mesure de fournir de l'emploi aux musiciens. Dans les années 1920, le public délaissa la musique vocale au profit de la musique instrumentale et, dans certaines villes du moins, les concerts se classaient suivant des catégories précises : musique chorale, musique orchestrale, musique de chambre, récitals et ainsi de suite. Le mélange des genres était peu fréquent, à l'exception des festivals du CP qui eurent lieu à travers le pays entre 1927 et 1931. Lors de ces festivals, chanteurs et formations de chambre s'unissaient pour interpréter des arrangements de chants folkloriques et d'autres genres de musique. Bien que des artistes de réputation internationale effectuaient régulièrement des tournées au Canada et que Montréal, Toronto, Winnipeg et Vancouver disposaient d'orchestres compétents, la musique sérieuse était encore offerte à petites doses. Un récital de Fritz Kreisler ou de Mischa Elman dans les années 1920 consistait peut-être en une sonate classique et quelques petites pièces banales. D'autre part, les principaux orchestres devaient initier leurs auditoires à Bach et Brahms autant qu'à Sibelius et Debussy (toutefois, la radio amér. présentait habituellement un plus vaste répertoire). On jouait rarement la musique d'avant-garde et le qualificatif de « moderne » s'appliquait généralement à Richard Strauss, Delius, Sibelius, Ravel ou même Elgar plutôt qu'à Stravinsky, Schoenberg, Hindemith ou Bartók.

Peu à peu, les répertoires et les goûts reflétèrent une perspective historique plus complète. Sir Ernest MacMillan fit oeuvre de pionnier en présentant la musique de Bach et en invitant Stravinsky à venir diriger le TSO en 1937. On donna un cycle de quatuors de Beethoven à Toronto en 1927, tandis qu'on inaugurait la même année les concerts radiodiffusés du TSO (une heure chaque dimanche après-midi). Healey Willan, la Halifax Madrigal Society (fondée en 1923) et d'autres musiciens stimulèrent l'intérêt pour la musique de la Renaissance. On redécouvrit la guitare et le clavecin. Mozart, Schubert et d'autres compositeurs, qui n'avaient été présentés jusque-là que dans quelques oeuvres, faisaient maintenant l'objet d'une exploration plus poussée. Les enregistrements et la radiodiffusion - aussi bien privée que celle de la SRC - jouèrent un rôle important dans ce processus de découverte à partir de 1936. La radio transportait les exécutions d'ensembles de marque jusque dans les petites villes, et les émissions présentant des interprètes canadiens les faisaient connaître à un auditoire potentiel. Les restrictions imposées par la dépression économique des années 1930 ralentirent cette évolution, mais cette période laisse néanmoins le souvenir d'une époque où des ensembles tels que le Quatuor à cordes Hart House (Toronto), le Choeur philharmonique de Winnipeg, le Schubert Choir de Brantford et la musique des Canadian Grenadier Guards (Montréal) atteignirent un niveau d'exécution d'une exceptionnelle qualité. Les impresarios actifs pendant cette période furent le couple Tremblay à Ottawa, Dorothy Parnum, Catharine Whetham, la Hart House à l'Université de Toronto et plus tard Walter Homburger à Toronto, Édouard Blouin, Samuel Gesser et Nicolas Koudriavtzeff à Montréal, le Men's Music Club et Fred M. Gee à Winnipeg, dans les Prairies et dans l'ouest de l'Ontario, le Musical Art Club à Saskatoon, l'organisation Chautauqua dans le Centre-Ouest, Lily Laverock, le Philharmonic Music Club, Gordon Hilker et (plus tard) George Zukerman (Overture Concerts) ainsi que J.J. Johannesen (Festival Concert Society) en Colombie-Britannique. Il y avait en outre le réseau des Community Concerts (division de la Columbia Artists Managements, Inc., des É.-U.) fondé à Chicago en 1920 et introduit au Canada en 1930. Après la Deuxième Guerre mondiale, les universités canadiennes commencèrent à jouer un rôle important dans la sphère du concert. Les JMC (1949) inaugurèrent aussi leur réseau de centres à travers le pays et présentèrent de jeunes artistes du Canada et de l'étranger. La montée de ces impresarios assura au Canada la visite régulière d'artistes étrangers de distinction.

De 1950 à 1980

La plupart des organisations musicales étaient plus solidement établies au début de la Deuxième Guerre mondiale qu'elles ne l'étaient au moment où la Première les délogea de façon si radicale. Par conséquent, la majorité des orchestres et des autres ensembles musicaux furent en mesure soit de poursuivre leur action pendant la guerre, soit de la reprendre peu de temps après. Néanmoins quelques changements s'amorcèrent. Dans les années 1950-60, on assista à un relâchement des catégories fermées de concerts qui prévalaient depuis 1920 environ. Ce fut peut-être une réaction à la menace croissante que représentaient les enregistrements et la radiodiffusion pour la formule traditionnelle du concert. Quoi qu'il en soit, des types de musique très différentes commencèrent à se côtoyer lors de festivals d'été tels ceux de Stratford, Montréal, Vancouver ou Niagara-on-the-Lake, et au programme de concerts organisés par la radio de la SRC (voir Radiodiffusion) dans des villes d'un bout à l'autre du pays. Musica Antica e Nuova de Montréal (années 1950) et Ten Centuries Concerts de Toronto (années 1960) visèrent délibérément à secouer le joug du concert traditionnel et le contenu de ses programmes. La société torontoise, notamment, rassemblait des genres musicaux aussi éloignés que le plain-chant et le jazz. Afin d'atteindre les couches populaires s'intéressant à la musique sérieuse, quelques orchestres et des ensembles donnèrent des concerts dans des centres commerciaux et des usines, combinèrent des concerts avec des dégustations de vins et fromages, entrèrent en collaboration étroite avec les écoles et les universités pour présenter la musique aux jeunes et eurent recours à divers subterfuges pour rendre les classiques plus accessibles aux amateurs potentiels sans culture musicale préalable. Des auditoires spécialisés de dimensions plus restreintes étaient desservis par des sociétés telles que NOVA MUSIC à Halifax, la SMCQ à Montréal, les NMC à Toronto et la Vancouver New Music Society à Vancouver ainsi que par d'autres groupes d'orientation historique ou expérimentale. (On compta dans cette dernière catégorie les concerts de l'Isaacs Gallery à Toronto organisés par Udo Kasemets.) Quelques observateurs, parmi eux le pianiste Glenn Gould, prophétisèrent la disparition du concert « en direct » face à la concurrence des médias électroniques, mais cette sombre perspective ne se matérialisa pas. Au contraire, la saison musicale, qui se trouvait déjà prolongée par les festivals d'été, s'étendit bientôt sur 12 mois.

Dans les années 1970, les nombreux orchestres canadiens - ceux à temps complet ainsi que les orchestres de chambre et de la radio, communautaires et scolaires - étaient peut-être les organismes musicaux les plus actifs du pays. Ils présentaient des concerts de façon continue, en direct ou en différé, dans le cadre de grandes séries ou de séries complémentaires, dans les écoles, à des festivals et en tournées. En 1980, les trois orchestres les plus actifs du Canada - l'OSM, le TSO et l'OS de Vancouver - donnaient chacun plus de 130 concerts par an.

En 1969, le CAC créa le National Concert Bureau, dirigé à l'Université de Toronto par Edith Binnie, pour tenter de pallier à l'absence au Canada d'agences comme Columbia Artists et Sol Hurok aux États-Unis. Les premiers objectifs, plutôt modestes, de cette agence furent de promouvoir et de gérer la carrière de six jeunes solistes ainsi que du Quatuor à cordes Orford. Elle demeura active jusqu'à son intégration à l'Office des tournées du CAC fondé en 1973. Auparavant, le CAO avait inauguré en 1970 un programme d'assistance aux concerts et artistes (voir James Norcop) lequel, en janvier 1971, distribua aux employeurs de musiciens son premier répertoire de solistes ontariens. La réaction à cette initiative, surtout chez les chefs d'orchestre, déboucha sur une série d'auditions, à Toronto, d'interprètes que les chefs avaient demandé à entendre. À la suite d'auditions similaires dans le domaine de l'opéra au début de 1972, le CAO organisa pour la première fois, à Toronto, une vaste rencontre appelée Contact 72 qui rassembla employeurs et interprètes de tous les coins du Canada. Le succès de cette entreprise fut tel qu'elle fut reprise (et amplifiée) chaque année en Ontario.

En 1974, le CAO (dont le programme d'aide aux concerts et artistes était devenu le dépt Ontour) et l'Office des tournées du CAC - qui en était à sa deuxième année d'existence - incitèrent les agences artistiques des autres provinces à instituer des systèmes d'auditions semblables. Une à une, elles adoptèrent la formule : Pacific Contact en Colombie-Britannique puis Contact East dans les provinces de l'Atlantique. Puis ce fut le tour d'Alberta Showcase, de Contact Québec et des rencontres du même ordre qui alternaient chaque année entre la Saskatchewan (pour la première fois en 1978) et le Manitoba (pour la première fois en 1979). Ces initiatives eurent pour effet de sensibiliser les organisations de concerts à la quantité impressionnante de talents canadiens à leur disponibilité et, en fait, de renverser en faveur des Canadiens la proportion des artistes se produisant sur les scènes canadiennes.

Ce fut une des raisons qui contribuèrent à rendre les Canadiens de plus en plus familiers avec leurs interprêtes dans les années 1970, y compris des groupes de musique de chambre qui connurent soudain une popularité accrue. Des formations telles que Camerata, Canadian Brass, le Trio Dalart, One Third Ninth, le Quatuor à cordes Orford et Quartet Canada furent connues d'un vaste public. Des particuliers et des organismes continuèrent pendant les années 1970 à promouvoir des séries de concerts de musique de chambre dont celles du Vancouver East Cultural Centre, de la Vancouver Society for Early Music et la série Northstars (Toronto) d'Anton Kuerti.

Au nombre des événements qui stimulèrent encore la vogue du concert, le plus fructueux fut sans contredit la célébration du Centenaire de la Confédération en 1967, pour laquelle le gouvernement fédéral déboursa environ 91 000 000 $ affectés à des projets de toutes sortes dans les villes et divers milieux d'un bout à l'autre du pays. Cependant, après cette prospérité soudaine, les sommes d'argent allouées aux arts furent réduites et les problèmes financiers continuèrent à menacer les groupes d'interprétation de même que les artistes créateurs. Le CAC, les agences artistiques provinciales (notamment celles de l'Ontario, du Québec, de l'Alberta et de la Saskatchewan) et les organismes de financement municipaux comme ceux de Montréal et de Toronto ont aidé à corriger la situation. Toutefois, dans les années 1970, l'aide apportée aux arts par les particuliers et les sociétés demeurait minime en dépit des efforts déployés pour stimuler leur générosité. Entre-temps, le répertoire était devenu tout à fait cosmopolite. Peu de pays ont fait preuve d'aussi peu de préjugés que le Canada dans la présentation et l'accueil de la musique et des interprètes de toutes les parties du monde. Cette attitude de tolérance a été décriée par les nationalistes qui aimeraient voir se manifester plus d'enthousiasme à l'endroit des oeuvres et des interprètes canadiens.

De 1980 à 1990

Climat économique. Les tensions financières défavorables et le taux de chômage élevé qui se manifestèrent durant la majorité des années 1980 affectèrent moins le milieu du concert qu'on aurait pu le penser. On doit convenir que certains orchestres et autres organisations frôlèrent l'effondrement (notamment l'OS de Vancouver en 1988) ou s'éclipsèrent pour des raisons principalement économiques. Cependant, ces quasicrises et crises stimulèrent des réactions, telles que des pressions plus vigoureuses pour l'appui des arts, des campagnes de souscriptions plus aggressives et plus habiles et d'autres techniques de marketing, ainsi que de nouveaux genres de programmation. Un autre élément compensateur fut l'augmentation de la population urbaine et de publics ayant une culture musicale. Somme toute, les années 1980 virent une décennie de croissance du nombre et de la qualité des concerts publics. Malgré l'immense variété de musique dont des enregistrements sont disponibles, la demande pour les interprétations en direct ne diminua pas.

Spécialisation. Le répertoire musical a continué de progresser et de régresser en même temps et il a connu des changements dans le style d'interprétation (notamment Haydn sur des instruments modernes ou anciens) et la présentation. Une tendance évidente est celle de la spécialisation. En 1990, chaque grande ville comptait un ensemble de musique ancienne et une société de musique nouvelle, en plus de sociétés d'orchestre, de musique de chambre et d'opéra consacrées au répertoire dominant des XVIIIe et XIXe siècles. L'amateur de musique des grandes villes, avec un minimum d'efforts, pouvait choisir d'un assortiment de musiques d'amateurs et de professionnels, classique et populaire, sacrée et profane, de l'ouest, du sud, du nord et de l'est, expérimentale et traditionnelle, éternelles favorites et redécouvertes, présentées par des musicens résidents ou invités.

Les ensembles sont devenus plus flexibles quant à l'instrumentation. Si jadis le quatuor à cordes et le trio avec piano régissaient les concerts de musique de chambre, de nos jours les combinaisons éclectiques d'instruments ou d'instruments et de voix sont devenues courantes. Dans les récitals au clavier, le clavecin, le piano et les instruments électroacoustiques se sont joints au piano de concert et à l'orgue.

Nouveaux concepts et cadres de présentation. Des formules conventionnelles de concerts continuèrent à dominer les années 1980, mais elles furent défiées par de nouveaux concepts imaginatifs reliés aux lieux, aux horaires et à la structure des programmes. R. Murray Schafer, un des inventeurs du concept des Ten Centuries Concerts, poursuivit son innovation dans ce domaine, par exemple, avec RA, un événement musical et théâtral rituel, durant du soir au matin, dans lequel la distinction entre les interprètes et le public est presque annulée. La Harbour Symphony pour cors et cloches des navires dans le port de Saint-Jean, T.-N.(1983), et d'autres happenings en plein air créés pour le Sound Symposium, sont autant d'évasions aventureuses ou d'extensions du concert traditionnel. Les festivals sont demeurés populaires; de nouveaux festivals ont fait leur apparition à plusieurs endroits, la compétition les forçant à rechercher des formes de programmation distinctes.

De nouveaux modes de présentation de la musique ont rejoint des publics nouveaux, notamment ceux des maisons de retraite, des centres commerciaux, ou des mails piétonniers pendant l'été.

La place de la musique canadienne

Peu de détails sont connus sur la musique canadienne exécutée au XIXe siècle, mais les programmes indiquent que plusieurs chefs de musique dirigeaient des marches de leur composition, et que les solistes exécutaient souvent de petites pièces dont ils étaient les auteurs. L'article de l' EMC sur la Cantate mentionne un nombre assez considérable d'exécutions d'oeuvres canadiennes à partir de 1860 (et même deux au XVIIIe siècle). Le premier concert entièrement canadien par son contenu dont on ait trouvé trace eut lieu à Toronto en 1889. Il était consacré aux oeuvres du compositeur et professeur W. O. Forsyth (1859-1937). À Montréal, la première occasion d'entendre des oeuvres d'un groupe de compositeurs canadiens se présenta au mois d'octobre 1903, alors qu'un concert fut consacré aux oeuvres de 10 compositeurs montréalais. On donna des concerts consacrés aux oeuvres d'un ou de plusieurs compositeurs canadiens à quelques années d'intervalle au cours des trois premiers quarts du XXe siècle. Les plus importants furent une émission de radio diffusée au réseau du CN avec l'All-Canada Symphony en avril 1930, un concert Lavallée à Montréal en juillet 1933, une émission de la BBC sur la musique canadienne en 1935 ainsi que des concerts à New York en 1942 et 1953, à Prague en 1946, à Budapest en 1949 et à Paris en 1956. La vogue des concerts entiers de musique canadienne connut son apogée dans les années 1950 et au début des années 1960 grâce à l'influence de la LCComp dont la première initiative en ce sens fut un concert Weinzweig en 1951. À compter des années 1970, la musique canadienne était devenue un élément courant des programmes de concerts auxquels elle était intégrée tout naturellement. Le besoin de la traiter comme une entité unique et distincte semble avoir diminué. Toutefois, nombreux sont les compositeurs qui rejetteraient l'idée qu'il y a lieu d'être satisfait du statu quo. Leur préoccupation à cet égard est réelle et fut manifestée par les concerts importants organisés à Paris et à Londres en 1977 sous le nom de Musicanada, ainsi que par ceux qui eurent lieu en France et en Allemagne la même année dans une série appelée Rendez-vous with Canada, ou par ceux dans le contexte de l'exposition OKanada à Berlin en 1983. Le nombre de spectacles de musique canadienne augmenta considérablement durant les années 1980, mais aussi le nombre de compositeurs. Ces deux développements sont positifs, quoique pour le compositeur individuel, la reconnaissance ne parvient qu'au même rythme peu satisfaisant.