Dagenais, Pierre
Pierre Dagenais, acteur, metteur en scène, réalisateur et auteur (Montréal, Québec, 29 mai 1923 - 24 décembre 1990). Tout en poursuivant des études au collège Sainte-Marie puis au collège Stanislas, Pierre Dagenais assiste pendant plus de huit ans aux cours privés offerts par Madame Jean-Louis Audet et son fils André où il acquiert l'essentiel de sa formation théâtrale. D'abord acteur à la radio, il collabore brièvement avec les plus importantes troupes des années 1940 (Compagnons de saint Laurent, Comédie de Montréal, Théâtre Arcade) avant de fonder sa propre compagnie, l'Équipe (1943-1948), autour d'un noyau dur de jeunes comédiens dont Janine SUTTO, Nini Durand, Yvette BRIND'AMOUR, Robert Gadouas et Jean-Pierre Masson. Née d'une profonde insatisfaction à l'endroit du répertoire boulevardier et des conditions de travail en vigueur à l'Arcade, où les comédiens devaient monter une nouvelle pièce chaque semaine, l'Équipe mettra de l'avant une série de réformes qui viseront non seulement à améliorer la qualité des spectacles, mais aussi à travailler dans le respect et la dignité des acteurs.
Pierre Dagenais sera ainsi un ardent défenseur de la dramaturgie moderne (Cocteau, Molnár, Pagnol, Sartre, Salacrou, Shaw), ce qui ne l'empêchera pas de faire quelques incursions dans le répertoire classique. Encensée par la critique, sa mise en scène du Songe d'une nuit d'été (1945) fera date dans l'histoire du théâtre québécois comme la première production professionnelle de Shakespeare en traduction française. Ce succès artistique lui vaudra une invitation de la Shakespeare Society of Montreal qui fera de Dagenais le premier Canadien français à monter le poète anglais dans sa langue d'origine (King Lear, 1946).
Les réformes entreprises par l'Équipe iront pourtant bien au-delà d'un changement radical dans le choix du répertoire. Rompant avec les habitudes du milieu théâtral professionnel francophone, Pierre Dagenais augmentera sensiblement le temps alloué aux répétitions, les faisant passer d'une à six semaines en moyenne. Il condamnera également la boîte du souffleur et délaissera le système des acteurs vedettes au profit du jeu d'ensemble. Premier véritable metteur en scène du Québec, il travaillera dans le respect du texte dramatique et prônera une esthétique réaliste mais non exempte de poésie.
Suite à la dissolution de l'Équipe, Pierre Dagenais ne dirigera plus que de rares productions théâtrales, dont la création du Brutus de Paul TOUPIN en 1952. Travaillant périodiquement comme réalisateur à la télévision de Radio-Canada ainsi qu'à la radio (CKAC, CKVL), il consacrera l'essentiel des cinquante années qui suivent à l'écriture. Durant cette période, il signera des centaines de dramatiques pour la télévision et la radio. Il publiera également des pamphlets (Coups de gueule, 1965-66), des récits (Contes de la pluie et du beau temps, 1951; Le Feu sacré, 1970), des mémoires (Š Et je suis resté au Québec, 1974) et du théâtre (Isabelle, 1981), en plus d'occuper la fonction de critique dramatique au Journal des vedettes au début des années 1960.
Pionnier de la mise en scène au Québec et polémiste infatigable, Pierre Dagenais sera rapidement mis à l'écart du milieu théâtral. Ses prises de position en faveur du français normatif et d'une dramaturgie apolitique passeront pour réactionnaires alors même que le théâtre québécois des années 1970 deviendra ouvertement militant et que ses auteurs, avec le JOUAL, exploreront les ressources dramatiques de la langue populaire.