Contexte
Le scénario de Dead Ringers est tiré d’un roman de Bari Wood et Jack Geasland de 1977 traduit en français sous le titre de Faux semblants, une version fictionnelle de la véritable histoire de deux gynécologues, Stewart et Cyril Marcus, des vrais jumeaux, drogués aux barbituriques, trouvés morts dans leur appartement de Manhattan en 1975. L’adaptation du film commence en 1981 et plusieurs scénaristes et producteurs participent au projet avant l’arrivée de David Cronenberg.
Synopsis
Jeremy Irons joue le rôle des jumeaux Elliot et Beverly Mantle, deux brillants gynécologues spécialisés dans le domaine de la fertilité dont la proximité inhabituelle est telle qu’ils se font passer régulièrement l’un pour l’autre. Après avoir reçu en consultation Claire Niveau, une célèbre actrice dont l’utérus est déformé, un rôle interprété par Geneviève Bujold, Elliot prétend être Beverly et tente de séduire Claire. Cette dernière se laisse effectivement séduire et entame avec lui une relation perverse dans laquelle elle ne se contente pas de lui offrir son corps, mais l’initie également à la consommation de substances illicites. Les drogues libèrent la démence qui était tapie au plus profond des jumeaux et bien qu’Elliot tente de couvrir Beverly, la situation se dégrade rapidement pour s’enfoncer dans une spirale mortelle alimentée par la folie et les stupéfiants.
Analyse
Brillant quoiqu’émotionnellement froid, Dead Ringers pose des questions dérangeantes sur la nature de l’identité individuelle et explore des thèmes comme l’érotisme, le narcissisme, la misogynie et les dichotomies des psychés masculines et féminines. Bien que limité par les normes voulues par David Cronenberg, le film contient plusieurs morceaux de bravoure particulièrement impressionnants. Les opérations réalisées à la clinique Mantle à l’occasion desquelles les médecins et les infirmières sont vêtus de masques et de gants chirurgicaux rouge sang constituent ainsi des moments effroyables. Beverly a conçu et commandé une gamme d’instruments gynécologiques spéciaux pour traiter les femmes « mutantes ». Disposées sur un chariot, ses créations aux formes griffues produisent une véritable sensation d’effroi.
David Cronenberg est un maître des effets spéciaux. Traditionnellement, lorsqu’un acteur interprète deux personnages différents qui apparaissent à l’écran simultanément, l’écran est divisé, sans qu’on puisse s’en apercevoir, en deux parties. Lorsque les personnages échangent des répliques, la scène semble statique ou constituée d’une succession d’étapes. Dans Dead Ringers, David Cronenberg fait appel à des « divisions mobiles », se servant de la technologie informatique pour déplacer la position de la division de l’écran et de la caméra en même temps, ce qui lui permet de se mouvoir avec sa caméra au fur et à mesure que les personnages se déplacent et dialoguent, les jumeaux interprétés par Jeremy Irons apparaissant alors de façon convaincante comme deux personnes distinctes plutôt que comme le résultat d’une photographie truquée.
Réception critique
Premier film de David Cronenberg après The Fly qui a obtenu un immense en 1986 auprès du public et de la critique, Dead Ringers est largement distribué par Twentieth Century Fox dans plus de 1 000 salles dans toute l’Amérique du Nord. Toutefois, les entrées en salle sont modestes en dépit d’une bonne réception critique. Selon Janet Maslin, du New York Times : « [Le film constitue] le récit saisissant d’une désintégration physique et psychique articulé autour de l’interdépendance sans espoir des jumeaux qui vient bouleverser la perception qu’a le spectateur de la réalité. Il s’agit d’une réussite à la fois fascinante, perturbante et terrifiante. » Desson Howe, du Washington Post, écrit : « Regarder Dead Ringers, c’est un peu comme assister à une opération critique, on est à la fois désorienté et totalement absorbé. »
USA Today parle d’un film qui a vocation à devenir instantanément un « classique » et Jonathan Rosembaum, du Chicago Reader, évoque « un tour de force étonnant ». Sheila Benson, du Los Angeles Times, estime que Dead Ringers fait preuve « d’une assurance, d’une unité et d’une puissance vertigineuse qui le mettent au niveau de Blue Velvet de David Lynch », un film sorti en 1986. Dave Kehr, du Chicago Tribune, écrit : « [Dead Ringers]aurait gagné à être plus concentré et mieux proportionné sans chercher à véhiculer autant d’idées différentes; cependant, malgré ces bémols, il s’agit d’une œuvre qui demeure stupéfiante, magnétique et implacable ».
En 2005, Michael Atkinson, du Village Voice, décrit le film comme constituant le « discours programmatique » de David Cronenberg présentant sa « vision déstabilisante du monde », il ajoute : « Pourriez vous citer un autre film où le réalisateur prend autant de risques tout en réussissant à conduire d’une main assurée, de la première à la dernière image, un récit à couper le souffle, un film qui aurait autant à dire à propos de la fraternité et du caractère éphémère de l’enveloppe charnelle de l’homme? »
Distinctions et héritage
Généralement considéré comme le meilleur film de David Cronenberg, Dead Ringers récolte dix prix Génie, notamment dans les catégories Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur acteur dans un rôle principal et Meilleur scénario adapté. La performance de Jeremy Irons, qui lui vaut des récompenses de meilleur acteur des associations de critiques de films de Los Angeles, Chicago et New York, est largement applaudie.
La réputation du film ne fait que s’accroître année après année. Le film n’est pas intégré dans la liste des dix meilleurs films canadiens de tous les temps établie par le TIFF en 1993; toutefois, il occupe le sixième rang de cette même liste dans sa version de 2004. Il se classe également au 95e rang de la liste des 100 films les moins conformistes créée par Rolling Stone en 1999, à la 20e place du classement des 25 films les plus effrayants de tous les temps publié par Entertainment Weekly, également en 1999, et 34e du palmarès des 50 meilleurs films d’horreur de Total Film.
En 2007, Dead Ringers occupe le 22e rang de la liste des 25 films les plus « dangereux » jamais réalisés constituée par le magazine Premiere, ces films étant définis comme des « expériences galvanisantes mettant sans détour le spectateur face à toutes ces choses dont Hollywood suppose que le public ne veut pas entendre parler lorsqu’il va au cinéma… autrement dit des expériences souvent désagréables, mais qui permettent d’élargir le champ de la conscience individuelle ». En 2016, le film esthistoire du cinéma canadien dans le cadre d’un sondage auprès de 200 professionnels des médias mené par le TIFF, Bibliothèque et Archives Canada, la Cinémathèque québécoise et la Cinematheque de Vancouver en prévision des célébrations entourant le 150e anniversaire du Canada en 2017.
Voir aussi Longs métrages canadiens.
Récompenses
Prix Génie 1989
Meilleur réalisateur (David Cronenberg)
Meilleure direction artistique (Carol Spier)
Meilleure photographie (Peter Suschitzky)
Meilleur montage (Ronald Sanders)
Meilleur son (Bryan Day, Don White, Andy Nelson)
Meilleur montage sonore (Terry Burke, Wayne Griffin, David Evans, Rick Cadger, David Giammarco)
Meilleur scénario adapté (Norman Snider, David Cronenberg)
Meilleur film (Marc Boyman, David Cronenberg)
Meilleure musique originale (Howard Shore)
Meilleur acteur (Jeremy Irons)
Autres
Meilleur acteur (Jeremy Irons), prix du New York Film Critics Circle (1988)
Prix de la C.S.T., Festival du film fantastique d’Avoriaz (1989)
Grand prix, Festival du film fantastique d’Avoriaz (1989)
Meilleur acteur (Jeremy Irons), prix de l’Association des critiques de films de Chicago (1989)
Meilleur acteur (Jeremy Irons), Fatasporto (1989)
Meilleur réalisateur étranger, Golden Horse Film Festival (1989)
Meilleur réalisateur, prix de l’Association des critiques de films de Los Angeles (1989)