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Droit de la mer

Pendant presque 300 ans, le droit de la mer a été régi par les principes du droit coutumier. Les États côtiers revendiquaient la souveraineté sur une étroite bande de mer territoriale au-delà de laquelle régnait le principe fondamental de la liberté de la mer.

Droit de la mer

Pendant presque 300 ans, le droit de la mer a été régi par les principes du droit coutumier. Les États côtiers revendiquaient la souveraineté sur une étroite bande de mer territoriale au-delà de laquelle régnait le principe fondamental de la liberté de la mer. Cette liberté s'entendait alors de la liberté de naviguer, de pêcher, de commercer, de voyager, de faire la guerre ou d'effectuer des recherches. En 1967, répondant à un besoin pressenti de changer le droit de la mer, l'Organisation des Nations Unies a entamé des négociations multilatérales complexes et difficiles. Cette entreprise ambitieuse a pris la forme d'une conférence (en plusieurs sessions), étalée sur une période de 15 ans, qui a donné lieu à un régime général de règles du droit concernant la mer appelé la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Bien avant son entrée en vigueur le 16 novembre 1994, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer a suscité des développements significatifs en la matière. Le Canada l'a signée en décembre 1982 et l'a ratifiée en novembre 2003. Bordé par le plus long littoral au monde, le Canada possède tout un éventail d'intérêts maritimes et un intérêt fondamental dans le nouveau droit de la mer. Aussi a-t-il joué un rôle de premier plan dans l'élaboration de la Convention.

Plus récemment, le Canada a centré son attention sur les questions concernant la mer territoriale, les ressources halieutiques et minérales, le milieu marin, le passage par les détroits internationaux et le contrôle des eaux arctiques. De 1956 à 1977, il a tour à tour revendiqué la mer territoriale traditionnelle de 3 milles, une mer territoriale de 12 milles, puis la compétence exclusive sur la pêche dans une zone de 200 milles au large de ses côtes et sur les ressources minières de son plateau continental. Il a accepté la notion de zone économique exclusive de 200 milles que les négociations menant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer avaient permis de dégager. Selon la Convention, l'État côtier jouit, dans la zone économique exclusive de 200 milles, de droits souverains pour l'exploitation des ressources naturelles et de certains droits en ce qui concerne la préservation du milieu marin et la recherche scientifique marine. Même s'il n'a pu obtenir de droits préférentiels lui permettant d'exploiter les stocks de poissons au-delà de la zone des 200 milles, le Canada a obtenu la reconnaissance de son intérêt primordial dans la conservation et la gestion des espèces anadromes (p. ex. le saumon) dans tout leur territoire de migration.

Protection des stocks de poissons

Les difficultés liées à la protection des stocks de poissons se trouvant au-delà de la zone économique exclusive canadienne de 200 milles marins sont devenues évidentes ces dernières années lorsqu'il est apparu que la surpêche menaçait d'extinction le flétan noir. En mars 1995, des agents du ministère canadien des Pêches et Océans, sous l'autorité de la Loi sur la protection des pêches côtières, ont arraisonné un navire de pêche espagnol qui pêchait le flétan noir dans les eaux internationales au large de Terre-Neuve.

L'Espagne a traduit le Canada devant la Cour internationale de Justice prétendant, entre autres, qu'il avait violé le droit coutumier de pêcher en haute mer, un droit codifié par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. L'une des conséquences importantes de cette controverse entourant la pêche du flétan noir a été l'Accord de pêche des Nations Unies sur la conservation et la gestion des stocks de poissons chevauchants et fortement migrateurs conclu récemment. Cet Accord reconnaît aux États côtiers comme le Canada le pouvoir de contrôler directement la surpêche des stocks migrateurs comme la morue et le flétan noir.

Réservation du fond des mers

Le Canada a appuyé l'idée innovatrice découlant de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer selon laquelle le fond des mers doit être réservé à des fins pacifiques et désigné « patrimoine commun de l'humanité ». La Convention prévoit un mécanisme international pour contrôler et exploiter ce fond des mers international. Tout au long des négociations qui ont mené à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, le Canada était particulièrement préoccupé par les effets négatifs que pouvait avoir l'exploitation minière des grands fonds marins sur sa production terrestre de nickel. La Convention comporte une formule qui, limitant la production en milieu marin par rapport à la production terrestre, accorde une certaine protection à l'industrie minière canadienne.

Réagissant aux États qui avaient la capacité de se livrer à l'exploitation minière des grands fonds marins et qui, jusqu'au début des années 90, n'avaient pas ratifié la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, le 28 juillet 1994, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté l'Accord relatif à l'application de la partie XI de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (exploitation minière des fonds marins). Bien que le nouvel accord vise à faciliter la participation universelle à la Convention, particulièrement celle des États qui sont en mesure de procéder à l'exploitation minière des grands fonds marins, il limite l'application pleine et entière du régime d'exploitation minière des grands fonds marins à une époque où cette exploitation deviendra économiquement viable en fonction des orientations fondées sur l'économie de marché.

L'archipel Arctique

Le Canada a soutenu que les eaux de l'archipel arctique, y compris le Passage du Nord-Ouest, faisaient partie de ses eaux intérieures. Pour appuyer cette prétention, il a adopté, en 1970. la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, qui accorde au gouvernement canadien des droits sur une zone de lutte contre la pollution s'étendant jusqu'à 100 milles au-delà du périmètre de l'archipel. Malgré les protestations des États-Unis, le Canada a maintenu sa revendication sur les eaux de l'Arctique. Pendant les négociations menant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, il a d'ailleurs participé activement à une campagne visant à conférer aux États côtiers le droit de prescrire les normes en matière de lutte contre la pollution et de les appliquer. Même si la Convention ne reconnaît aux États côtiers que des pouvoirs limités en matière de protection de l'environnement, elle comporte cependant ce que l'on appelle l' « exception de l'Arctique », laquelle autorise le Canada à adopter des mesures de lutte contre la pollution dans les zones recouvertes par les glaces.

Pollution du milieu marin

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer a mis en évidence la question de la pollution du milieu marin en établissant un régime général de coopération mondiale et régionale en vue de la protection et de la conservation du milieu marin. La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement tenue à Rio de Janeiro en 1992 vient renforcer les principes établis par la Conférence de Stockholm et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. La Conférence de Rio érige formellement le développement durable en principe du droit international et souscrit aux principes énoncés dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. L'absence dans ces accords de mécanismes d'application efficaces constitue un frein considérable au progrès dans ce domaine.

Le Canada a tenté de renforcer sa revendication dans l'Arctique en s'assurant que le passage du Nord-Ouest ne soit pas assujetti aux règles applicables aux passages par les détroits internationaux. Il a toujours soutenu que ce passage ne constituait pas un détroit et, donc, que le droit de « passage en transit » (à savoir le droit de naviguer librement par le passage) ne pouvait être revendiqué. En 1985, réagissant directement au voyage du brise-glace américain Polar Sea qui avait traversé le passage du Nord-Ouest, le Canada a annoncé sa décision d'exercer sa pleine souveraineté sur les eaux de l'archipel Arctique.

Les revendications extracôtières canadiennes chevauchent celles de trois autres pays en six endroits différents : avec le Danemark, dans la région qui sépare le Groenland de l'Arctique canadien; avec la France, dans la zone située entre Terre-Neuve et les îles Saint-Pierre-et-Miquelon; et avec les États-Unis, dans le détroit de Juan de Fuca, l'entrée Dixon, la mer de Beaufort et le golfe du Maine. Le différend concernant la délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Maine, qui portait sur des revendications contradictoires sur le Banc Georges, une zone riche en ressources minières, a été soumis à une chambre spéciale de la Cour internationale de Justice. En 1984, elle a rendu une « solution équitable », fixant toute la frontière maritime entre le Canada et les États-Unis dans une grande partie du golfe du Maine.

Frontières maritimes

Une sentence arbitrale a tranché en 1992 le différend canado-français à l'égard de l'emplacement des frontières maritimes des îles Saint-Pierre-et-Miquelon. L'arbitre canadien a marqué sa dissidence au motif que le jugement était contraire à l'exigence du droit international qui veut qu'un tribunal chargé de délimiter une frontière maritime doive appliquer des principes d'equity pour parvenir à une décision équitable. Le conflit frontalier avec le Groenland a été réglé par une entente avec le Danemark, laquelle trace une ligne médiane rajustée à travers le plateau continental entre les deux pays. Les autres frontières maritimes entre le Canada et les États-Unis ne sont toujours pas délimitées.

Même si la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ne lie que les États signataires, il reste qu'en pratique certains États s'y conforment. Toutefois, de nombreux pays attendent que la Convention soit ratifiée par des pays importants, comme la Russie et les États-Unis. Le 22 novembre 1994, les États signataires de la Convention décident de reporter au 1er août 1996 la première élection des juges du Tribunal international du droit de la mer.