Débuts
Duncan Campbell Scott est le fils de Janet Scott (née McCallum) et du prédicateur méthodiste William Scott. Après avoir grandi dans le village ontarien de Smiths Falls, il part à Standstead, au Québec, pour effectuer ses études préuniversitaires.
Le jeune homme veut devenir médecin, mais sa famille n’a pas les moyens financiers pour réaliser son rêve. Son père utilise plutôt ses contacts en politique pour trouver un emploi à son fils au département fédéral des Affaires indiennes (maintenant Affaires autochtones et du Nord Canada). À 17 ans, il est embauché à titre de commis.
Carrière en musique et au théâtre
Dès son jeune âge, Duncan Campbell Scott démontre un intérêt pour la musique et devient un pianiste de talent. Le professeur d’anglais Oscar Pelham Edgar suggère d’ailleurs que cet amour de la musique aurait influencé le style d’écriture de Duncan Campbell Scott, allant jusqu’à affirmer que quelques-uns de ses poèmes simulent « le mouvement d’une sonate ».
Pendant un temps, Duncan Campbell Scott est président de l’Orchestre symphonique d’Ottawa et de la troupe de théâtre d’Ottawa. Il participe aussi à la fondation de l’Ottawa Little Theatre et du Dominion Drama Festival (voir aussi Mouvement du théâtre amateur). Sa pièce en un acte, Pierre, est jouée à l’Ottawa Little Theatre en 1923 et publiée trois ans plus tard dans l’anthologie Canadien Plays from Hart House Theatre (1926). (Voir aussi Hart House.)
Dans son cercle social, Duncan Campbell Scott compte de nombreux peintres reconnus, dont Edmund Morris, Lawren Harris et Clarence Gagnon.
Carrière d’écrivain
Fiction
Vers la fin des années 1880, Duncan Campbell Scott contribue régulièrement au Scribner’s Magazine, un périodique américain imprimé de 1887 à 1939. En collaboration avec les poètes canadiens Archibald Lampman et Wilfred Campbell, il publie une série d’essais informels, intitulée « At the Mermaid Inn », dans une rubrique du Toronto Globe de 1892 à 1893. Ces essais sont publiés sous forme de livre en 1979 (voir aussi Globe and Mail).
In the Village of Viger (1896), quant à lui, est un recueil de nouvelles portant sur la vie rurale dans un village canadien-français. Deux autres recueils écrits par Duncan Campbell Scott, The Witching of Elspie (1923) et The Circle of Affection (1947), présentent des nouvelles situées en contrées sauvages.
En 1905, pour le compte de The Makers of Canada (une série d’ouvrages proposant une histoire du Canada inspirée par d’éminents personnages politiques), Duncan Campbell Scott écrit la biographie de John Graves Simcoe. En 1947, il publie un ouvrage sur l’artiste Walter Joseph Phillips.
Le poète écrit également une œuvre de fiction en 1905, mais celle-ci n’est publiée qu’en 1979 sous le titre The Untitled Novel. En 2001, The Uncollected Short Stories of Duncan Campbell Scott propose une anthologie de toutes les nouvelles qu’il a écrites.
Duncan Campbell Scott écrit aussi pour le théâtre, notamment Pierre (présentée en 1921), Prologue (1923) et Joy! Joy! Joy! (1927).
Poésie
En 1893, l’écrivain publie son premier recueil de poésie, The Magic House and Other Poems. Sept autres recueils y font suite : Labor and the Angel (1898), New World Lyrics and Ballads (1905), Via Borealis (1906), Lundy’s Lane and Other Poems (1916), Beauty and Life (1921), The Poems of Duncan Campbell Scott (1926) et The Green Cloister (1935). L’ouvrage The Circle of Affection (1947), bien que principalement écrit en prose, contient aussi un certain nombre de poèmes inédits (voir aussi Poésie de langue anglaise).
Duncan Campbell Scott édite également de nombreux poèmes d’Archibald Lampman après la mort de ce dernier, en 1899 : The Poems of Archibald Lampman (1900) et Lyrics of the Earth: Poems and Ballads (1925). C’est d’ailleurs ce dernier, un collègue poète et ami proche, qui encourage Duncan Campbell Scott à s’essayer à la poésie dans les années 1880.
S’il se plaint que ses œuvres sont boudées par ses contemporains, Duncan Campbell Scott figure néanmoins dans de nombreuses anthologies d’importance dédiées à la poésie canadienne. En effet, l’auteur est souvent placé avec les « poètes de la Confédération », un groupe de poètes anglophones du 19e siècle nés dans la décennie de la Confédération et dont les œuvres ont jeté les bases d’une tradition poétique au Canada.
Malgré tout, les représentations littéraires que Duncan Campbell Scott fait des Premières Nations dans ses œuvres poétiques et de fiction suscitent la controverse. En effet, dans des textes comme le sonnet « The Onondaga Madonna », en 1894, il présente ses sujets autochtones comme nobles, mais « maudits ». Le stéréotype du « noble sauvage » est utilisé par beaucoup des contemporains du poète pour donner aux Autochtones l’image d’un peuple indompté, mais pur. Les écrivains du tournant du 20e siècle, notamment Northtrop Frye, sont nombreux à noter la cruelle ironie entre la tristesse poétique que Duncan Campbell Scott exprime envers ces cultures mourantes et son travail au ministère des Affaires indiennes, dans le cadre duquel il a tout fait en son possible pour les éradiquer, principalement par le système de pensionnats autochtones.
Ministère des Affaires indiennes
Après avoir joint les rangs du ministère fédéral des Affaires indiennes, en 1879, Duncan Campbell Scott gravit les échelons pour devenir superintendant adjoint en 1913, un mandat qu’il défend jusqu’en 1932. Grâce à cette nomination, il devient le membre du cabinet le plus haut placé en ce qui a trait aux affaires autochtones. Il joue d’ailleurs un rôle central non seulement dans la négociation du Traité no 9 (Traité de la baie James), mais également dans l’expansion du système de pensionnats autochtones.
Traité no 9
Pendant les étés 1905 et 1906, Duncan Campbell Scott est l’un des commissaires du gouvernement fédéral attitrés au Traité no 9. Il se rend donc dans le nord de l’Ontario pour rencontrer les chefs cris et ojibwés et leur expliquer les clauses du Traité (voir aussi Traités numérotés).
En échange d’une signature, les peuples autochtones se font promettre des réserves, de l’argent, une éducation (fournie plus tard par les pensionnats autochtones) et le droit de chasse et de pêche, tandis que le gouvernement obtient le droit d’ouvrir la région à des projets de développement comme l’exploitation minière et forestière, la construction de chemins de fer, l’immigration et le commerce. Du point de vue des Autochtones, le Traité se veut une entente de partage du territoire. Pour le gouvernement, il s’agit plutôt de la cession des titres fonciers autochtones (voir aussi Traités autochtones au Canada).
Beaucoup des descendants des signataires cris et ojibwés croient que leurs ancêtres ont ratifié le Traité sur la base de fausses informations. Ils arguent notamment que la version écrite du Traité no 9 n’inclut pas toutes les protections et concessions auxquelles Duncan Campbell Scott et les autres représentants du gouvernement ont consenti verbalement.
Le rapport officiel du commissaire du 12 juillet 1905, par exemple, indique qu’après que les chefs cris et ojibwés ont montré leur réticence à signer le Traité parce qu’il menaçait leur mode de vie traditionnel, les commissaires leur ont dit qu’« ils pourraient continuer à vivre comme leurs aïeux et eux-mêmes l’ont toujours fait ». De façon plus spécifique, les peuples autochtones « ont été assurés qu’il n’est pas question de céder leur territoire de chasse, et qu’ils pourront continuer de pêcher et de chasser partout au pays ». Or, le texte du Traité révèle que les droits au territoire sont limités. Le gouvernement peut exclure « des étendues [de terre] lorsque nécessaire ou de temps en temps à des fins de colonisation, d’exploitation minière ou forestière, de commerce ou autres ».
Les Premières Nations impliquées dans le Traité no 9 maintiennent qu’elles n’ont jamais cédé leur droit ancestral au territoire. Par conséquent, elles affirment que le gouvernement doit demander leur consentement avant d’entreprendre tout projet de développement des ressources ou autre sur leur territoire.
Pensionnats autochtones
Duncan Campbell Scott joue un rôle crucial dans l’expansion du système de pensionnats autochtones au Canada. Les enfants qui fréquentent ces écoles sont souvent arrachés de force à leur famille, et n’ont plus le droit d’utiliser leur langue ni de pratiquer leur culture. Beaucoup de ces enfants subissent également des abus physiques, psychologiques et sexuels entre les murs de ces établissements (voir aussi Je ne pouvais pas oublier : réflexions sur la vérité et la réconciliation).
En 1907, le Dr Peter Henderson Bryce, médecin hygiéniste en chef du Canada, soumet un rapport au ministère des Affaires indiennes (souvent appelé « Rapport Bryce », mais officiellement le Report on the Indian Schools of Manitoba and the North-West Territories), qui révèle que les conditions de vie insalubres et surpeuplées dans les pensionnats promeuvent la prolifération des maladies. C’est notamment le cas de la tuberculose, qui tue de nombreux élèves autochtones. Malgré ces révélations-chocs, Duncan Campbell Scott ignore le Rapport. En 1920, il modifie la Loi sur les Indiens pour forcer tous les enfants autochtones de 7 à 15 ans à fréquenter les pensionnats autochtones.
Selon l’écrivain Mark Abley, on attribue souvent à Duncan Campbell Scott, à tort, une citation selon laquelle l’objectif des pensionnats autochtones serait de « tuer l’Autochtone dans l’enfant ». L’écrivain, en effet, crédite plutôt la phrase à un officier américain. Le superintendant n’a peut-être pas prononcé ces mots, mais il en a utilisé des semblables en 1920, un peu avant que sa modification à la Loi sur les Indiens ne prenne effet :
Je veux me débarrasser du problème autochtone. Je ne crois pas, justement, que ce pays doive continuer à protéger une classe de personnes parfaitement capables de se prendre en charge. Voilà tout l’objet de mon propos… Notre objectif est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Autochtone au Canada qui n’ait pas été assimilé dans le corps politique, qu’il n’y ait plus de question autochtone ni de ministère des Affaires indiennes. Voilà l’objectif du projet de loi.
Vie personnelle
Duncan Campbell Scott épouse la violoniste américaine Belle Warner Botsford en 1894. Ensemble, ils ont une fille, Elizabeth Scott, qui meurt à l’âge de 12 ans. Après la mort de son épouse en 1929, Duncan Campbell Scott se remarie deux ans plus tard à la poète Elise Aylen. Après sa retraite, il voyage beaucoup, tant au Canada qu’aux États-Unis et en Europe.
Héritage
Tout au long de sa vie, Duncan Campbell Scott est bien vu par la société canadienne. Il reçoit des doctorats honorifiques et de nombreuses autres distinctions, et son travail comme poète est publié dans une foule d’anthologies de poésie canadienne. Cela étant dit, à mesure que la teneur de ses politiques envers les Autochtones est dévoilée au grand jour, à la fin du 20e siècle et au début du 21e siècle, son héritage a de plus en plus terni. En 2015, la Commission de vérité et de réconciliation du Canada déclare que le système de pensionnats autochtones a mené à un « génocide culturel ». La même année, la plaque commémorant sa vie près de sa tombe, au cimetière Beechwood, à Ottawa, est changée pour mentionner son rôle dans la création et l’expansion des pensionnats : « En tant que superintendant adjoint, Duncan Campbell Scott a supervisé l’assimilation des enfants autochtones par le système de pensionnats autochtones, affirmant que son objectif était de ’’se débarrasser du problème autochtone’’. »
Honneurs
- Membre de la Société royale du Canada (1899), élu président (1921)
- Doctorat honorifique en lettres, Université de Toronto (1922)
- Médaille Lorne Pierce, Société royale du Canada (1927)
- Compagnon de l’Ordre de Saint-Michel et Saint-Georges (1934)
- Doctorat honorifique en droit, Université Queen’s (1939)