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Elijah Smith

Edward Elijah Smith (« Ta Me » en tutchone du sud), C.M., militant des Premières Nations et chef (né le 12 juillet 1912 à Champagne, au Yukon; décédé le 22 octobre 1991 près de Finlayson Lake, au Yukon). Edward Elijah Smith a été actif dans plusieurs groupes de Premières Nations, et en février 1973, avec des représentants de la Yukon Native Brotherhood, il a présenté au gouvernement du Canada un important document, « Together Today for Our Children Tomorrow », qui est considéré par beaucoup comme un point tournant pour le règlement de la question des droits autochtones au Canada.

Jeunesse

Elijah Smith, le fils d’Annie Ned, passe toute sa vie au Yukon, à l’exception de six années qu’il passe en Angleterre au sein de l’Armée canadienne, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Son expérience de la guerre transforme ses idées sur l’égalité, le sort des Premières Nations et l’importance de protéger leurs territoires et leur mode de vie. Dès son retour au Canada après la guerre, Elijah Smith renoue avec son mode de vie autochtone traditionnel, pratiquant la chasse, la pêche et la trappe. Ce n’est que dans la cinquantaine qu’il accède à des fonctions de chef, non sans réticences au début, selon son fils Steve.

Militant politique

Vers le milieu des années 1960, les Premières Nations du Yukon craignent de perdre leur identité culturelle et commencent à s’organiser. Elijah Smith se présente aux audiences que le gouvernement fédéral organise à Whitehorse à la suite de la publication du Livre blanc de 1969, dont le nom officiel est « La politique indienne du gouvernement du Canada, 1969 ».

Le Livre blanc de 1969 est une proposition du premier ministre Pierre Elliott Trudeau et du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Jean Chrétien. Il recommande des mesures radicales, comme l’abolition des documents juridiques existants sur les peuples autochtones du Canada, incluant la Loi sur les Indiens et les traités, et l’assimilation complète des « Indiens » dans la nation canadienne.

Réagissant à cette publication, Elijah Smith et une délégation de chefs du Yukon se rendent à Ottawa pour rencontrer le premier ministre Pierre Elliott Trudeau. Pendant la réunion, Elijah Smith déclare : « Nous, les Indiens du Yukon, nous objectons à être traités comme des squatters dans notre propre pays […] Nous croyons que les (non autochtones) du Nord nous doivent beaucoup et nous aimerions que le gouvernement du Canada voie à ce que nous obtenions un règlement juste pour l’utilisation du territoire. Il n’y a pas de traité signé dans ce pays, et ils me disent que la terre appartient toujours aux Indiens. »

À la réunion, Elijah Smith présente aussi à Pierre Elliott Trudeau le document « Together Today for our Children Tomorrow: A Statement of Grievances and an Approach to Settlement by the Yukon Indian People » (Ensemble aujourd’hui pour nos enfants demain : un énoncé des griefs et une approche d’un règlement pour les peuples indiens du Yukon).

Le saviez-vous?
Au Canada, un livre blanc est un document approuvé par le Cabinet qui expose un problème et propose une législation pour y répondre. Son but est de tester la réaction du public à une nouvelle politique gouvernementale. Le livre blanc de 1969 est le plus controversé jamais publié.


Leader autochtone

Elijah Smith est président fondateur de la Yukon Native Brotherhood, un dirigeant et un des fondateurs du Council for Yukon Indians (aujourd’hui Conseil des Premières nations du Yukon) et représentant du Yukon dans la Fraternité nationale des Indiens. Il est aussi chef de la Première Nation de Kwanlin Dün. (Plus tard, ses fils, Mike et Steve seront élus chef eux aussi.)

En avance sur son temps, Elijah Smith a affirmé la nécessité d’une union des Premières Nations bien avant que cette idée soit largement acceptée. En 1993, 20 ans après avoir dirigé une délégation des représentants des Premières Nations du Yukon à Ottawa, un Accord-cadre définitif est signé. Ceci prépare le chemin pour la finalisation des nouveaux traités avec chacune des 14 Premières Nations du Yukon.

Honneurs

Le 14 janvier 1976, Elijah Smith est reçu dans l’Ordre du Canada « pour son dévouement envers son peuple et sa capacité de régler pacifiquement des griefs ». Il est investi le 7 avril 1976. (Sa mère, Annie Ned, sera elle aussi reçue membre de l’Ordre du Canada en 1989 pour avoir consacré sa vie à « préserver et promouvoir la culture et la langue de son peuple ».)

Le 29 mai 1991, l’Université de Colombie-Britannique décerne à Elijah Smith un doctorat honorifique en droit. On peut lire dans sa citation :

Les Premières Nations du Canada font preuve aujourd’hui d’un regain d’affirmation et de fierté après des années d’oppression de la part des premiers colons européens. Dans une grande mesure, ce renouveau est le fruit des efforts de personnes comme Elijah Edward Smith. […] Son travail pour unir les Premières Nations du Yukon a été inspirant. […] Il a défendu avec conviction la nécessité d’une union des peuples de Premières Nations bien avant que cette idée ne soit largement acceptée. C’est grâce à son talent et à sa diplomatie que le gouvernement fédéral a accepté, en 1973, d’entamer des négociations concernant une revendication territoriale au Yukon, une décision qui renversait la précédente politique fédérale et créait un précédent pour toutes les négociations de revendications territoriales qui ont suivi […]. On l’a décrit comme un homme dévoué et avisé, s’exprimant sans détour avec une modestie qui le rendait accessible à quiconque. Nous pourrions tous gagner à suivre l’exemple que cet homme a établi.


Décès

Le 22 octobre 1991, Elijah Smith conduisait sa camionnette sur le Robert Campbell Highway (autoroute 4) au kilomètre 261, près de Finlayson Lake, quand il a perdu le contrôle de son véhicule sur la route glacée. Il a été tué quand son véhicule a fait un face-à-face avec un camion semi-remorque.

Reconnaissance

En 1992, l’édifice principal des bureaux du gouvernement du Canada à Whitehorse a été baptisé Elijah Smith Building. La même année, l’école élémentaire Elijah Smith a ouvert ses portes à Whitehorse.

En 2020, les Premières Nations de Champagne et Aishihik ont présenté la candidature d’Elijah Smith pour apparaître sur le nouveau billet canadien de cinq dollars, qui remplacera la version de 2013 montrant le premier ministre sir Wilfrid Laurier. On pouvait lire dans la candidature : « Smith a été le plus influent leader d’une Première Nation du Yukon et a été à l’avant-garde de la réconciliation au Canada. »

Parmi une liste de 600 candidats suggérés par presque 45 000 Canadiens et Canadiennes, une liste restreinte de huit personnes a été sélectionnée par un conseil consultatif indépendant en 2020. Elijah Smith n’y figure pas, mais quatre des personnes nominées sont des Autochtones. Le choix final appartiendra au ministre des Finances.