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Un message d’Anthony Wilson-Smith, éditeur
L’Encyclopédie canadienne, publiée par Historica Canada, offre plus de 19 000 articles consacrés exclusivement à la vie dans ce pays. Publiée dans les deux langues officielles, cette banque d’information semble être la seule encyclopédie de ce type accessible aujourd’hui dans le monde. Le nombre et la portée des articles publiés augmentent chaque jour, à l’image du pays auquel ils sont consacrés. L’histoire de L’Encyclopédie est quant à elle beaucoup plus simple à relater. Sans Mel Hurtig, son créateur, qui malgré tous les obstacles est parvenu à la faire naître, L’Encyclopédie n’existerait pas aujourd’hui.
Au cours de la dernière année, L’Encyclopédie – en ligne depuis 2001 – a vu passer environ 10 millions d’utilisateurs et plus de 43 millions de ses pages ont été vues. Ces chiffres prouvent de manière irréfutable l’intérêt que portent les Canadiens à leur pays et leur soif d’accès à des informations précises en la matière. Lorsque M. Hurtig commence à réfléchir à une encyclopédie au début des années 1970, cet enthousiasme n’est cependant pas évident pour tout le monde. Dans ses mémoires – dont une partie est intitulée à juste titre The Perils of Publishing (les écueils de la publication) –, il relate sa visite d’une école en Saskatchewan et la situation dans laquelle il trouve alors la bibliothèque : « Les rayons contenaient très peu de livres canadiens. Tous les livres de référence et toutes les encyclopédies étaient des ouvrages américains […]. Le contenu canadien offert dans les trois encyclopédies américaines était désespérément inadéquat […] et souvent plein d’erreurs flagrantes. »
M. Hurtig, qui résida longtemps à Edmonton et y fut propriétaire d’une librairie populaire avant de se lancer dans l’édition, fit alors le vœu de remédier à cette situation, et il y est parvenu. Compte tenu de son ampleur, son projet a souvent été décrit comme étant « le plus vaste projet d’édition de l’histoire canadienne ». Le budget initial, en dollars de 1970, approchait les 2,6 millions de dollars. Avec ces fonds, Mel Hurtig prévoit à l’époque de produire « un volume relié de 1744 pages, contenant environ trois millions de mots et agrémenté de quelque deux cents cartes, diagrammes et dessins en noir et blanc ». Dans un pays où l’industrie de l’édition considère qu’un livre vendu à plus de 5 000 exemplaires est un succès, il prévoit d’imprimer dans un premier temps 100 000 copies.
Il dépassera de loin son objectif. Le gouvernement de l’Alberta, avec à sa tête le premier ministre Peter Lougheed, lui accorde 4 millions de dollars. L’équipe de L’Encyclopédie emploiera jusqu’à 40 personnes à plein-temps, réparties dans tout le Canada. Mel Hurtig met de plus sur pied une liste de contributeurs de prestige tels que Margaret Atwood, Peter C. Newman, Marc Laurendeau, David Suzuki et le rédacteur fondateur James Marsh, qui supervisera l’encyclopédie jusqu’à son départ à la retraite en 2013. La première édition, publiée en 1985, rencontre immédiatement un énorme succès. Le volume est vendu au prix sans précédent de 125 dollars, bien que quelques libraires décident de l’offrir à 175 dollars. En l’espace de quatre jours, 154 000 exemplaires de l’encyclopédie seront ainsi vendus. Les commandes s’accumulent rapidement pour 40 000 autres copies. Une deuxième édition révisée, en quatre volumes, est publiée en 1988. Au total, ces deux éditions seront vendues à plus de 250 000 exemplaires. Deux ans plus tard, Mel Hurtig enchaîne avec la création d’une encyclopédie junior (Junior Encyclopedia) destinée plus particulièrement aux jeunes gens.
M. Hurtig, selon ses propres mots, est plus motivé par le succès de ses projets que par les éventuels gains financiers qu’il pourra en tirer. Au début des années 1990, lorsque les éditeurs de livres canadiens sont confrontés à une série de défis, sa maison d’édition traverse une période difficile. En 1991, Avie Bennett, propriétaire de McClelland & Stewart, achète la société, y compris L’Encyclopédie. Huit ans plus tard, M. Bennett – l’un des fondateurs et président de Historica – cède L’Encyclopédie à notre organisation. Après la disparition de M. Hurtig, M. Bennett déclare : « J’ai toujours admiré le nationalisme désintéressé de Mel. J’étais fier d’être en mesure d’assurer la pérennité de ce formidable cadeau qu’il a fait à notre pays ».
Aujourd’hui, L’Encyclopédie canadienne, qui a été reformatée en 2013 et offre depuis des documents audio et vidéo, fait aujourd’hui travailler 13 rédacteurs à plein-temps. Son public continue de croître de manière exponentielle, jusqu’à 700 % l’année dernière dans certaines catégories de lectorat. Trente ans après la première concrétisation du rêve de M. Hurtig, son projet continue d’aller de l’avant. Il s’adapte aux nouveaux médias tout en restant fidèle à la vision première de son créateur. Lorsque M. Hurtig vend sa société, il y a 25 ans, le quotidien de sa ville natale, l’Edmonton Journal, écrit que le Canada « perd le bienfaiteur qui a créé L’Encyclopédie canadienne et The Junior Encyclopedia […] deux précieux ouvrages pour une nation qui n’a qu’une vague idée de ce qu’elle est ». Cette perte est devenue encore plus réelle avec la disparition de M. Hurtig, mais grâce à lui, des millions de Canadiens sont aujourd’hui plus conscients et plus convaincus des vertus et des succès de notre pays.
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Extrait de l’avant-propos de la plume même de Mel Hurtig dans la première édition de L’Encyclopédie canadienne
« Vous qui lisez ces mots, sachez que quelque 5 000 Canadiens ont participé à la création de ces volumes. Des articles ont été écrits dans chaque province et chaque territoire […] Il aura fallu dix mois pour imprimer, relier et emballer ces volumes de référence. Comme c’est le sort de toute encyclopédie, certaines informations ont changé avec le cours des événements durant ce laps de temps. Dans l’avenir, les encyclopédies telles que celle-ci continueront certainement à être disponibles sous la forme de livres, mais très bientôt, L’Encyclopédie canadienne devrait aussi être offerte sous forme électronique et être ainsi accessible par l’intermédiaire de la télévision, de l’ordinateur personnel, du téléphone ou peut-être de disques vidéo numériques, et bénéficier du même coup de mises à jour rapides.
« Il n’est pas facile de prédire l’avenir de L’Encyclopédie canadienne. Si cette édition est bien reçue et s’accompagne d’une réussite financière, une deuxième édition révisée, élargie et mise à jour sera probablement publiée en 1988 et, nous l’espérons, à intervalle régulier par la suite. À l’heure où j’écris ces mots, une deuxième édition est déjà en gestation.
« Rétrospectivement, nous nous rendons compte aujourd’hui que l’objectif que nous nous étions fixé en 1979 était beaucoup plus difficile à réaliser que prévu. Si nous y avions eu accès d’une manière ou d’une autre, nous aurions peut-être pu dépenser des millions de dollars supplémentaires en développement et passer plusieurs années de plus à la rédaction.
« Notre intention, depuis le tout début, était cependant de créer une encyclopédie canadienne de haut niveau, mais accessible au public pour un prix modeste de manière à ce que chaque foyer canadien puisse en acquérir un exemplaire. Nous sommes satisfaits d’avoir atteint cet objectif et d’avoir créé un ouvrage de référence utile sur notre pays. J’espère sincèrement que vous serez satisfait à la lecture de la nouvelle encyclopédie nationale du Canada et que cet ouvrage contribuera largement à la compréhension mutuelle des Canadiens et à la fierté que nous éprouvons à l’égard de notre pays. »
— Mel Hurtig, 1985
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Au sujet de Mel Hurtig et L'Encyclopédie canadienne:
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