De 1991 à 2008, Danielle Goyette, née à Saint-Nazaire d’Action, au Québec, était une attaquante élite de l’équipe nationale féminine de hockey du Canada. Pendant sa brillante carrière dans le monde du hockey, Danielle Goyette a remporté deux médailles d’or aux Jeux olympiques d’hiver et huit championnats du monde. En octobre 2015, Danielle Goyette sera intronisée au Panthéon des sports canadiens. Le 22 juin 2015, elle s’est entretenue avec Jeremy Freeborn à son bureau, à l’Université de Calgary, où elle travaille à titre d’entraîneuse-chef des Dinos, l’équipe féminine de hockey de l’Université de Calgary.
JF : Racontez-moi la première fois que vous avez joué au hockey.
DG : J’avais 15 ans lorsque j’ai joué dans une équipe pour la première fois. Mais de 4 à 15 ans, tous les hivers, j’allais toujours jouer sur la patinoire municipale extérieure après l’école et pendant les jours de congé.
JF : Avez-vous joué au départ avec des filles, ou deviez-vous jouer avec les garçons?
DG : J’ai toujours joué avec des filles. En fait, lorsque j’ai commencé, je jouais avec des femmes, car le hockey n’était pas tellement populaire chez les filles. Au début, j’avais une coéquipière de 40 ans. La différence d’âge entre les joueuses était vraiment prononcée. Maintenant, c’est vraiment bien de voir de jeunes filles jouer. Il y a des équipes pee-wee entièrement féminines aujourd’hui. Ce n’était pas une option pour nous.
JF : Quels étaient vos modèles, vos idoles?
DG : Vous savez, c’est étrange, je n’ai jamais vraiment considéré aucun athlète comme modèle quand j’étais jeune. Mes parents ont toujours été mes modèles. Ils m’ont appris ce qu’il faut pour réussir. Ils ont toujours souligné l’importance de travailler fort et de s’éduquer. Lorsque j’ai commencé à jouer pour l’équipe nationale féminine de hockey, l’une de mes modèles était ma meilleure amie, la patineuse de vitesse en courte piste Sylvie Daigle. Elle m’aidait avec mon entraînement hors glace. Elle m’a entraînée pendant longtemps, même lorsque j’étais dans l’équipe nationale. J’ai toujours beaucoup admiré Sylvie.
JF : L’équipe nationale féminine de hockey n’existait pas quand vous étiez adolescente. Y avait-il une autre équipe dont vous rêviez de faire partie?
DG : J’adore les Canadiens de Montréal. Petite, je ne manquais jamais leurs matchs le samedi soir. C’est en regardant les Canadiens à la télévision que j’ai appris à jouer au hockey. Après les matchs, je prenais mon bâton et mes patins et j’allais dehors. Il était tard, autour de 22 h 30. Mes parents me demandaient : « Mais qu’est-ce que tu fais? » J’allais sur la patinoire dehors et j’essayais de reproduire les mouvements que les Canadiens avaient faits pendant la partie. J’utilisais une boule de neige au lieu d’une rondelle et je m’entraînais à la lumière des lampadaires. […] J’ai toujours suivi les Canadiens depuis.
JF : Le tout premier Championnat du monde de hockey féminin a eu lieu à Ottawa en 1990. Vous avez rejoint les rangs de l’équipe canadienne en 1991. Aviez-vous fait les essais pour l’équipe de 1990?
DG : En 1990, mes deux épaules étaient fragiles. Mon médecin ne m’a pas permis de participer aux essais, car à l’époque, les contacts étaient permis au hockey féminin. Il disait que mes épaules ne tiendraient pas le coup. C’était déchirant pour moi, mais il faut toujours suivre les instructions de son médecin. L’année suivante, j’ai fait de la réadaptation pour mes épaules et j’ai fait la sélection de l’équipe nationale.
JF : Comment vous sentiez-vous lorsque vous avez représenté le Canada au Championnat du monde de hockey féminin de 1992 en Finlande et que vous avez été la première marqueuse du tournoi (ex aequo avec une autre joueuse)?
DG : Vous savez, c’était incroyable. […] C’était la toute première fois que je sortais du Canada. Je me rappelle le tournoi comme si c’était hier. On n’oublie jamais sa première grande expérience.
Mais c’était aussi difficile. En raison du fait que je ne parlais pas anglais à l’époque, je ne pouvais pas communiquer avec mes coéquipières, et c’était très difficile pour moi. Je devais jouer dans un trio francophone, puisque mes ailiers du Québec étaient parmi les seules à qui je pouvais parler. Je savais que je passais à côté de beaucoup de choses, étant incapable de parler à mes autres coéquipières. Cette expérience difficile m’a convaincue qu’il fallait que j’apprenne l’anglais.
JF : Vous avez remporté le Championnat du monde de hockey féminin à huit reprises. Vous souvenez-vous d’un moment mémorable en particulier pendant ces championnats?
DG : C’est une excellente question. Pour moi, chaque championnat du monde est différent. Le premier, on s’en souvient, car on ne sait pas à quoi s’attendre : tout est nouveau. Toutefois, je dirais que mon dernier championnat du monde [Winnipeg en 2007] était génial. […] Le Canada avait remporté l’or aux Jeux olympiques d’hiver à Turin l’année précédente, et les gens étaient vraiment enthousiastes. […] La fête s’était emparée de Winnipeg. Ces deux championnats, le premier et le dernier [1992 et 2007], ont été très spéciaux pour moi.
Chaque fois qu’un championnat du monde se tenait au Canada, c’était spécial. [Danielle Goyette a aussi remporté la médaille d’or en 1997 à Kitchener, en Ontario, en 2000 à Mississauga, en Ontario, et en 2004 à Halifax, en Nouvelle-Écosse.] J’aurais vraiment aimé continuer pour participer aux Jeux olympiques d’hiver de 2010, à Vancouver, car c’était au Canada. [Elle a pris sa retraite en 2008.]
JF :Quels ont été vos plus grands défis pendant votre carrière de hockeyeuse?
DG : La barrière linguistique a été l’un des plus grands obstacles que je n’ai jamais surmontés. De 1991 à 1996, je n’étais pas capable de parler avec mes coéquipières de l’équipe nationale, car je ne parlais que le français. Quand j’ai su que le hockey féminin allait être une discipline pour la première fois aux Jeux olympiques de 1998, j’avais 30 ans. J’ai décidé qu’il fallait que je déménage à Calgary pour m’entraîner et apprendre l’anglais. En août 1996, je suis arrivée à Calgary et j’ai trouvé un emploi à l’Anneau olympique. Je m’entraînais deux fois par jour. Je croyais rester à Calgary pendant cinq mois et j’y suis encore après près de 20 ans.
L’autre gros défi était les blessures. Mes épaules se sont disloquées 24 fois, 13 fois l’épaule gauche et 11 l’épaule droite. J’ai subi trois chirurgies à l’épaule. Mes autres blessures importantes étaient des commotions cérébrales. La dernière que j’ai subie était assez grave. Je n’ai pas pu regarder la télévision ni me trouver dans une pièce éclairée pendant deux mois. Je ne pouvais pas avoir de conversation avec quelqu’un ni parler au téléphone, car je ne rappelais pas ce qui avait été dit cinq secondes plus tôt. […] J’ai été très chanceuse de m’en remettre et de pouvoir continuer à jouer au hockey. Il ne faut jamais rien tenir pour acquis.
JF : Comment vous sentiez-vous lorsque vous avez remporté la médaille d’or aux Jeux olympiques d’hiver de 2002, à Salt Lake City?
DG : Le Canada dominait le hockey féminin jusqu’aux Jeux olympiques de Nagano, en 1998, où il a perdu la finale de la médaille d’or 3-1 aux mains des Américaines. C’était une leçon difficile. […] Même si on est les meilleures avant les Jeux olympiques, tout peut arriver.
En 2002, c’était incroyable. Quand on repense à la finale pour la médaille d’or contre les États-Unis, on a eu huit pénalités l’une après l’autre. Tout le monde était tellement fâché contre l’arbitre. Mais chaque fois qu’on avait une pénalité, on gagnait en confiance, car les Américaines n’arrivaient pas à compter un but. On est restées calmes. C’était chouette de voir les réactions de mes coéquipières sur le banc. D’habitude, cela nous aurait frustrées, mais on était très calmes. On avait confiance en notre équipe. Quand on a gagné la médaille d’or, c’était vraiment incroyable. Il s’agissait de la toute première médaille d’or olympique pour l’équipe féminine de hockey du Canada. Faire partie de cette aventure a été très spécial pour moi.
JF : Quels sont vos souvenirs des Jeux olympiques d’hiver de Turin, en 2006?
DG : Les Jeux olympiques d’hiver de 2006, à Turin, étaient spéciaux, car j’étais la porteuse du drapeau canadien pendant les cérémonies d’ouverture. En tant qu’athlète, ce n’est pas quelque chose pour quoi on s’entraîne. C’est un véritable honneur de porter le drapeau. Chaque fois qu’on entre dans le stade, on est entouré de nos camarades athlètes. Toutefois, quand on marche seul avec le drapeau dans le stade et qu’il n’y a personne autour, on se sent tout petit et on prend conscience de l’ampleur du stade et de l’événement. C’est un moment que je n’oublierai jamais.
C’était facile de jouer avec mes coéquipières de l’équipe canadienne aux Jeux de Turin, en 2006, car on avait beaucoup d’expérience ensemble. Pour beaucoup d’entre nous, c’était nos troisièmes Jeux olympiques. Chacune connaissait son rôle, et tout allait comme sur des roulettes. On n’a pas affronté les États-Unis en finale, car les Américaines ont perdu contre les Suédoises en demi-finale. Mais on devait être prudentes, car la Suède avait battu les États-Unis la veille, et les Suédoises pouvaient gagner de nouveau. Mais notre équipe était prête et extrêmement soudée.
JF : Qu’est-ce que votre intronisation au Panthéon des sports canadiens signifie à vos yeux?
DG : C’est fantastique. Quand on y pense, c’est l’un des plus grands honneurs qu’un athlète peut avoir au Canada. En tant que jeune fille qui a grandi à Saint-Nazaire, je n’ai jamais pensé être intronisée un jour au Panthéon des sports canadiens. Quand c’est arrivé et que j’ai reçu l’appel, j’étais bouche bée. C’est incroyable d’être intronisée aux côtés de nombreuses autres légendes du sport.
J’ai rencontré deux femmes de 93 ans [Rhoda Eaves et Rhona Gillis] originaires de Montréal qui pratiquent encore le ski alpin et qui sont en excellente forme. Je leur ai dit qu’elles étaient mes nouvelles idoles. Si je vis aussi longtemps, je veux leur ressembler. À mes yeux, c’est spécial de laisser derrière moi quelque chose qui pourra inspirer les jeunes. Le fait que nous avons ouvert des portes pour les jeunes filles et qu’elles pourront jouer au hockey grâce à nous est quelque chose que je considère comme très important.
Note : Les jumelles Rhoda Wurtele (Eaves) et Rhona Wurtele (Gillis) étaient membres de la première équipe féminine de ski alpin du Canada, formée en 1942. Elles ont représenté le Canada aux Jeux olympiques d’hiver de Saint-Moritz, en 1948. Le 17 juin 2015, toutes deux ont été intronisées au Panthéon des sports canadiens dans la catégorie des légendes du sport.
JF : Que diriez-vous aux jeunes filles qui rêvent de devenir des hockeyeuses de haut niveau?
DG : Poursuivez vos rêves. Il y a encore des gens qui croient que les jeunes filles ne devraient pas jouer au hockey. Si c’est ce que vous voulez, tout est possible. Il y a aussi la croyance selon laquelle une famille doit avoir beaucoup d’argent pour que les enfants puissent jouer au hockey. C’est faux. Je viens d’une famille qui n’avait pas beaucoup d’argent; mes parents avaient deux emplois chacun. Si vous avez un rêve et que vous êtes prêtes à faire le nécessaire pour l’accomplir, vous en êtes capables.
JF : Quels sont vos objectifs pour l’avenir?
DG : À l’heure actuelle, je suis l’entraîneuse de l’équipe féminine de l’Université de Calgary. Je veux améliorer le programme et en faire l’un des meilleurs au pays. J’adorerais travailler avec l’équipe nationale aux Jeux olympiques de 2018, à Pyeongchang, si j’en ai la chance. Je vis au jour le jour, et j’essaie de profiter de la vie au maximum.