Contexte historique
Les fausses nouvelles et la désinformation ont existé tout au long de l’histoire. Dans l’Antiquité romaine, par exemple, le fils adoptif de Jules César, Octave, a retourné l’opinion publique contre son rival politique, Marc-Antoine, en faisant circuler un testament censé être le sien et contenant des dispositions offensantes aux yeux du peuple romain. Au 8e siècle, l’Église catholique a fabriqué un document censé dater du 4e siècle attestant que l’empereur Constantin avait légué le territoire et le contrôle politique de l’Empire romain d’Occident au pape Sylvestre. L’Église a utilisé ce document pendant plusieurs siècles pour fonder sa juridiction sur de nombreux peuples et régions. Ce n’est qu’au 15e siècle que la fausseté du document a été établie.
La vitesse de propagation de fausses nouvelles explose avec l’invention de la presse à imprimer, par Gutenberg, au milieu du 15e siècle. Avant l’imprimerie, il fallait beaucoup de temps et d’argent pour créer des livres ou des pamphlets et les faire circuler. La presse permet de répandre plus rapidement et à moindre coût les nouvelles, qu’elles soient vraies ou fausses. Le président américain John Adams se plaint de ce fait à la fin du 18e siècle : « Plus de nouvelles erreurs ont été propagées par la presse, dit-il, au cours des dix dernières années qu’en une centaine d’années avant 1798. »
Les fausses nouvelles sont aussi appelées désinformation. La désinformation est une information fausse dont le but est de tromper les gens. Il s’agit souvent de la propagande diffusée par un gouvernement. C’est Joseph Staline, le dirigeant de l’Union soviétique, qui a inventé le mot dans les années 1920, lui donnant délibérément un nom à consonance française afin que les gens croient qu’il s’agit d’une tactique originalement occidentale. En d’autres termes, l’invention même du mot est un cas de désinformation.
L’Union soviétique était alliée aux puissances occidentales contre l’Allemagne nazie pendant la Deuxième Guerre mondiale. Après leur victoire, les partenaires sont devenus ennemis (voir Le Canada et la Guerre froide). Mais la désinformation a été utilisée aussi par les alliés occidentaux pendant la guerre. Dès mai 1941, par exemple, les troupes nazies pouvaient syntoniser la nuit un poste de radio animé par un prétendu nazi surnommé le Chef. Affirmant se trouver dans le Reich, le Chef accusait Adolf Hitler et d’autres dirigeants allemands d’avoir trahi la cause national-socialiste. Il accusait aussi les hauts dignitaires nazis de perversions sexuelles, de corruption et d’indifférence devant les souffrances du peuple allemand. Mais le Chef travaillait en réalité pour les Britanniques, et diffusait son mélange de mensonges et de vérités depuis l’Angleterre.
Trois types de fausses nouvelles
Le terme « fausses nouvelles » désigne un éventail d’informations fausses appartenant à trois catégories distinctes : la désinformation, la mésinformation et la mal-information.
La désinformation désigne des informations fausses qui ont pour but de tromper les gens. Par exemple, pendant l’élection présidentielle française de 2017, on a diffusé une version falsifiée d’un journal belge où un article révélait que l’Arabie saoudite avait financé la campagne d’Emmanuel Macron.
La mésinformation désigne une information qui se révèle fausse, mais qui ne l’est pas intentionnellement. Peu après l’attentat terroriste du marathon de Boston en 2013, plusieurs agences de nouvelles américaines ont annoncé à tort qu’une arrestation avait eu lieu ou était imminente, alors que les tueurs étaient toujours en fuite. De même, peu après la Fusillade sur la Colline du Parlement le 22 octobre 2014, on a rapporté un deuxième attentat au Centre Rideau, ce qui s’est révélé sans fondement.
La mal-information est une information authentique, mais qui est présentée de manière à nuire à des personnes ou à des groupes spécifiques. Par exemple, la publication de courriels piratés du Comité national démocrate, pendant la campagne présidentielle américaine de 2016, et celle des courriels d’Emmanuel Macron peu avant l’élection présidentielle française de 2017, ont été orchestrées dans le but de porter ombrage aux deux campagnes.
Campagnes de désinformation classiques
Ion Pacepa est un général deux étoiles de Roumanie, un État satellite allié de l’Union soviétique, jusqu’à sa défection aux États-Unis en 1978. Il révèle alors que si les pays occidentaux s’efforcent de recueillir des informations sur leurs ennemis, les agences de renseignement de l’Union soviétique se consacrent plutôt à « recadrer » les événements passés en réécrivant l’histoire.
Ion Pacepa définit la désinformation comme un « outil de renseignement secret ». L’agence de sécurité d’État de l’Union soviétique, le KGB, recueille des renseignements dans le pays et à l’étranger. Elle fabrique de fausses nouvelles et les insémine secrètement dans les agences nongouvernementales et les médias occidentaux afin qu’ils les diffusent. Ces fausses nouvelles seront ainsi perçues comme provenant de sources occidentales légitimes, et non de l’URSS.
À partir des années 1980, par exemple, l’Union soviétique soutient faussement que les États-Unis ont créé le SIDA en tant qu’arme biologique. La CIA rapporte que le KGB a lancé cette campagne de désinformation en publiant une lettre dans un journal en Inde en 1983. La fausse accusation s’est lentement diffusée dans le monde, et vers 1986, la rumeur que les États-Unis utilisaient le SIDA comme arme raciale s’est répandue en Afrique. Encore en 2005, le rapper américain Kanye West relayait cette accusation dans sa chanson Heard ‘Em Say.
Campagnes de désinformation contemporaines
L’élection présidentielle américaine de 2016 est marquée par un déferlement de fausses nouvelles. Cela est dû en grande partie à l’utilisation, par la Russie, de « troll farms » (« fermes de trolls »), une grande équipe d’agents du gouvernement qui travaillent en ligne pour répandre de la désinformation parmi les citoyens américains afin d’influencer leur vote. Parmi ces fausses nouvelles, on retrouve celles que le président Barack Obama et la candidate démocrate Hillary Clinton ont promis une amnistie aux immigrants sans papiers s’ils votent pour les démocrates, ou que le candidat républicain Donald Trump a déclaré qu’il se présenterait à la présidence avec les républicains « parce qu’ils sont le groupe d’électeurs le plus idiot ».
La désinformation s’est tellement répandue que Donald Trump s’est mis à qualifier de « fausse nouvelle » toute forme de critique à son égard. Par la suite, son équipe commence à disséminer sa propre désinformation (par exemple, qu’entre 3 et 5 millions de personnes ont voté frauduleusement à l’élection de 2016, ou que la foule à l’inauguration de Trump était la plus importante jamais vue), tout en essayant de normaliser et rationaliser ces faussetés en les présentant comme des « faits alternatifs ».
Une fausse nouvelle de la campagne présidentielle américaine de 2016 a eu pour conséquence un véritable crime. Le canular du « Pizzagate » semble être apparu à l’automne 2016, quand des courriels du chef du personnel d’Hillary Clinton, John Podesta, ont été volés puis rendus publics. John Podesta évoque des « pizza parties », ce qui serait, selon certaines personnes, une référence à un cercle pédophile. John Podesta a aussi envoyé un courriel au propriétaire de Comet Ping Pong, une pizzéria de Washington, DC, amenant certains à spéculer qu’il s’agit du centre du supposé cercle pédophile.
En décembre 2016, un homme croyant à la fausse nouvelle se présente au Comet Ping Pong avec une arme. Il tire au moins un coup de feu et fouille le restaurant avant d’être arrêté. Aucune preuve ne laisse suggérer que le Pizzagate soit autre chose qu’une fausse nouvelle, un mensonge qu’on a fait courir pour nuire à la réputation et la carrière politique d’Hillary Clinton.
Certaines fausses nouvelles se dissimulent sous des « opérations fausse bannière », une théorie selon laquelle des actes sont orchestrés de manière à attirer le blâme sur une personne ou un groupe qui, en réalité, n’en est pas responsable. En 2012, un Américain a tué vingt enfants et six adultes dans l’école primaire Sandy Hook, au Connecticut. L’animateur de télévision de droite Alex Jones a défendu la théorie selon laquelle la tuerie était un coup monté, joué par des acteurs, dans le but d’obtenir un renforcement des lois sur le contrôle des armes à feu, violant le droit des personnes selon le Deuxième amendement.
Vérification des faits : se défendre contre les fausses nouvelles
La croissance d’Internet et des réseaux sociaux a rendu la publication des nouvelles très facile et peu coûteuse. Les médias sociaux permettent de rejoindre des millions de personnes simplement en appuyant sur le bouton partager. Les articles partagés en ligne peuvent tous sembler similaires, qu’ils viennent de sources légitimes ou qu’ils soient complètement trafiqués. Comprendre les motifs des gens qui créent des fausses nouvelles est une étape importante pour s’en défendre.
Vérifier les faits est le meilleur moyen de savoir si une nouvelle ou une affirmation est vraie. Les sites internet finissant par .edu appartiennent à des universités ou des collèges officiellement reconnus, et les sites du gouvernement du Canada comprennent les suffixes suivants : gc.ca, gc/en, gc/fr, ourcommons.ca, canada.ca, parl.ca. Les sites officiels d’universités, de musées ou d’instituts scientifiques sont habituellement fiables, tout comme les sites du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des municipalités. Des sources en ligne réputées comme l’Encyclopédie canadienne ou l’Encyclopaedia Universalis sont aussi généralement dignes de confiance.
Un site est bourré d’affirmations étranges ou de liens « pièges à clics » sur des célébrités n’est probablement pas digne de confiance. Les sites politiques, commerciaux ou culturels qui soutiennent clairement une position sont aussi suspects. Des sites collaboratifs comme Wikipédia, où n’importe qui peut intervenir, doivent contenir des sources ou des liens susceptibles d’être vérifiés. De même, les vidéos apparaissant sur un site comme YouTube devraient mentionner des sources, dans la vidéo ou dans la section des commentaires.
Certains sites réputés de vérification de faits peuvent aussi se révéler utiles pour obtenir des éclaircissements. FactsCan, lancé en 2015, offre une vérification de faits indépendante et non partisane au sujet des politiciens et des nouvelles politiques canadiens. Parmi les autres sites de vérification de faits, on retrouve FactCheck.org, International Fact-Checking Network (IFCN), PolitiFact et Snopes.