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Fossiles de l'Éocène de l'île d'Ellesmere

 Cartographié à pied, en traineaux à chiens, et des airs par les géologues endurcis de la COMMISSION GÉOLOGIQUE du Canada, le Haut-Arctique canadien demeura inexploré par les paléontologues des vertébrés jusqu'au milieu des années 1970.

Fossiles de l'Éocène de l'île d'Ellesmere

 Il y a environ 55 millions d'années, à l'époque de l'Éocène inférieur, l'ÎLE D'ELLESMERE dans l'est du Haut-Arctique canadien, était chaude et libre de glace. Elle était recouverte de riches forêts de basses terres et de marécages habités par des alligators, des tortues géantes, des serpents et une variété de mammifères, dont des primates, des tapirs, des Coryphodons ressemblant à des hippopotames, et de gros brontothères qui ressemblent au rhinocéros. Dans l'océan tout près, les coquillages et les escargots abondaient. Cet environnement maintenant disparu, situé bien au-dessus du CERCLE POLAIRE, combinait un climat tempéré chaud avec un régime de lumière typique de l'Arctique, c'est-à-dire des étés clairs et des hivers obscurs.

 Cartographié à pied, en traineaux à chiens, et des airs par les géologues endurcis de la COMMISSION GÉOLOGIQUE du Canada, le Haut-Arctique canadien demeura inexploré par les paléontologues des vertébrés jusqu'au milieu des années 1970. Sur l'île d'Ellesmere, les premiers FOSSILES de vertébrés datant de l'Éocène furent découverts en 1975 par Mary Dawson et Robert (Mac) West, paléontologues des vertébrés au Musée d'histoire naturelle de Carnegie et au Musée public de Milwaukee, respectivement. Dans des roches de la formation du détroit d'Eurêka, près de l'embouchure du fjord de Strathcona (~ lat. 78º N.), le duo découvrit des fossiles d'alligators, de poissons, de tortues et de mammifères. Classées parmi les plus importantes contributions à la PALÉONTOLOGIE des vertébrés du siècle dernier, ces premières découvertes confirmèrent hors de tout doute qu'il y a des millions d'années, le Haut-Arctique bénéficiait d'un climat doux et tempéré. Elles déclenchèrent également des décennies d'exploration paléontologique dans l'Arctique.

 Trouver des fossiles sur l'île d'Ellesmere n'est pas chose facile. La beauté dénudée et inaltérée du paysage est seulement égalée par la dureté et l'imprévisibilité de Mère Nature. Bien que les vingt-quatre heures de lumière du jour que procure l'été arctique peuvent sembler idylliques, cela rend le sommeil difficile et le ciel bleu et le soleil sont souvent troublés par les nuages, le brouillard et les vents froids du fjord qui glacent le sang. Quand le thermomètre monte et qu'il est possible d'enlever les vêtements de molleton et autres habits protecteurs, les moustiques affamés attendent, tapis dans l'ombre. De plus, les ossements fossilisés et les dents sont rares; ils se trouvent à une bonne distance les uns des autres et sont souvent abîmés par le PERGÉLISOL. Ne restent que les pièces d'un casse-tête de l'Éocène, qui, s'il était complet, ressemblerait sans doute à des marécages de cyprès bourdonnant de vie.

 D'un point de vue paléogéographique, le Haut-Arctique a longtemps été considéré comme faisant partie d'une route pour des espèces de mammifères terrestres disparues, qui se dispersaient entre l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie. Les fossiles de mammifères de l'Éocène inférieur sur l'île d'Ellesmere supportent l'existence d'un corridor terrestre nord-atlantique connectant l'Europe du Nord et l'Amérique du Nord, puisque plusieurs des genres de mammifères de la faune de l'Éocène inférieur de ces deux régions sont les mêmes. De plus, une voie terrestre de haute altitude existait à travers le détroit de Béring, entre l'Asie et l'Amérique du Nord, pendant une grande partie du Cénozoïque (les derniers 65 millions d'années environ) et, par conséquent, on croit que plusieurs lignées de mammifères se sont dispersées dans un mouvement de va-et-vient entre ces deux continents. Par exemple, les tapirs les plus vieux et les plus au Nord, connus à travers des ossements fossilifères et des dents provenant de l'île d'Ellesmere, suggèrent des liens étroits entre les fossiles de tapirs de l'Asie et de l'Amérique du Nord.

  Les fossiles d'animaux et de plantes de l'Éocène qui ont été préservés dans les roches de l'île d'Ellesmere sont un exemple frappant d'une « serre » de haute latitude pendant l'intervalle le plus chaud de tout le Cénozoïque. De nouvelles études paléoclimatiques montrent que la température annuelle moyenne sur l'île d'Ellesmere pendant l'Éocène inférieur variait probablement entre 10 et 12ºC environ, ce qui est très loin de la moyenne d'aujourd'hui, qui se situe autour de -20 º C. Puisque nous sommes de plus en plus préoccupés du RÉCHAUFFEMENT actuel de la planète, les fossiles de l'île d'Ellesmere vont jouer un rôle des plus importants dans notre compréhension et notre capacité de prédire les impacts futurs de ce réchauffement sur la vie et les différents environnements terrestres.