Grades en musique
Grades. Titres académiques conférés par des universités et des collèges à des particuliers, attestant de leur succès dans certains programmes d'études établis par ces institutions ou (dans le cas de grades honorifiques) en reconnaissance de réalisations exceptionnelles dans le domaine des arts, des sciences ou des humanités.
Le premier baccalauréat en musique décerné au Canada (et peut-être le premier grade en musique, honorifique ou non, décerné en Amérique du Nord) fut conféré en 1846 par le King's College (Toronto) à J.P. Clarke, pour la composition d'un motet à huit voix, « Arise, O Lord God, forget not the poor ». En 1856, Clarke reçut de l'Université de Toronto ce qui fut peut-être le premier doctorat en musique décerné au Canada, mais les archives laissent planer un doute à ce sujet. George Strathy fut le titulaire du second B.Mus. (1853) et d'un D.Mus. (1858) obtenus à l'Université de Trinity College (Toronto). Jusqu'en 1879, pratiquement tous les grades en musique dans les pays anglophones furent octroyés par l'Université d'Oxford, l'Université de Cambridge et celle de Dublin, bien que les universités américaines en eussent décerné quelques-uns après 1850.
En 1883, l'Université de Trinity College établit un programme d'études et organisa des examens annuels conduisant à un B.Mus. et, en 1885, le collège nomma un registraire en Angleterre afin que les examens puissent avoir lieu en même temps qu'au Canada. On sait que 193 candidats des deux pays postulèrent un grade en musique du Trinity College entre 1886 et 1891, et que 89 baccalauréats et doctorats furent décernés. À la suite de nombreuses plaintes de la part de musiciens britanniques, on suspendit l'attribution de grades à des candidats anglais in absentia en 1891. Des examinateurs furent également nommés par l'Université Bishop's, l'Université McGill et l'Université de Toronto. En tout, quelque 75 grades avaient été décernés à des Canadiens avant le Première Guerre mondiale. On préparait et instruisait les candidats dans les conservatoires. Lorsque les premières facultés de musique furent établies (Toronto, 1918; McGill, 1920; Laval, 1925), beaucoup d'anciens examinateurs commencèrent à offrir des cours ou conférences, mais la présence de l'étudiant était rarement obligatoire.
Les universités francophones au Québec fonctionnaient selon un système de collèges classiques, séminaires et écoles affiliés dirigés par diverses communautés religieuses, et organisé selon une variante du modèle des Jésuites. Les grades décernés par l'Université de Montréal (dont la faculté de musique fut établie en 1950, bien que son premier B.Mus. ait été remis en 1921 et son premier D.Mus., en 1931) incluaient le B.Mus. en interprétation (un programme de trois ans) conduisant à une M.Mus. en interprétation après une année d'études supplémentaires. (Pendant les années 1950, cette M.Mus. en interprétation menait à un Diplôme d'artiste qui devint un Diplôme de concertiste dans les années 1960.) Les étudiants désirant poursuivre leurs études dans les domaines de l'histoire ou de la théorie s'inscrivaient au programme de Licence (L.Mus.) qui exigeait deux années d'études postérieures au B.Mus. Le B.Mus. et la L.Mus. avaient cours à l'Université Laval. Pendant les années 1970, ces deux universités transformèrent leurs programmes de L.Mus. en M.Mus pour se rapprocher davantage de la coutume nord-amér.
Il est intéressant de noter que jusqu'au milieu du XXe siècle, dans les universités de langue anglaise, on méritait un doctorat par des « exercices » en composition - habituellement des symphonies ou des oeuvres pour choeur et orchestre - mais que cette règle ne s'appliquait pas aux universités de langue française où c'était d'abord, sinon exclusivement, par une thèse sur un sujet historique ou théorique qu'on méritait le doctorat en musique. Citons, par exemple, l'ouvrage théorique de Robert Talbot sur les intervalles de quinte (D.Mus., Laval 1933), l'étude de soeur Marie-Stéphane sur l'enseignement de la musique (D.Mus., Montréal 1936), l'essai de Leslie Bell sur le solfège pour les adolescents (D. Mus., Montréal 1946) et l'enquête de G. Roy Fenwick sur la musique à l'école en Ontario (D.Mus. Montréal 1950). Avant la réforme radicale de l'éducation au Québec au cours des années 1960, le préalable à l'admission au B.Mus. était, comme partout ailleurs au Canada, le cours secondaire. Cependant, le Québec devint en 1967 la seule province où un étudiant se destinant à l'université devait auparavant avoir passé par un cégep et obtenu le D.E.C. (Diplôme d'études collégiales).
Jusqu'aux années 1940, les programmes offerts par les universités anglophones étaient identiques à ceux de Grande-Bretagne et s'adressaient tout d'abord aux compositeurs. Il était à peu près impossible d'obtenir un B.Mus. en interprétation, en histoire et littérature (musicologie) ou en éducation musicale. À partir de 1940, une tendance irrésistible s'établit au Canada anglais : on s'inspirera des programmes de musique des universités américaines qui, contrairement aux programmes britanniques, obligent à la présence aux cours et offrent un plus grand éventail de concentrations. Le premier cours canadien conçu d'après le modèle américain fut inauguré à l'Université de Toronto en 1946 et conduisait à un B.Mus. en éducation musicale; en 1949, 19 personnes obtinrent ce grade. John Fenwick reçut la première maîtrise en musique attribuée au Canada, à l'Université de Toronto en 1956, en composition.
À la fin des années 1950 et au début des années 1960, les programmes de musique couronnés par un grade connurent une expansion rapide. En 1966, 17 universités canadiennes offraient le B.Mus. et, de ce nombre, 7 avaient implanté des programmes d'études supérieures.
En 1990, 28 universités canadiennes offraient des programmes de musique conduisant à des baccalauréats : Bachelor of Fine Arts (B.F.A.), bachelier en musique (B.M., B.Mus., Mus.Bac.), bachelier en éducation musicale (B.Mus.Éd.) et Bachelor of Musical Arts (B.M.A.). Les exigences de ces grades varient, mais on exige habituellement trois à cinq (le plus souvent quatre) années d'études : environ les deux tiers des cours portent sur la musique (y compris l'interprétation) et on offre des concentrations en interprétation, en matières théoriques, en composition ainsi qu'en histoire et littérature musicale (ou musicologie). Dans certains cas, aucune concentration n'est spécifiée (ou disponible) et le grade est décerné sans mention de spécialisation.
En outre, plus de 30 universités offraient en 1990 des programmes d'études conduisant à d'autres types de baccalauréats (B.A., B.Éd., etc.) où les matières musicales occupent une place plus ou moins importante, mais où d'autres sujets sont prédominants. Dans le B.A. (concentration musique), les cours de musique prédominent, mais l'accent est mis sur des sujets historiques et théoriques plutôt que sur l'interprétation. En 1990, des 27 universités qui offraient des programmes menant au B.Mus. ou à un grade équivalent, 17 (Alberta, Brandon, Colombie-Britannique, Calgary, Carleton, Laval, McGill, McMaster, Montréal, Ottawa, Regina, Saskatchewan, Sherbrooke, Toronto, Victoria, Western Ontario et York) offraient aussi des programmes de maîtrise avec concentration principale en musique : maîtrise ès arts (M.A.), maîtrise en éducation (M.Éd.), maîtrise en musique (M.M., M.Mus.) et Master of Musical Arts (M.M.A.). Huit (Alberta, Colombie-Britannique, Montréal, Toronto, Victoria, Laval, McGill et Western Ontario) offraient aussi un ou plusieurs programmes de doctorat : doctorat en éducation (D.Éd.), doctorat en musique (D.Mus., Mus.Doc.), Doctor of Musical Arts (D.M.A.) et philosophiae doctor (Ph.D.). Les conditions requises pour l'obtention de ces grades sont si diverses que la seule généralisation intéressante qui en découle est qu'on peut obtenir au Canada un grade de maîtrise ou de doctorat dans toutes les principales sphères de la musique. En 1950, John Reymes King reçut de l'Université de Toronto le premier Ph.D. en musique jamais décerné au Canada.
Ainsi que cela se fait dans d'autres pays (bien que plus souvent peut-être au Canada et aux États-Unis), on décerne des doctorats honorifiques (D.Mus. h.c., LL.D. h.c., D.èsL. h.c., etc.) pour reconnaître des réalisations exceptionnelles dans le domaine de la musique. Plus d'une centaine de doctorats de ce type ont été attribués, notamment à George Strathy (voir plus haut) et à Saint George Crozier (par l'Université Victoria, Cobourg, Ont., en 1872). Parmi les titulaires, on retrouve des musiciens ayant fourni un apport exceptionnel au niveau local, comme Amy Ferguson (D.Mus. h.c., Notre Dame, Nelson, C.-B., 1970), des personnalités de réputation nationale telles que Murray Adaskin, Applebaum, Archer, John Beckwith, Jean Carignan, Champagne, Helen Creighton, Jean Dansereau, Franz-Paul Decker, S.C. Eckhardt-Gramatté, Maureen Forrester, Glenn Gould, Elmer Iseler, Raoul Jobin, Helmut Kallmann, Hugh Le Caine, Gilles Lefebvre, Gordon Lightfoot, MacMillan, Lois Marshall, Anne Murray, Naylor, R.-O. Pelletier, Wilfrid Pelletier, Oscar Peterson, Léopold Simoneau, Somers, Vézina, Vigneault, Vogt, Weinzweig, Kenneth Winters et Willan, ainsi que des musiciens étrangers de renom, dont sir Thomas Beecham, E. Power Biggs, Maud Karpeles, sir Alexander Mackenzie et sir Yehudi Menuhin. Plusieurs Canadiens ont reçu de tels grades à l'étranger. Ainsi, le grade Lambeth, D.Mus. (Cantuar), fut conféré à C.A.E. Harriss (1905), Percival Illsley (1912), Healey Willan (1956), Godfrey Hewitt (1973) et Hugh Bancroft (1977). Alexander Brott, Champagne, Duchow, Mazzoleni, Parlow, Papineau-Couture et Wilfrid Pelletier sont au nombre de ceux qui ont reçu des grades honorifiques de la part d'universités américaines.
Voir aussi Diplômes, Enseignement supérieur, Récompenses, Universités.