Gravure contemporaine au Canada
Au Canada, le public reconnaît la valeur artistique de la gravure au milieu des années 50, lorsque les défis esthétiques qu'elle relève sont reconnus au niveau international. Les expositions nationales et internationales se multiplient et les estampes canadiennes sont acclamées dans des expositions internationales de prestige. Les estampes modernes se différencient des estampes anciennes, tant par leur style et leur contenu, que par leur format plus grand, l'utilisation d'un plus grand nombre de couleurs, le recours à des techniques diverses et l'utilisation de procédés photographiques.Débuts
Les progrès les plus importants sont réalisés à Montréal, déjà réputée pour ses gravures et l'enseignement de la gravure. L'artiste et professeur Albert DUMOUCHEL inspire Peter Daglish, Richard Lacroix, Robert Savoie, Serge TOUSIGNANT, Vera Frenkel, Pierre Ayot, Ghitta CAISERMAN-ROTH, Janine Leroux-Guillaume et Roland GIGUÈRE. Le peintre Yves GAUCHER se consacre à l'estampe après avoir étudié avec Dumouchel. De 1960 à 1964, Gaucher ne crée que des estampes. Il fait des expériences avec de la gravure en creux et en relief, tantôt sans encre, tantôt avec un minimum d'encre.À la fin des années 50, le peintre torontois Harold TOWN se consacre à la lithographie et crée des estampes autographiques uniques de qualité exceptionnelle. Il explore diverses techniques d'impression, telles que le pochoir, la linogravure et l'impression en superposition. Dans les années 50 et 60, les lithographies en noir et blanc de Jack NICHOLS impressionnent le public et la critique. Son approche disciplinée mais moderne présente des images puissantes qui révèlent l'angoisse et la mélancolie de l'humanité. Parmi les artistes innovateurs de cette période, figurent aussi Moe Reinblatt, Gilbert Marion, Walter Bachinski, James Boyd, Tobie STEINHOUSE, Aba BAYEFSKY, Richard Gorman et David Partridge. Ces artistes sont d'abord et avant tout des créateurs d'images. Ils n'hésitent pas à expérimenter de nouvelles approches, de nouveaux matériaux, de nouvelles techniques d'impression et du papier différent. Ces explorations créatives renouvellent les techniques traditionnelles d'impression.
L'engouement marqué pour l'estampe au Québec et en Ontario est mis en évidence par les sociétés nationales de l'estampe, dont les membres viennent surtout du centre du Canada. Ces sociétés fixent des normes professionnelles et offrent un cadre artistique agréable et des occasions d'exposer. La Société canadienne des arts graphiques et la Société des peintres-graveurs canadiens fusionnent en 1976 afin de former le Conseil canadien de gravure et de dessin. Le professeur Fred Hagan de l'ONTARIO COLLEGE OF ART AND DESIGN de Toronto joue un rôle important dans la formation des jeunes générations de graveurs d'art.
Dans l'Ouest canadien, l'estampe est peu connue. Bien que Gordon SMITH ait installé un atelier de lithographie et de sérigraphie à la Vancouver School of Art dès le milieu des années 40, et créé des estampes avec Orville Fisher, Bruno BOBAK et Alistair BELL à la fin des années 50, la communauté artistique reste restreinte.
Parmi les premiers graveurs d'art de Victoria, figurent Herbert Siebner et Pat Martin BATES. Cette dernière est reconnue au niveau international et sert de modèle aux artistes plus jeunes qui, pour se faire connaître d'un plus grand public, se présentent à des expositions dont le jury est composé de membres de la communauté internationale. Comme Gaucher, elle expérimente les surfaces sans encre, qu'elle transforme en estampilles perforées. Après avoir récupéré deux vieilles presses en 1953, Maxwell BATES et John SNOW de Calgary deviennent des pionniers autodidactes en lithographie. Les estampes figuratives de Bates sont expressives, celles de Snow sont lyriques. Grâce aux efforts de John K. Esler dans les domaines de l'enseignement et artistique, l'estampe se développe à Calgary, qui devient un centre important pour l'estampe. George Weber introduit la sérigraphie à Edmonton en 1948. Il faudra attendre 1965 pour que des presses soient disponibles en Saskatchewan, mais Eli BORNSTEIN fera connaître la sérigraphie à Saskatoon en 1955.
Expositions d'estampes
L'intérêt renouvelé pour l'estampe entraîne un nombre de plus en plus grand d'expositions et de galeries commerciales spécialisées dans l'estampe, la création d'ateliers d'estampe dans les universités, l'apparition d'ateliers d'arts graphiques et la disparition des préjugés par rapport à des techniques innovatrices comme la collagraphie, la sérigraphie et des techniques mixtes. La facilité relative avec laquelle se transportent les estampes permet aux graveurs d'art de participer à des expositions à travers le monde. Les sociétés d'estampe du Canada, les galeries d'art publiques et les établissements d'enseignement organisent des expositions réservées uniquement aux estampes. Le Canadian Printmakers' Showcase et le Burnaby Print Show, de même que des expositions annuelles comme Graphex et le Concours d'estampe et de dessin québécois ou encore les expositions biennales du Print and Drawing Council of Canada (toutes disparues maintenant sauf le Concours d'estampe et de dessin québécois) offrent des occasions uniques pour exposer.
Galeries commerciales
C'est à Montréal que les premières galeries commerciales spécialisées dans l'estampe font leur apparition. La galerie Agnes Lefort ouvre en 1950, et la Galerie 1640 en 1961. À Toronto, Dorothy Cameron ouvre sa galerie en 1959 et organise une exposition d'envergure en 1965 afin de démontrer que les meilleurs graveurs d'art canadiens se comparent avantageusement aux grands graveurs d'art étrangers. En 1963, la galerie Pascal ouvre ses portes à Toronto. La galerie Mira Godard, installée à Montréal au début des années 70, déménage à Toronto vers la fin des années 70 et, depuis ses débuts, n'a jamais cessé d'exposer des estampes.
Développement des ateliers d'estampes
Les départements d'estampe dans les universités canadiennes figurent aujourd'hui parmi les meilleurs au monde et ont grandement stimulé la création. Durant les années 60, au fur et à mesure que le nombre d'étudiants augmente et que les départements d'arts visuels se développent, les universités s'équipent de mieux en mieux et embauchent des professeurs compétents et préoccupés par l'esthétique. Afin de réduire les coûts d'équipement et de créer un environnement stimulant et créatif, on ouvre des ateliers communautaires pour les graveurs d'art. Ces ateliers louent de l'équipement, permettent de travailler avec des graveurs professionnels et offrent un service d'édition d'estampes.
Bien que, dès 1949, Roland Giguère ait fondé les Éditions Erta, qui publient des estampes originales en éditions de luxe, les premiers ateliers contemporains de Montréal, l'Atelier libre de recherches graphiques et la Guilde graphique n'ouvrent leurs portes qu'en 1964 et 1966 respectivement. Richard LACROIX fonde la Guilde. Pierre Ayot fonde l'atelier Graff de Montréal en 1966. Cet atelier accueille des graveurs d'art, fait des démonstrations devant les enfants, donne des cours aux adultes et organise une vente aux enchères annuelle. En 1968, Bill Lobchuk fonde le Great Western Canadian Screen Shop à Winnipeg. Plusieurs artistes qui travaillent maintenant partout au Canada y ont fait leurs débuts.
En 1976, Rudolf Bikkers fonde les Éditions Canada à London. Les artistes y travaillent en étroite collaboration avec les imprimeurs et suivent chaque étape de la production. Les principales maisons d'imprimerie d'estampe de l'Ontario sont Open Studio (1970) et Sword Street Press (1978). Open Studio permet à l'artiste d'imprimer seul son travail ou de travailler avec un imprimeur professionnel, tandis que Sword Street Press demande à l'artiste de travailler avec un imprimeur. Open Studio a su attirer et influencer des artistes de partout au Canada. St. Johns, Halifax, Winnipeg, Calgary, Edmonton et Vancouver ont aussi des ateliers d'estampe.
Le Québec a depuis longtemps une importante communauté de graveurs d'art. Cette province compte plus d'ateliers communautaires que n'importe quelle autre province. À Montréal, on retrouve l'Atelier circulaire, Graff, et Guilde graphique. À Québec, il y a Engramme, et à Trois-Rivières, le Presse-papier, sans compter les ateliers de Val David, d'Alma, et de Rouyn-Noranda. De plus, vers les années 60 et 70, la Bibliothèque nationale du Québec commence à faire l'acquisition et à entreposer des archives collectionnées par les ateliers d'estampes depuis leurs débuts; enfin, le Conseil québécois de l'estampe, un conseil provincial, joue un rôle actif dans la promotion de l'estampe et dans la publication de documents pertinents.
Graveurs d'art contemporains innovateurs : techniques, thèmes et sujets
Les graveurs d'art contemporains ont remporté beaucoup de succès lors de concours internationaux et sont souvent plus connus à l'étranger qu'au Canada. Les thèmes dans les oeuvres de David BLACKWOOD viennent tous de sa Terre-Neuve natale. Ses grandes eaux-fortes représentant des pêcheurs, des chasseurs de phoques et leurs familles ont pour thèmes les relations humaines et les luttes de l'humanité contre les éléments de la nature. Traditionnelles sur le plan technique, elles ont attiré de nombreux collectionneurs d'estampes. Pour leur part, les eaux-fortes de Jo Manning, avec leurs lignes noires et blanches, donnent une vision plus contemporaine de la nature. Par ailleurs, les eaux-fortes d'Ed Bartram imprimées en couleurs, suivant la technique de l'encre visqueuse, représentent des pierres grossièrement texturées de la région du bouclier précambrien en Ontario et perpétuent la tradition paysagiste des premiers graveurs canadiens, qui alliaient le contenu à la forme.
Techniques de l'estampe
Durant les années 60, on utilise plusieurs techniques pour réaliser une seule oeuvre, comme on peut le constater dans les paysages abstraits de Roslyn Swartman et Anne Meredith Berry, qui combinent le gaufrage et la collagraphie aux techniques de sérigraphie. La sérigraphie est la plus jeune des techniques traditionnelles. Elle gagne en popularité car la netteté de ses lignes et l'aplat de ses couleurs conviennent aux styles pop, op, hard-edge et minimaliste, comme en témoignent par exemple les oeuvres de Roy KIYOOKA, Tony Tascona et Rita LETENDRE.Bien que le pop art n'ait jamais été très populaire au Canada, certains artistes associés à Graff, en particulier Ayot, créent des sérigraphies pour illustrer leurs visions pop. Les travaux de Bill Lobchuk, Don Proch et E.J. Howorth de Winnipeg mélangent les paysages traditionnels des Provinces des Prairies avec des images planes, en intégrant des éléments du dessin à des éléments photographiques. Jim Hansen, originaire des Maritimes, dessine d'abord ses oeuvres sur des acétates puis, à l'aide de clichés photomécaniques, les transfère sur ses écrans de sérigraphie et ajoute du texte manuscrit. Un autre artiste des Maritimes, Roger Savage, explore la lithographie durant les années 70, mais il préfère maintenant la sérigraphie.
Les peintres Gordon Smith et Toni ONLEY recourent à l'estampe, et surtout à la sérigraphie, pour diffuser leur art auprès d'un plus grand public. Tous deux s'intéressent à l'art non-figuratif et abstrait, mais leur interprétation tout à fait personnelle du paysage côtier de l'Ouest est particulièrement forte. Pour sa part, Christopher PRATT, un artiste de Terre-Neuve, travaille sur des sujets très réalistes de la vie quotidienne : maisons de bardeau, intérieurs paisibles et paysages marins harmonieux. Dans ses sérigraphies, il superpose les couleurs les unes par-dessus les autres, ce qui leur donne une subtilité chromatique et des textures intéressantes. Enfin, Ann McCall et Lauréat Marois créent d'impressionnantes sérigraphies réalistes.
La photographie est depuis longtemps utilisée en sérigraphie commerciale. Durant les années 70, des artistes comme Michel Leclair commencent à explorer la photographie pour créer des sérigraphies artistiques. Un des fondateurs du Open Studio, Richard Sewell, intègre la sérigraphie, la lithographie, la photographie, et des illustrations en trois dimensions pour créer des estampes d'une grande originalité. Judy Gouin part de photographies personnelles de paysages marins, aux prises de vue et aux jeux de réflexion originaux, pour créer ses estampes. Leslie Reid d'Ottawa utilise la photo sérigraphie et la photolithographie pour produire des estampes naturalistes monochromes.
Serge Tousignant, qui a travaillé avec Dumouchel, explore l'espace de façon formelle, et privilégie la sérigraphie et les procédés photomécaniques. Walter Jule et Lyndal Osborn, de l'U. de l'Alberta, explorent les possibilités des médiums mixtes tant sur le plan de l'image que sur celui des techniques, et ce, à la fois dans leur pratique artistique et dans leur enseignement. Contrairement à plusieurs artistes imprimeurs qui excellent sur le plan technique, Jule est capable d'allier la technique à l'image de façon à ce que cette dernière ne soit pas asservie à la technique. Carl Heywood réalise surtout des eaux-fortes et des photolithographies qui intègrent le dessin et la photographie. Ses travaux vont du symbolisme photo-réaliste au néo-cubisme et à un expressionnisme singulier.
La lithographie est devenue la technique la plus populaire au cours des années 70. Des artistes travaillant dans des ateliers américains de renom viennent au Canada, parmi eux Don Holman, Bob Evermon, Charles Ringness, Bob Rogers, John Will et Dan Dingler. Rogers enseigne à Halifax et contribue à l'éveil à la lithographie contemporaine. Il en est de même pour Frank Lapointe, des Maritimes. Les graveurs d'art Jack Cowin et Charles Ringness travaillent en Saskatchewan. Ringness réalise des sérigraphies ou des lithographies auxquelles il ajoute des dessins et des collages. John Will juxtapose plusieurs images réalistes pour en faire une seule grande image, à laquelle il ajoute souvent des phrases ou des mots pleins d'humour. Evermon présente souvent des lithographies non-figuratives dont de merveilleux lavis aux couleurs transparentes, sous forme de diptyques. Otis Tamasauskas sait maîtriser les subtilités de la lithographie autant que de la gravure en creux. Ses compositions abstraites colorées et denses couvrent habituellement toute la surface de la pierre et parfois du papier.
Jennifer Dickson, qui ne se limitera jamais à l'estampe, exerce une influence considérable sur les arts visuels de par sa pratique artistique et son enseignement. Avec Irène WHITTOME, elle sera la première à utiliser des techniques photographiques en gravure. Toutes deux combinent ces techniques avec la sérigraphie, le gaufrage et la peinture.
La plus ancienne des techniques de l'estampe, le relief, ne connaît pas le même renouvellement que les autres techniques. Toutefois, des artistes du relief comme Pierre-Léon Tétreault, René Derouin et Noboru Sawai, excellent dans cet art. Les travaux plus récents de Tétreault sont en bois, gravé ou en relief, mais il est aussi connu pour ses lithographies de pierre, qu'il a produites vers le milieu des années 70 dans les ateliers de Gaston Petits, au Japon. Formé aux techniques japonaises, Derouin mélange style oriental et occidental et réalise des images très stylisées, aux coloris riches et contemporains, dans des formats tantôt conventionnels, tantôt très grands. Sawai est d'abord et avant tout un graveur sur bois. Ses oeuvres, aux couleurs douces et au style oriental, contrastent avec la fermeté des lignes du cuivre des occidentaux. Les deux cultures se retrouvent également dans les thèmes qu'il exploree : des images basées sur des tableaux des vieux maîtres européens contrastent avec des gravures sur bois représentant des scènes érotiques orientales.
Les graveurs d'art portent une attention particulière au papier sur lequel ils impriment. Ils s'assurent que sa texture correspond à l'effet qu'ils recherchent, et que la composition est bien positionnée sur le papier. Certains artistes, toutefois, ont commencé à explorer d'autres aspects. Helmut Becker fabrique son propre papier, Paul Lussier en fait plusieurs exemplaires, Betty Davidson défait du papier chiffon et le transforme en pâte à papier pour ensuite en faire du papier moulé qu'elle colorie à la main.
Au cours des années 80 et 90, les artistes essaient d'utiliser plusieurs techniques dans une seule estampe. Ils étudient aussi les possibilités de l'estampe en tant qu'oeuvre en trois dimensions. Ainsi, les artistes créent des pièces sculptées, moulées, assemblées, construites en trois dimensions, utilisant divers médiums, et des installations. Plusieurs s'intéressent aux monotypes qui offrent la possibilité de peindre directement sur la plaque (de verre, de métal ou toute autre surface dure). Cette technique permet de produire un plus grand éventail d'effets tactiles. Par ailleurs, comme les autres artistes, ils explorent les nouvelles technologies afin d'élargir davantage les possibilités de l'estampe (voir COURANTS ARTISTIQUES CONTEMPORAINS). Certains ne sont pas des graveurs d'art mais ont quand même contribué à ce médium. En explorant ces techniques soit seuls, soit avec des professionnels, ils sont reconnus pour leurs travaux et pour leurs estampes. L'estampe canadienne contemporaine ne présente pas de thématique ou de style propre, bien qu'on puisse discerner des caractéristiques régionales au niveau des tendances et des préoccupations (voir PEINTURE). Toutefois, d'une manière générale, l'estampe canadienne est le produit de la créativité artistique et du sens esthétique des individus qui la produisent. Voir aussi GRAVURE INUITE.
BENTE ROED
Développements récents
Depuis un quart de siècle, la gravure a fait une réapparition, non plus comme médium réservé aux graveurs mais comme médium utilisé par des artistes d'autres disciplines. Deux raisons expliquent ce phénomène : la capacité de la gravure d'améliorer les techniques utilisées habituellement par un artiste et la nécessité financière de pénétrer des secteurs du marché des oeuvres d'art où les prix baissent avec le nombre d'exemplaires produits.
La plupart des estampes canadiennes sont produites dans des ateliers coopératifs appartenant à un réseau national géré par les artistes, ainsi que dans des ateliers privés. On peut trouver une liste de plus de 50 ateliers de gravure dans Impressions: A Canadian Printmakers Handbook [publié par la Malaspina New Printmakers Society (1991), Vancouver B.C.]
La plupart de ces ateliers fournissent aux artistes professionnels divers services tels que la location de locaux entièrement équipés, des endroits pour exposer et vendre, des programmes de formation et de l'aide pour l'impression. Beaucoup offrent aussi des programmes d'artistes en résidence, qui permettent aux artistes canadiens, y compris à des artistes provenant de communautés culturelles variées, de créer un projet avec la gravure comme médium. La sélection pour les expositions et les résidences se fait habituellement après examen des candidatures.
Les ateliers de gravure continuent de jouer un rôle important dans la transition de l'école à la pratique professionnelle indépendante. Les coûts élevés rattachés à l'installation de leur propre atelier poussent les artistes à recourir aux ateliers coopératifs pour les aider dans leur travail de graveurs. Ces ateliers encouragent les initiatives créatives, paient les artistes, offrent un support communautaire et deviennent un forum où les artistes peuvent partager leurs préoccupations techniques et esthétiques.
Beaucoup de départements d'arts de niveau postsecondaire conservent un programme de gravure d'art, mais certains établissements plus petits ont réduit ce secteur depuis quelques années. Beaucoup d'ateliers de gravure d'art multiplient leurs programmes de formation pour répondre à la demande.
Depuis quelques années, les graveurs se tournent vers le développement de nouvelles technologies et l'élargissement de leurs techniques, à des techniques qui ne sont pas propres à la gravure : intégration de la gravure à des installations, sculpture, travaux d'édition et utilisation de la technologie numérique pour les matrices. On constate aussi des changements dans le travail en atelier des artistes soucieux de l'environnement. Les encres d'impression à base d'eau rendent plus respirable l'atmosphère de ces ateliers qui était parfois insupportable, surtout dans les ateliers de sérigraphie. Le nettoyage avec des huiles végétales plutôt qu'avec des essences minérales et l'utilisation de chloride de fer comme acide permettent aux graveurs de réduire le plus possible les toxines dans l'air.
Au Canada comme sur l'ensemble des marchés de l'art, les débouchés sont plutôt restreints pour les gravures d'art faites à la main. Parmi les galeries qui exposent régulièrement des estampes, citons Canadian Art Galleries (Calgary), Ciparis/Lennox Gallery (Toronto), Edward Say (Toronto et Kingston), Emma Butler (St. John's), Harbinger Gallery (Waterloo), Mira Godard (Toronto) et Scott Gallery (Edmonton). Les estampes sont surtout vendues dans les grands centres par des conseillers en oeuvres d'art indépendants. On voit réapparaître depuis peu des éditeurs comme Paul Conway (Toronto) qui publient des albums d'estampes de certains des meilleurs artistes canadiens contemporains : Stephen Andrews, Cathy Daley, Jeannie Thib, Kim Moodie, Micah Lexier et Mitch Robertson.
Même si on peut acheter chez n'importe quel encadreur des images annoncées comme estampes, il s'agit habituellement de reproductions d'oeuvres d'art exécutées avec d'autres médiums, peintures à l'huile ou aquarelles par exemple. La différence entre les estampes originales à tirage limité et les reproductions signées soulève encore de nombreux débats.
Il y a peu d'expositions importantes d'estampes au Canada. Cependant, depuis 1995, Ernst & Young commandite, en collaboration avec le magazine Canadian Art, la Great Canadian Printmaking Competition, qui offre chaque année des prix en argent à trois artistes et organise une exposition de leurs oeuvres. Voici les lauréats (classés en ordre descendant) : (1995) John Hartman, Lorène Bourgeois, Robert Achtemichuk; (1996) Liz Parkinson, Sean Caulfield, Stu Oxley; (1997) Ludmila Armata, Steven Dixon, Karen Dugas; (1998) Ina Levytsky, Sandra Rechico et Tracy Templeton.
La Sightline Conference, organisée en 1998 par l'U. de l'Alberta, a réuni des graveurs canadiens et étrangers pour discuter des nouvelles tendances et voir leurs travaux respectifs.
JANICE CARBERT, ROBERT ACHTEMICHUK
Auteurs ayant contribué à cet article: