M. Harold Toth s'enrôla en décembre 1950 pour un contrat de trois ans avec les Forces canadiennes. Il fut déployé en Corée peu de temps après l'armistice de juillet 1953 et servit là-bas avec le Queen’s Own Rifles of Canada.
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Transcription
Lorsque nous avons reçu nos positions, chaque compagnie est partie vers sa propre région, et à ce moment-là, mes deux officiers étaient [lieutenant Milton Cameron] Vipond et [lieutenant Charles] Belzile [qui a plus tard pris sa retraite avec le grade de lieutenant-général], deux gars formidables, et les deux étaient des officiers subalternes. Ils avaient un sens de l’humour que notre major n’appréciait pas tellement parfois, mais nous nous entendions très bien. Harrington était notre major à l’époque et notre commandant était naturellement [lieutenant Colonel W. H. V.] Matthews. La plupart des officiers étaient vraiment bons. Ils étaient tous très jeunes. Je n’ai jamais réellement eu trop de problèmes de toute façon.
L’entrainement là-bas était très sévère. Nous devions prendre des positions pour voir le 38e parallèle [déterminant la frontière entre les deux Corées]. Évidemment, nous avions tous les yeux rivés dessus la première fois, mais nous faisions attention parce que nous ne savions pas ce qui se passait. Je me souviens d’une nuit où j’étais de garde sur le 38e parallèle et il y a eu un bruissement dans les feuilles pas trop loin de nous. Naturellement, nous avons pensé qu’il s’agissait d’un Nord-Coréen s’approchant, mais c’était un chevreuil. Après cela, nous sommes restés sur le qui-vive. N’importe quel bruit que nous entendions attirait notre attention.
L’entrainement en Corée a été plutôt une formation d’un jour. N’oubliez pas, nous étions des gardiens de la paix [les Queen’s Own Rifles ont été déployés en Corée après l’armistice du 27 juillet 1953]. Nous n’étions pas en guerre, et nous devions également travailler avec des gens contrairement à ceux qui étaient allés au combat. Je me souviens qu’une nuit, ils en ont ramené plusieurs qui avaient tenté de sortir de la Corée du Nord, et nous les avions capturés et nous les avions… Évidemment, c’était notre première tentative à faire quelque chose du genre, et ils étaient si reconnaissants d’être en Corée du Sud, et cela m’a toujours marqué de voir à quel point ces Coréens étaient remplis de gratitude pour la vie qu’ils ont en Corée du Sud.
Cela a complètement changé mon attitude envers le peuple coréen lui-même. Même maintenant je ferais tout pour un Coréen et je suis certain qu’ils feraient de même pour moi. Je crois que le plus dur était de voir les enfants arriver avec des parents. Quatre-vingt-dix pour cent n’étaient pas leurs parents, ils étaient des amis ou quelque chose du genre qui amenaient les enfants avec eux, et les enfants étaient tous mutilés. Il leur manquait des bras qui avaient été cassés ou coupés en raison de blessures. Certains n’avaient qu’une jambe. Et nous étions complètement déconcertés de voir à quel point ils étaient nombreux.
Je ne travaillais pas vraiment avec le corps médical, mais Vipond et moi étions rattachés à la section d’éducation du Queen’s Own, ce qui veut dire que nous devions mettre en place des classes dans le bataillon pour que les gars puissent aller à l’école. N’oubliez pas que beaucoup d’entre eux venaient des Maritimes. Ils n’avaient pas l’éducation que les gens ont maintenant lorsqu’ils s’enrôlent. Mais ils étaient certainement désireux d’apprendre. Parfois, je n’arrivais pas à croire ce que j’entendais, d’où ils venaient. Je pensais: « Mais comment as-tu réussi à t’enrôler ? » Mais ils y arrivaient. Et ils allaient là-bas.
En Corée, la vie était différente. Lorsque nous sommes d’abord arrivés là-bas, nous vivions dans des tentes, et puis nous avons déménagé de notre zone de tentes à un endroit qu’on appelait Maple Leaf Centre. Le Maple Leaf Centre était un secteur de huttes Quonset que nous avons pratiquement construit, ou du moins aidé à construire [une hutte Quonset est une structure préfabriquée et légère avec section transversale semi-circulaire]. Les quartiers des officiers étaient situés plus haut sur la colline et ils avaient, eux aussi, des huttes Quonset comme les nôtres. C’est à ce moment-là que j’ai été transféré au quartier général, et une fois au quartier général, vous étiez… quel que soit l’emploi qui se présentait à vous, c’était votre emploi. Vous le faisiez, tout simplement. Cela vous permettait d’éviter beaucoup de travail sur le terrain de rassemblement, mais lorsque vous étiez à l’école des sous-officiers, vous aviez besoin de ce travail de terrain de rassemblement pour réussir le cours. Hé bien, je n’ai pas eu un très bon résultat avec cela. Je n’ai pas réussi mon cours de sous-officier la première fois. La deuxième fois, je l’ai finalement réussi. Mais c’était difficile parce qu’en travaillant au quartier général, on ne savait pas ce qui se passait sur le terrain. La qualification pour le champ de tir ne posait pas de problème. Tout le monde réussissait cela. Si vous ne réussissiez pas, vous restiez là jusqu’à ce que vous réussissiez.
OK, à la fin du cours, on nous avait promis que nous retournerions à la maison après huit mois, je crois, mais notre colonel est arrivé et nous a dit: «Soyez indulgents, nous devons rester ici encore six semaines. » Je crois qu’il a fait ça trois fois, ce qui était très décourageant pour certains des gars. Moi, ça ne me dérangeait pas. J’étais prêt à rester aussi longtemps que… Une fois de retour au Canada, ça ne serait pas long avant que je parte pour l’Allemagne [avec les forces d’occupation de l’Armée canadienne]. C’est ce que je voulais. Mais cela ne s’est jamais produit. J’ai quitté avant que cela ne se produise.
Mais de toute façon, le reste du temps en Corée a été à peu près toujours la même chose. Nous avons traversé les saisons, les saisons chaudes, et la saison des pluies, et puis peu de temps avant notre départ, il y a eu un incendie dans une hutte Quonset, et dans cet incendie, mon ami Vipond est décédé [en mars 1955], et ça a été très difficile d’aller au cimetière et de savoir que nous le laissions derrière. Mais en avril [2012], j’ai eu le privilège d’aller en Corée, et je suis allé visiter sa tombe, et c’était étrange parce que le jour où je suis allé le visiter, il a plu aussi fort que le jour où nous l’avions enterré. Il y avait tellement d’eau, il pleuvait à siaux. Et comme si je lui parlais, je lui ai dit: « La dernière fois que je t’ai vu, il pleuvait, et cette fois-ci, je pleut encore. » Et j’ai ri tout seul de cette erreur. Mais cela m’a fait du bien d’aller voir sa tombe, et de voir le reste des autres soldats canadiens qui sont là-bas.