La première image imprimée relative au Canada est une vue à vol d’oiseau d’Hochelaga et de ses environs, publiée par Giovanni Ramusio à Venise en 1556. Cette vue fantaisiste tient davantage des idées préconçues de cet artiste inconnu sur la nature du pays entourant la future ville de Montréal qu’à sa source la plus immédiate, la description écrite de Jacques Cartier au sujet de sa visite dans la communauté des Haudenosaunee en 1535.
Représentations des explorateurs et des commerçants
Les représentations graphiques ultérieures des faits bruts rapportés par les explorateurs et les commerçants doivent dépendre des capacités d’interprétation des graveurs qui n’ont jamais visité les sites qu’ils dépeignent. On peut en dire autant des croquis de Samuel de Champlain, publiés dans ses récits de voyage entre 1604 et 1632; de Marc Lescarbot, dans son Histoire de la Nouvelle-France (1609); du botaniste J.P. Cornut, dans son Canadensium Plantarum (1635-1662); du père François Du Creux, dans son Historia Canadensis (1660); et du père Louis Hennepin, dans le Nouveau Voyage d’un païs plus grand que l’Europe (1698), où l’on trouve la première représentation connue des chutes Niagara et peut-être la première véritable illustration d’un paysage canadien. Dans chaque cas, une expérience de première main est traduite par une deuxième ou une troisième personne.
La Nouvelle-France ne produit ses propres images gravées qu’après 1760, car elle ne dispose ni du marché ni des presses nécessaires à l’impression des plaques de cuivre. Toutefois, l’expansion de la colonisation britannique dans les Maritimes et dans le Haut-Canada inclut non seulement des imprimeurs et des éditeurs (et des lecteurs), mais également des artistes et des graveurs. Les vues et les cartes des topographes Thomas Jefferys, Richard Short et du capitaine Hervey Smyth, publiées au début des années 1760, de J.W. Desbarres, auteur de The Atlantic Neptune dans les années 1770 et 1780, et de Joseph Bouchette dans les années 1830, témoignent de l’intérêt déclenché en Angleterre par la présence britannique en Amérique du Nord. Ces représentations de Halifax, de Québec et d’autres endroits et d’autres vues peuvent être décrites comme étant des « illustrations » seulement dans la mesure où elles sont publiées en plusieurs formats reprographiques, généralement sous forme de portfolios reliés ou non, avec un minimum de texte.
Artistes militaires
Presque dès les débuts, les explorateurs de l’extrême ouest du Canada, de l’extrême nord de la côte du Pacifique et des régions de l’Extrême-Arctique se sentent obligés d’étayer leurs rapports avec leurs propres croquis ou aquarelles ou ceux de leurs collègues. Cette tradition, inculquée dans les collèges navals et militaires comme discipline visant à aiguiser la perception et à aider à déterminer le positionnement de l’artillerie, s’étend des années 1770 aux années 1870, à peu près.
Cette tradition inclut les journaux et les récits de voyage publiés par des gens comme James Cook (dont l’artiste de bord est John Webber), John Meares, Samuel Hearne, George Vancouver, sir John Ross (dont le Voyage of Discovery... in His Majesty’s Ships Isabella and Alexander de 1819 contient une aquatinte d’après un dessin d’un passager clandestin inuit du Groenland, nommé John Sackhouse ou Saccheuse), Edward Parry, G.F. Lyon, Robert Huish et F.W. Beechey.
George Back est sans aucun doute l’auteur-artiste associé aux latitudes boréales le plus accompli. Ses aquarelles peintes sur place sont d’abord reproduites aux côtés de celles du tout aussi talentueux Robert Hood dans les récits des expéditions arctiques de 1823 et de 1828 de sir John Franklin. Les propres esquisses de George Back, gravées par Edward Finden, illustrent son ouvrage Narrative of the Artic Land Expedition to the North of the Great Fish River... (1836), mais les difficultés de son dernier voyage, qui frôle le désastre et qu’il raconte dans Narrative of an Expedition in HMS Terror... in the Years 1836-37, le forcent à confier le rôle de dessinateur à son premier lieutenant William Smyth.
La disparition de l’expédition de 1845 de sir John Franklin ravive la fascination du public pour les régions polaires et subpolaires, comme en témoignent plusieurs récits illustrés. Cependant, au tournant du siècle, après la conquête du pôle Nord et la traversée du passage du Nord-Ouest, l’attention des lecteurs et des éditeurs se tourne vers l’Antarctique; l’archipel et les îles de l’Arctique ne voient des expéditions semblables que lorsqu’elles sont entreprises à des fins artistiques par des membres du Groupe des Sept dans les années 1920 et 1930.
Vers les années 1770, un nouveau genre fait son apparition sous la forme de récits illustrés de voyages terrestres et leurs équivalents en fiction et en poésie (voir Littérature de langue anglaise sur les explorations). L’arrivée en Amérique du Nord d’entrepreneurs, de colons, de touristes, de naturalistes, d’arpenteurs et de traiteurs de fourrures qui ont un penchant pour la tenue de journaux personnels et les descriptions donne lieu à une vaste littérature. Ces documents sont souvent accompagnés d’interprétations gravées ou lithographiées des paysages, des édifices et des gens rencontrés au cours de voyages le long des voies navigables et des sentiers, des routes et des chemins de fer.
Le volume le plus agréable, d’un point de vue artistique aussi bien que littéraire, est peut-être Travels Through the Canadas (1807) de George Heriot, un amateur talentueux qui s’exprime dans le style pittoresque qui est en vogue à cette époque.
L’année 1842 voit l’apparition de deux publications particulièrement réussies et influentes à Londres : Sketches in the Canadas de Coke Smyth, et Canadian Scenery from Drawings by W.H. Bartlett de N.P. Willis, la première étant illustrée de lithographies et la deuxième de gravures. Toutefois, au milieu du siècle, l’intérêt des Britanniques commence à s’estomper et les éditeurs d’Amérique du Nord prennent la relève et publient des guides de voyage et d’immigration, des récits et des collections de vues destinés au lectorat européen et, de plus en plus, au lectorat national.
Introduction de l’imprimerie
L’arrivée de l’imprimerie en Nouvelle-Écosse et au Québec dans les années 1760 et 1770, et dans le Haut-Canada dans les années 1790, ne bénéficie pas aux artistes en arts visuels initialement. Ce qui est considéré comme étant la première image imprimée du Canada, une vue de Halifax, est publiée dans le Nova Scotia Calendar de 1776.
Les premières gravures de paysages réalisées au Canada sont possiblement publiées en 1792 dans La Gazette de Québec de John Neilson. Elles dépeignent une vue de Québec et une autre des chutes Montmorency et sont réalisées par J. Painter et J.G. Hochstetter respectivement. Le premier portrait gravé connu, également de J.G. Hochstetter, est publié la même année dans le Quebec Magazine. La capitale du Bas-Canada demeure le centre des arts graphiques et de l’imprimerie jusqu’à l’essor de Montréal dans les années 1850, puis de Toronto dans les années 1870 et 1880.
The Picture of Quebec, un ouvrage rédigé et illustré par George Bourne, est publié à Québec en 1829 par David Smillie & Sons; en 1830, Adolphus Bourne fait paraitre des vues de Québec par R.A. Sproule; et surtout, Thomas Cary and Sons publie Quebec and its Environs du topographe militaire James P. Cockburn en 1830; l’ouvrage Hochelaga Depicta (1839) de Bosworth Newton, qui présente des lithographies d’après des peintures de James D. Duncan est publié à Montréal; et The British American Cultivator (1842), avec des gravures sur bois de Frederick C. Lowe, est publié à Toronto.
Jusqu’à cette époque, le manque de graveurs et de lithographes qualifiés pour reproduire des dessins ou des peintures entrave l’amélioration des standards de publication des illustrations. Les travaux doivent habituellement être envoyés en Europe ou aux États-Unis, jusqu’à ce qu’on parvienne à attirer des praticiens étrangers qualifiés au Canada. Bien qu’inventée en 1776, la lithographie est introduite dans le Haut-Canada seulement en 1830, lorsque Samuel Tazewell établit brièvement une presse lithographique à Kingston.
C’est cependant à Hugh Scobie de Toronto que revient le mérite de faire un succès de cette nouvelle technologie, et les possibilités de ce mode de reprographie encombrant mais économique ne commencent à être véritablement explorées que lorsque la lithographie à la pierre de couleur et son successeur, la chromolithographie, ainsi que leur instigateur, la presse rotative à vapeur, prennent de l’importance au milieu du siècle. En 1859, Paul Kane, auteur du livre illustré sans doute le plus important du 19e siècle, Wanderings of an Artist, doit faire appel à un éditeur de Londres pour s’assurer que ses peintures et ses aquarelles soient correctement transposées en chromolithographie et en gravure sur bois.
Agnes Dunbar Chamberlin doit se contenter de colorier à la main les lithographies en noir et blanc tirées de ses aquarelles pour illustrer Canadian Wild Flowers (1868) de Catharine Parr Traill, qui ne parait en chromolithographie qu’en 1885.
Au début, l’utilisation la plus courante de la lithographie est d’illustrer les atlas de comtés. Plus tard, elle est adaptée à la création d’affiches et de panneaux publicitaires, et de cartes de qualification et d’étiquettes. La Toronto Lithographing Company se spécialise dans tous ces domaines et peut se vanter, dans les années 1890, d’être l’une des plus grandes et plus avancées des compagnies de ce genre en Amérique du Nord. Son département artistique emploie un certain nombre des artistes illustrateurs les plus connus de l’époque, dont W.D. Blatchly, William Bengough, J.D. Kelly, C.W. Jefferys et J.E.H. MacDonald. En 1909, la compagnie est absorbée par la Stone Ltd., qui s’associe ensuite à Rolph and Clark pour former la Rolph, Clark, Stone en 1917. Les villes de Hamilton, Montréal et Ottawa comptent également d’importants ateliers de lithographie.
Gravure sur bois
La gravure sur bois arrive à Toronto en 1849 avec l’arrivée de John Allanson, originaire de Newcastle, qui a été formé par le maitre de la gravure à ligne blanche William Bewick. Les Anglo-American Magazine et Canadian Journal de John Allanson, tous deux lancés en 1852, comprennent des illustrations de vues de Hamilton, de Kingston et de Toronto. La qualité demeure variable cependant, jusqu’à ce que Frederick Brigden père immigre de Londres à Toronto. Rachetant la compagnie de ses partenaires, les frères Beale, il la renomme d’abord la Toronto Engraving Co., et ensuite Brigden’s Ltd. Il se spécialise dans les catalogues, les journaux et les périodiques.
La compagnie s’adapte aux nouveaux procédés photomécaniques qui apparaissent dans les années 1880, et elle prospère sous la direction du fils de Frederick Brigden père, l’artiste F.H. Brigden. La compagnie Brigden’s ouvre une succursale à Winnipeg qui, comme son homologue de Toronto, attire plusieurs illustrateurs reconnus qui se font également une réputation comme peintres et graveurs, dont Charles Comfort, H.E. Bergman et Fritz Brandtner.
La rareté de graveurs experts à Montréal et le nombre croissant de photographes qualifiés peuvent avoir incité le graveur William A. Leggo à concevoir le tout premier procédé de reprographie au monde, le leggotype, en 1869. Cette année-là, le premier magazine imprimé en similigravure au monde parait dans le premier numéro du Canadian Illustrated News publié par G.-E. Desbarats. Le magazine survit jusqu’en 1883 et est illustré avec des leggotypes jusqu’en 1871, année où des problèmes techniques forcent G.-E. Desbarats à retourner à la gravure au trait comme technique de base.
Parmi les illustrateurs de renom qu’il emploie se trouvent William Cruikshank et F.M. Bell-Smith, qui couvrent la scène de Toronto, et Henri Julien, l’artiste de l’hebdomadaire de Montréal. Bien que sa base de population et sa clientèle publicitaire ne sont pas suffisantes pour soutenir une entreprise aussi ambitieuse, le journal inspire des imitateurs, y compris L’Opinion publique de G.-E. Desbarats lui-même (le journal L’Opinion publique partage le contenu visuel avec CIN mais est indépendant sur le plan éditorial), et le Dominion Illustrated News, le Canadian Graphic et le Saturday Night, qui célèbre son 100e anniversaire de publication continue en 1987.
Grip est une revue consacrée à la politique produite par J.W. Bengough. Ce dernier est l’auteur de A Caricature History of Canadian Politics (Toronto, 1886), et crée la Grip Printing and Publishing Company qui, en collaboration avec la Toronto Litho Company, publie le Canadian War News qui couvre la Résistance du Nord-Ouest de 1885. Grip Ltd., la compagnie de graphisme issue de la maison d’édition, emploie éventuellement Tom Thomson et la plupart des membres du Groupe des Sept, tous formés comme photograveurs, lithographes ou illustrateurs.
Le départ de leur directeur artistique, A.H. Robson, en 1912 les incite à le suivre chez Rous and Mann Limited, une entreprise rivale, ou à tenter de faire carrière à plein temps en tant que peintres de la nature sauvage canadienne. Franklin Carmichael et A.J. Casson, deux membres du Groupe, sont par la suite attirés par Sampson-Matthews, le chef de file en sérigraphie à Toronto.
La plus ambitieuse initiative canadienne d’édition de gravure sur bois est Picturesque Canada. Avec des textes de George Monro Grant, la publication parait sous forme de série en 1882-1884 chez Art Publishing Company, et sous la forme d’un livre en deux volumes en 1884. Les éditeurs, H.R. et R.B. Belden, sont des expatriés américains qui ont commencé au Canada dans la production d’atlas illustrés de comtés.
Le directeur artistique, L.R. O’Brien, commence à choisir ses sujets et à commander des œuvres à des artistes et à des graveurs dès 1880. Il rencontre de la controverse presque immédiatement; cependant, son argument selon lequel il existe un manque de Canadiens qualifiés et que des étrangers doivent donc être chargés de dépeindre son pays suscite la fureur de son principal rival, John A. Fraser, et précipite le départ de celui-ci pour les États-Unis en 1882.
Les contributeurs canadiens sont L.R. O’Brien lui-même, John A. Fraser, Henry Sandham, O.R. Jacobi, le marquis de Lorne, William Raphael, F.M. Bell-Smith et Robert Harris. Le contingent américain, dirigé par Frederick B. Schell et J. Hogan, est beaucoup plus nombreux que son homologue canadien.
Revers dans les années 1870 et 1880
La déception causée par Picturesque Canada et les dépressions économiques des années 1870 et 1880 poussent de plus en plus de Canadiens à émigrer vers le sud, menés par John A.Fraser et Henry Sandham, qui connaissent tous deux un certain succès en tant qu’illustrateurs de livres et de périodiques dans les dernières décennies de ce qui est appelé « l’âge d’or du noir et blanc ». Leur percée sur le marché américain attire un nombre croissant d’artistes en quête d’emplois bien rémunérés dans le domaine de l’illustration de magazines, de journaux et de livres.
La vague, qu’ont anticipée le caricaturiste Palmer Cox (créateur de « The Brownies »), le portraitiste Wyatt Eaton et le peintre animalier et écrivain Ernest Thompson Seton, inclut le frère de J.A. Fraser, W.L. Fraser, qui publie le Century Magazine, Jay Hambidge, qui devient plus tard un éminent théoricien de l’art, Charles Broughton et William Bengough, dont le départ de Toronto en 1892 inspire leurs contemporains C.W. Jefferys, David F. Thomson et Duncan McKellar à les suivre.
Bien que le mal du pays et le remplacement du rôle d’illustrateur par celui de photographe en pousse plusieurs à retourner au Canada, quelques privilégiés demeurent pour récolter les fruits à venir : Arthur Crisp, Arthur William Brown, Harold Foster, Robert Fawcett et Norman M. Price, ce dernier étant un illustrateur de livres et de revues qui s’est d’abord fait un nom à London en Ontario comme membre fondateur des Carlton Studios. Cette maison innovatrice de graphisme publicitaire et éditorial, fondée en 1902, naît de l’imagination de quatre anciens employés de Grip Ltd. et membres de la Toronto Art Student’s League, soit Norman M. Price, A.A. Martin, Arthur Goode et T.G. Greene, et elle emploie J.E.H. MacDonald de 1904 à 1907. Thomas Mower Martin, peint des aquarelles de paysages pour Canada (1907) de Wilfred Campbell, le successeur le plus luxueux de Picturesque Canada, dont la couverture porte le logo des Carlton Studios.
La Toronto Art Student’s League (fondée en 1886) défend la cause de l’illustration canadienne et du nationalisme canadien avec des calendriers souvenirs annuels qu’elle publie entre 1893 et 1904. Parmi les contributeurs actifs des bordures décoratives, des lettrages et des dessins, qui après 1895 portent sur des thèmes explicitement canadiens, sont C.W. Jefferys, C.M. Manly, Robert Holmes, F.H. Brigden, A.H. Howard, D.F. Thomson, J.D. Kelly, T.G. Greene, A.A. Martin, Norman Price et J.E.H. MacDonald. La conception des couvertures « art nouveau » de R.W. Crouch, par ailleurs méconnu, est particulièrement impressionnante.
Destinés à mettre en valeur non seulement les talents de ses contributeurs aux clients et aux critiques potentiels, mais également le niveau de qualité de reproduction atteint par leurs imprimeurs, les calendriers sont la preuve que le remplacement de la gravure manuelle par la photogravure n’est pas le désastre que certains adversaires du nouveau médium avaient prédit. Bien qu’ils trahissent l’influence des meilleurs illustrateurs et concepteurs américains et européens de l’époque, ils apportent une note distinctement canadienne, à la fois dans le style et le contenu.
Bien que la Toronto Art Student’s League soit dissoute en 1904 pour être remplacée par le Maulstick Club, le Graphic Arts Club (plus tard la Société canadienne des arts graphiques) et le Arts and Letters Club, son héritage survit non seulement dans le travail de son membre le plus prolifique et le plus connu, C.W. Jefferys, mais également dans les peintures, les illustrations et l’enseignement de C.M. Manly, de Robert Holmes, de F.H. Brigden et de J.E.H. MacDonald, le chef spirituel du Groupe des Sept.
C.W. Jefferys devient éventuellement l’illustrateur le plus polyvalent du Canada, et il se spécialise autant dans le domaine de l’éditorial et du livre que dans le journal et la publicité. Le livre Uncle Jim’s Canadian Nursery Rhymes (1908), avec des textes de David Boyle et les dessins de C.W. Jefferys, serait probablement le premier livre pour enfants illustré en couleur au Canada, mais en raison de la faillite de son imprimeur britannique, il n’est jamais été distribué dans son pays d’origine.
De la même façon, ses plus grandes réussites en matière d’illustrations sont les dessins à la plume qu’il prépare pour un projet d’édition, qui est annulé, des œuvres de Thomas Chandler Haliburton en 1915 (bien qu’il soit publié en 1956 après son décès sous le titre de Sam Slick in Pictures). Ses seuls rivaux sérieux en tant qu’artistes historiques sont ses contemporains J.D. Kelly, connu surtout pour sa série de peintures réalisées pour Confederation Life, et Rex Woods, le successeur de J.D. Kelly, qui est probablement le praticien le plus accompli techniquement dans le domaine. Ses équivalents à Québec sont Henri Julien (en tant que maitre du dessin à la plume) et E.-J. Massicotte qui, après 1918, produit des centaines de dessins, de peintures et de gravures dépeignant la vie et les coutumes de l’habitant canadien-français.
Ces sujets sont la spécialité de F.S. Coburn, reconnu comme illustrateur pour ses interprétations à l’huile et à la plume de la poésie en dialecte de W.H. Drummond, publiée à New York par G.P. Putnam’s Sons. Des images plus authentiques sur le plan ethnique sont créées par le peintre symboliste Ozias Leduc pour le livre Claude Paysan (1869) du docteur E. Choquette, et Contes canadiens (1899) de Benjamin Sulte; par J.C. Franchère dans les décorations pour son propre ouvrage Chansons canadiennes (1907); et par M.-A. Suzor-Coté pour le livre de fiction le plus fréquemment illustré du Québec, Maria Chapdelaine (1916) de Louis Hémon.
Les magnifiques peintures à la tempera de Clarence Gagnon produites pour une édition parisienne de luxe de ce roman constituent probablement la plus belle série d’illustrations de livre réalisée dans ce pays, bien que les illustrations de Clarence Gagnon pour Le Grand silence blanc (1929) de L.F. Rouquette, les suivent de près.
Illustration et conception au début du 20e siècle
Les artistes canadiens-anglais « légitimes » ne sont pas non plus réticents à s’essayer à l’illustration et à la conception au cours du premier tiers du 20e siècle alors qu’ils sont encouragés par les politiques éditoriales et artistiques éclairées d’éditeurs bienveillants comme McClelland and Stewart Inc., Ryerson Press (sous la direction de Lorne Pierce), Ottawa’s Graphic Press, Macmillan (Canada), J.M. Dent (Canada) Ltd., Musson et Rous and Mann Press Ltd.
Les membres du Groupe des Sept, J.E.H. MacDonald, F.H. Varley, A.Y. Jackson, Arthur Lismer, F.H. Johnston, Frank Carmichael et Edwin Holgate, font tous d’importantes contributions à la modernisation du livre illustré dans les années 1920 et 1930, tout comme leurs contemporains Stanley Turner, W.J. Phillips, Bertram Brooker, J.W.G. Macdonald, Robert Pilot, Charles Comfort et A.C. Leighton.
Thoreau MacDonald, fil de J.E.H. MacDonald, mérite le titre de concepteur et d’illustrateur de livres le plus doué et le plus aimé au Canada grâce à ses œuvres en noir et blanc hautement caractéristiques pour Canadian Forum, Ryerson Press et sa propre maison d’édition, Woodchuck Press. Sa production s’étend sur six décennies, des années 1920 aux années 1970. Bien que souvent imitée, elle n’est jamais égalée.
Au cours des deux guerres mondiales, les graphistes du Canada, tout comme les peintres et les sculpteurs, sont appelés à soutenir l’effort national en contribuant aux campagnes de propagande organisées par le gouvernement fédéral et l’industrie (voir Programmes canadiens d’art militaire). La forme la plus remarquable de leurs contributions est les affiches, et Arthur Keillor est l’exposant le plus doué d’entre eux dans ce domaine au cours de la Première Guerre mondiale. Durant la Deuxième Guerre mondiale, Harry Mayerovitch, un protégé de John Grierson de l’Office national du film, est celui qui se distingue le plus.
L’illustration après la Deuxième Guerre mondiale
Après la Deuxième Guerre mondiale, l’illustration de magazines connait un bref essor et est basée sur le modèle américain, à la fois dans le domaine éditorial et dans le domaine publicitaire, bien que la photographie domine de plus en plus les médias imprimés populaires. Plusieurs artistes se font une réputation considérable à titre d’illustrateurs et de concepteurs graphiques, y compris des peintres qui exposent régulièrement dans la tradition des doubles vocations établie au Canada dans les années 1880 et 1890; par exemple Franklin Arbuckle, William Winter, J.S. Hallam, Jack Bush, Oscar Cahén et Harold Town.
L’attrait des États-Unis se fait de nouveau fait sentir chez plusieurs des meilleurs talents. Contrairement à son ex-compatriote Doug Johnston qui atteint le sommet dans sa profession à New York dans les années 1970, James Hill retourne dans sa ville natale de Toronto à la fin de la même décennie. Bien que marché canadien de l’art commercial est moins lucratif, il est également moins férocement compétitif que celui de son voisin américain.
L’illustration de périodiques connait une renaissance dans les dernières décennies grâce à une demi-douzaine environ de directeurs artistiques qui donnent leur chance à une nouvelle génération d’illustrateurs. Plusieurs de ses membres profitent des portes que leur ouvre le départ vers le sud de leurs mécènes et leurs mentors, et ils font leur entrée dans les magazines sur papier glacé à gros tirage. La précarité de la scène éditoriale canadienne, illustrée par la disparition d’anciens lieux de publication comme Liberty, Canadian Home Journal, Mayfair et Weekend Magazine, signifie que les marchés sûrs pour du travail de qualité demeurent peu nombreux et que les salaires sont relativement faibles. À ce moment-là, et sans doute pour un certain temps encore, le plus haut degré d’expérimentation et d’innovation se trouve dans le domaine spécialisé de l’infographie.
Au cours des 30 dernières années, l’illustration de livres se limite de plus en plus à la littérature pour enfants et aux manuels scolaires, ainsi qu’aux livres d’artiste à tirage limité. Parmi les noms les plus connus associés à la première catégorie de la période des années 1950 jusqu’aux années 1970 figurent Fred J. Finley, Selwyn Dewdney, John A. Hall, Leo Rampen, John Marden, Lewis Parker, Vernon Mould, Frank Newfeld, Carlos Marchiori, Elizabeth Cleaver et Laszlo Gal. Plusieurs d’entre eux sont également les auteurs des livres qu’ils illustrent, comme c’est le cas de R.D. Symons, Annora Brown, Illingworth Kerr, Clare Bice, James Houston, William Kurelek, Shizuke Takashima, Ian Wallace et Ann Blades.
Clare Bice, Illingworth Kerr et William Kurelek sont typiques des peintres et graveurs sérieux qui réussissent à faire des incursions notables dans le domaine de l’illustration de livres au cours des dernières décennies. Ceci inclut également Jean-Paul Lemieux, D.C. MacKay, Jack Shadbolt, Eric Aldwinckle, Philip Surrey, Allan Harrison, Lorne Bouchard, Saul Field, Laurence Hyde, Joe Rosenthal, Aba Bayefsky, Louis de Niverville, Dennis Burton, Tony Urquhart, Gordon Rayner, Greg Curnoe, Vera Frenkel, Paul Fournier, Charles Pachter et Glenn Priestley.
Un phénomène connexe est l’émergence de livres illustrés (et parfois écrits) par des Autochtones, un genre qui commence avec Raven’s Cry (1966) de Christie Harris et qui est illustré par Bill Reid, et Son of Raven, Son of Deer (1967) de George Clutesi. Cette tendance se poursuit avec les peintures de Norval Morrisseau pour Windigo and Other Tales of the Ojibways (1969) de H.T. Schwartz; Pitseolak: Pictures Out of My Life (1971) d' Ashoona Pitseolak; les images de Francis Kagige dans Tales of Nokomis (1975) de Verna Johnston; People from Our Side (1975) de Peter Pitseolak; et Qikaaluktut: Images of Inuit Life (1986) de Ruth Tulurialik.
DE la tradition instaurée par E.S. Thompson émerge une école dite des « peintres animaliers » dont le travail hautement détaillé s’apparente davantage à la description de l’illustration que celle des beaux-arts. On la retrouve entre les couvertures de piles de livres en couleur de format in-folio, dont la plupart sont imprimés à l’extérieur du Canada. Les plus connus de ces artistes naturalistes sont les peintres d’oiseaux J. Fenwick Lansdowne et T.M. Shortt, suivis de George McLean, Glen Loates, Robert Bateman et leurs nombreux imitateurs.
De nos jours, très peu d’illustrateurs canadiens, s’il s’en trouve, peuvent vivre exclusivement de leur art éditorial ou de l’illustration de livres. L’illustration comme métier et comme art survit en raison de l’amour et du respect que lui vouent une poignée d’éditeurs, d’auteurs, de critiques, d’historiens, de collectionneurs, de lecteurs et d’artistes qui entretiennent la flamme.
Malgré les carrières internationales d’artistes de la publicité et de l’édition dans les années 1970 et 1980, comme Barry Blitt, Bill Boyko, David Chestnutt, Julius Ciss, Heather Cooper, Ken Dallison, Blair Drawson, Gail Geltner, Roger Hill, Tina Holdcroft, Doug Johnson, Anita Kunz, Doug Martin, John Martin, Willi Mitschka, Dennis Noble, Ken Nutt, Bill Russell, Joe Salina, Mark Summers, James Tughan, Barry Zaid et Hans Zander, l’illustration, comme tous les autres arts, souffre durement de la récession qui frappe l’Amérique du Nord dans la dernière partie des années 1980.
Le nombre de débouchés pour un travail de grande qualité (et bien rémunéré) diminue considérablement, les honoraires chutent de manière drastique, et l’utilisation de photographies d’archives, d’images d’archives du domaine public et de l’infographie augmente alors que les annonceurs, les éditeurs et les directeurs artistiques cherchent à réduire les dépenses et à maximiser le pouvoir d’achat de leurs budgets réduits. Les magazines et les journaux ne peuvent pas espérer faire concurrence à la télévision, même si des études prouvent que la presse écrite est un meilleur véhicule pour transmettre certains messages et que les images fixes, combinées à la typographie, ont un effet plus durable sur certains auditoires que les commerciaux en prise de vue réelle et en images animées.
Pour se maintenir à flot durant cette période difficile, de nombreux illustrateurs forment des collectifs ou mettent des studios sur pied, passent du domaine éditorial à la publicité, développent de nouvelles compétences, signent avec des agents ou changent complètement de profession. Les conditions s’améliorent quelque peu dans les années 1990, du moins dans le centre du Canada et en Colombie-Britannique. Toutefois, les taux de rémunération n’atteignent toujours pas les sommets vertigineux des années 1970 et 1980, et le marché des périodiques n’est plus que l’ombre de lui-même.
Parmi les quelques magazines qui commandent régulièrement des illustrations se trouvent Saturday Night, Owl, Equinox, Canadian Homemaker et le défunt magazine Idler. Les illustrateurs peuvent promouvoir leur travail dans des journaux professionnels comme Creative Source, Studio et Applied Arts et dans leurs homologues internationaux (The Art Annual, Communication Arts et Graphis). Ils peuvent également se promouvoir en participant à des concours annuels, comme les prix du Art Directors' Club of Toronto, les National Magazine Awards, les Studio Magazine Awards et les prix Applied Arts Hotshots, et en étant membres du regroupement des Canadian Artists and Photographers in Communications (CAPIC), de la Society of Illustrators et du American Institute of Graphic Arts (AIGA).
L’association des CAPIC représente non seulement plusieurs des meilleurs illustrateurs du pays, mais elle rend également un précieux service sur le plan historique en conservant des archives d’illustrations et en organisant chaque année les CAPIC Lifetime Achievement Awards. Au cours des dix premières années d’existence de ce prix, les illustrateurs honorés sont: Franklin Arbuckle (1986), Clarence Gagnon (1987), Oscar Cahén (1988), James Hill et C.W. Jefferys (récipiendaire du Ivor Sharpe Award en hommage posthume; 1989), Will Davies (1990), Don Anderson (1991), Tom Bjarnason (1992), Lewis Parker (1993), Ken Dallison (1994) et Gerald Lazare (1995).
L’une des opérations les plus réussies à la fin des années 1980 et dans les années 1990 est la Toronto’s Reactor Art & Design Ltd., fondée en 1982 par Louis Fishauf et Bill Grigsby. Comme les Carlton Studios huit décennies auparavant, la Reactor fonctionne comme un studio de design graphique et d’illustration intégré latéralement et orienté vers les médias imprimés. Elle combine également une agence de publicité, une chambre de compensation, une maison d’édition et une galerie pour les expositions et la vente d’œuvres originales et de reproductions. Parmi ses designers/artistes importants se trouvent Jamie Bennett, Roxana Bikadoroff, Blair Drawson, Bob Fortier, Gail Geltner, John Hersey, Tom Hunt, Jeff Jackson, Jerzy Kolacz, Ross MacDonald, Simon Ng, Tomio Nitto, Bill Russell, Fiona Smyth, Jean Tuttle, Maurice Vellekoop, Tracy Wood, Ren, Zamic et Andreas Zaretzki. Une autre agence/maison d’art plus petite est Sharpshooter, également basée à Toronto, qui représente des illustrateurs comme Christine Bunn, Jacobson Fernandez, Anita Kunz et Wendy Wartzman.
Il existe un certain nombre de plus petites variantes de la formule de Reactor à travers le Canada, dans lesquelles un individu ou un atelier offre un certain nombre de services, comme l’illustration, la conception, le lettrage et la composition sous un même toit. Cette approche a pour avantage d’offrir au client un « point de vente unique » et de permettre à l’artiste/concepteur d’avoir le contrôle sur tous les aspects de son travail, ce qui se traduit par des œuvres plus intégrées et plus personnelles, comme c’est le cas, par exemple, de Neville Smith d’Ottawa, de Bob Hambly, Bill Frampton et San Murata de Toronto et de Barbara Klunder de Vancouver.
Malgré les probabilités démographiques défavorables à une telle réussite, les illustrateurs canadiens de livres pour enfants bénéficient aujourd’hui d’une renommée mondiale au moins égale à celle des auteurs canadiens de livres pour enfants, comme on peut le constater par leur forte présence à des événements comme la Foire du livre de jeunesse de Bologne et les ventes de droits internationaux qui y ont lieu chaque année. Bien que des éditeurs visionnaires soient principalement responsables de ce succès, la Société canadienne des auteurs, illustrateurs et artistes pour enfants, fondée à Toronto en 1977, joue également un rôle essentiel dans la promotion des talents canadiens, tant au pays qu’à l’étranger, et dans l’établissement de partenariats entre les différents créateurs et éditeurs d’œuvres culturelles pour enfants.
D’autres facteurs contribuent également à cette avancée, comme :
- le nombre croissant d’éditeurs de livres illustrés pour enfants, comme Annick Books, Groundwood Books, Kids Can Press, Scholastic Canada Ltd.;
- des vitrines comme le Milk International Festival for Children, l’événement littéraire annuel Word on the Street qui se tient simultanément sur la rue Queen à Toronto et dans les rues de Vancouver, Calgary, Ottawa et Halifax, ainsi que divers autres salons du livre provinciaux;
- des services comme le Canadian Children’s Book Centre (qui publie Children’s Book News) et la Boys' and Girls' House de la Bibliothèque publique de Toronto qui, avec les collections Osborne et Lillian H. Smith, possède l’une des plus grandes collections de livres pour enfants au monde;
- la publication de livres de référence tels que The New Republic of Childhood (1990) de Sheila Egoff et Judith Saltman, Meet Canadian Authors and Illustrators et le CANSCAIP Companion;
- l’apparition d’agents spécialisés dans la représentation d’illustrateurs et d’auteurs;
- les sections illustrées des différents prix honorant les contributions à la littérature pour enfants, comme le Mr Christie Award, le prix Smarties, le Elizabeth Cleaver Award, le Ruth Schwartz Award, le Vicky Metcalf Award, le IODE Book Award, le Ontario Library Association's Silver Birch Award, le prix du livre de l’année de la Canadian Library Association, le R. Ross Arnett Award pour la littérature pour enfants, le McNally Robinson Award et possiblement les plus importants, les prix du Gouverneur général en littérature de jeunesse (illustration) décernés par le Conseil des Arts du Canada.
Les premiers gagnants du prix du Gouverneur général, instauré en 1987, sont Marie-Louise Gay et Darcia Labrosse; en 1988, les gagnants sont Kim LaFave et Philippe Béha; en 1989, Robin Muller et Stéphane Poulin; en 1990, Paul Morin et Pierre Pratt; en 1991, Joanne Fitzgerald et Sheldon Cohen; en 1992, Ron Lightburn et Gilles Tibo; en 1993, Mireille Levert et Stéphane Jorisch; en 1994, Murray Kimber et Pierre Pratt. Le gagnant du Ruth Schwartz Award de 1994, le livre Northern Lights, The Soccer Trails de l’écrivain inuit Michael Kusugak avec des illustrations de Vladyana Krykorka, est sélectionné pour la Aesop Accolade List. C’est la première fois que la American Folklore Society accorde cet honneur à un livre publié hors des États-Unis.
Il est possible qu’aucun autre illustrateur ne soit aussi acclamé par le public et ses pairs que l’illustratrice canadienne de livres pour enfants Barbara Reid, gagnante de nombreux prix et récompenses, dont le Elizabeth Cleaver Award de 1993 et le prestigieux Ezra Jack Keats Award. Une autre célébrité internationale de l’illustration est Michael Martchenko, un ancien directeur artistique d’une agence de publicité qui, en 1980, commence à illustrer les livres pour enfants de Robert Munsch, l’auteur pour enfants le plus vendu au monde. Alors que la technique préférée de Barbara Reid est la pâte à modeler, qu’elle façonne en figures tridimensionnelles complexes pour la reproduction photographique, Michael Martchenko utilise des médiums plus traditionnels comme le crayon et l’aquarelle. La Montréalaise Suzanne Dansereau collabore également avec Robert Munsch. Elle conçoit une feuille de timbres souvenirs pour célébrer l’Année internationale de l’enfant en 1994.
Le contenu visuel des livres éducatifs et de référence pour les enfants canadiens n’est pas particulièrement remarquable depuis les années 1950, mais des améliorations notables commencent à apparaitre à la fin des années 1980. Elles ne peuvent être mieux démontrées que dans The Story of Canada de Janet Lunn et Christopher Moore, avec des illustrations en couleur pleines d’action et délicieusement détaillées faites par Alan Daniel. Publié en 1992 par Key Porter Books de Toronto, ce livre est le premier récit complet du Canada destiné aux familles ainsi qu’aux enfants de 10 ans et plus. L’essor des publications sur disque compact ouvre de nouvelles possibilités de collaboration créatives entre les illustrateurs, les photographes, les cinéastes, les vidéastes, les dessinateurs d’animation et les concepteurs assistés par ordinateur ainsi que les écrivains et les musiciens, dont les premiers bénéficiaires de cette synergie sont probablement les élèves des écoles.
Un autre secteur en pleine croissance pour l’illustration au Canada est celui de l’industrie florissante de la bande dessinée « alternative » ou « underground » (voir Bande dessinée de langue anglaise au Canada). Drawn and Quaterly, publié par Chris Oliveros, Marina Lesenko et Steve Solomos, est un forum pour les divers artistes et auteurs (ou artistes/auteurs) qui sont attirés par ce genre revitalisé. Drawn and Quaterly publie dix numéros à partir de 1993, suivis d’une série régulière de six titres de bandes dessinées, ainsi qu’une collection des « Best of ». Parmi les artistes présentés dans cette dernière figurent Peter Kuper, Seth et Maurice Vellekoop.
La caricature politique, qui est sauvée de la sénescence par Sid Barron, Bob Chambers, Ed Franklin, Raoul Hunter, Robert LaPalme, Duncan MacPherson, Len Norris, Lewis Parker, Merle « Ting » Tingley et Yardley Jones, continue à bien se porter au Canada grâce, entre autres, à Aislin (Terry Mosher), Berthio (Roland Berthiaume), Bob Bierman, Serge Chapleau, Mike Constable, Dale Cummings, Jean-Pierre Girerd, Anthony Jenkins, John Larter, Roy Peterson, Graham Pilsworth, Vic Roschkov, Edd Uluschak et Kerry Waghorn. Par contre, les créateurs de bandes dessinées ne réussissent pas à trouver leur place dans les quotidiens et les hebdomadaires, à l’exception importante de Lynn Johnson et de Vance Rodewalt, créateurs du mondialement populaire For Better or Worse et de Chubb and Chauncey, respectivement (voir Dessin humoristique et bande dessinée). Ces deux bandes dessinées se distinguent par le fait que leur contexte canadien n’est pas déguisé pour une consommation sur le marché américain. La bande dessinée Betty, des créateurs Gary Delainey et Gerry Rasmussen d’Edmonton, est également publiée dans toute l’Amérique du Nord et elle trouve un public enthousiaste en Scandinavie pour son humour sophistiqué.
Un autre succès « grand public » est celui de Ken Steacy, établi à Victoria en Colombie-Britannique, qui fait ses débuts en tant qu’illustrateur à l’aérographe pour des clients du monde des affaires, de l’édition et de la bande dessinée comme Marvel Comics, et qui se tourne ensuite vers le monde de l’électronique, appliquant ses compétences de dessinateur à la création de jeux interactifs sur CD-ROM. Dans sa série en quatre parties Tempus Fugit, publiée par DC Comics, il exerce toutes les fonctions de la création, y compris l’écriture, les illustrations, le lettrage et le coloriage à l’aérographe, un processus très exigeant qui est maintenant considérablement facilité par l’imagerie numérique. Ken Steacy écrit et illustre maintenant les livres de Star Wars. Né à Calgary, Todd MacFarlane crée son personnage de bande dessinée Spawn en 1992 et il le publie lui-même (plutôt que par l’intermédiaire d’un éditeur américain de bandes dessinées). Les premiers numéros se vendent à plus d’un million d’exemplaires. Avec les revenus, il crée MacFarlane Toys, aujourd’hui le plus grand fabricant de figurines d’action en Amérique du Nord.
Les dessins animés, une forme d’expression de plus en plus politisée, sont un autre médium qui connait des avancées extraordinaires depuis l’avènement de l’ordinateur personnel de Macintosh en 1984. De nos jours, en grande partie grâce au cours d’animation internationalement reconnu du Sheridan College d’Oakville en Ontario, le Canada est un exportateur net de talents, sinon de « produits » (encore une fois, en raison surtout du contrôle des États-Unis sur la fabrication et la distribution).
Dans le sillage du succès mondial de l’Office national du film du Canada dans ce domaine, on trouve des artistes indépendants ou « marginaux » comme John Kricfalusi, créateur de Ren and Stimpy, diffusé sur la chaine Nickelodeon aux États-Unis, et Marv Newland (directeur de International Rocketship) et Danny Antonucci de Vancouver, créateur des Grunt Brothers, aux commentaires cinglants et souvent scatologiques sur la société et la culture télévisuelle de la fin du 20e siècle.
La nature intrinsèquement collaborative des nouveaux médias haut de gamme est illustrée par la série de jeux sur CD-ROM The Cyberplasm Formula, créée pour Sanctuary Woods par une équipe dirigée par Ken Steacy, dans laquelle Victor Vector et son chien Yondo voyagent dans le temps pour récupérer des artefacts pour un musée du futur. Travaillant avec des spécialistes de l’animation, un auteur, un producteur et des programmeurs, Ken Steacy et d’autres artistes produisent des éléments d’arrière-plan et d’avant-plan sous une forme d’art traditionnel qui sont numérisés par ordinateur et nettoyés dans Adobe Photoshop. Pour conserver une apparence de dessins à la main, chaque image de l’animation est également traitée de façon traditionnelle. Aussi laborieux que puisse paraitre ce processus, le matériel nécessaire à l’animation informatique de haute technologie est rapidement disponible sur les ordinateurs de bureau ou de maison grâce à des logiciels graphiques très perfectionnés, offrant au consommateur les moyens de réaliser des images et de l’animation.
La survie professionnelle des illustrateurs exige qu’ils apprennent à répondre de façon créative aux défis de la « toile électronique », du multimédia et de l’inforoute, comme le font Andrew Wysotski d’Oshawa, et Lacalamita de Toronto. Toutefois, la passion pour l’illustration créative et imaginative des modes plus anciens demeure probablement forte, particulièrement en raison d’une nostalgie qui émerge à l’égard d’une époque apparemment plus simple et plus innocente. D’où la popularité d’illustrateurs comme Mark Summers, Damian Glass, Kim LaFave, Wesley Bates et Gus Reuter, qui font revivre des techniques traditionnelles comme le papier procédé, la gravure sur bois et le livre fait à la main.
Tandis que l’expressionnisme continue d’être une influence stylistique populaire (Emanuel Lopez, Paul Turgeon, Jerczy Kolasz), d’autres mouvements artistiques historiques trouvent leurs admirateurs parmi les illustrateurs canadiens, que ce soit le style de la Renaissance italienne de Gerard Gauci et Ken Nutt, le réalisme académique du tournant du siècle de Linda Montgomery ou le modernisme aux lignes simples de l’ère du jazz de Helen D’Souza. L’éclectisme est le mot d’ordre de l’illustration canadienne à l’aube d’un nouveau siècle et des changements radicaux qui s’annoncent dans les communications.