Jean « Ti-Jean » Carignan, CM, violoneux (né le 7 décembre 1916 à Lévis, QC; décédé le 16 février 1988 à Delson, QC). Jean Carignan figure parmi les plus grands violoneux folkloriques du XXe siècle et a été le principal représentant de la tradition celtique chez les violoneux du Canada français. Salué par les spécialistes du folklore et par ses compères violonistes, de Louis « Pitou » Boudreault à Yehudi Menuhin, en passant par Henryk Szeryng, Jean Carignan était réputé pour sa technique remarquable, son vaste répertoire et son style de jeu joyeux. Lorsqu'il est reçu membre de l'Ordre du Canada en 1974, on le présente comme étant le « plus grand violoneux d'Amérique du Nord ».
Jeunesse
Le père de Jean Carignan, maçon de profession, était aussi un violoneux. Jean Carignan commence à jouer du violon à l'âge de quatre ans. Il apprend le répertoire traditionnel de son père, puis, à l'âge de cinq ans, il joue aux coins des rues de Lévis, près de Québec. À sept ans, il écoute pour la première fois un enregistrement du célèbre violoneux canadien-français Joseph Allard. Lorsque sa famille déménage à Montréal, Jean Carignan étudie avec Joseph Allard (1927-1931). Il s'initie alors aux répertoires du violoneux irlandais Michael Coleman et de l'Écossais J. Scott Skinner. Il continue de jouer dans la rue, mais il est harcelé par les policiers. Vers l'âge de 11 ou 12 ans, il devient apprenti cordonnier.
Début de carrière
Au milieu de l'adolescence, Jean Carignan se joint au groupe de musique country torontois George Wade and His Cornhuskers. Pendant près de cinq années au sein du groupe, il joue du violon, en plus de jouer de la clarinette et du saxophone à l'occasion. De plus, il participe aux enregistrements des Cornhuskers distribués par la maison de disque Victor. Il retourne à Montréal où il dirige un petit orchestre de danse à la salle de danse St-André jusqu'en 1954. Au même moment, il travaille occasionnellement dans des usines. Il joue ensuite pendant deux ans, dans la région de Montréal, avec l'orchestre de danse de Bob Hill. En 1956, il décide de se produire uniquement en concert et lors de festivals de musique folklorique. Il commence alors à travailler de jour comme chauffeur de taxi, emploi qu'il occupera pendant 20 ans.
De 1960 à 1978
L'alliance artistique de Jean Carignan avec Alan Mills le mène au Newport Folk Festival de 1960, au Winnipeg Folk Festival et aux premières éditions du Mariposa Folk Festival, auquel il participe à plusieurs reprises jusqu'en 1977. Il participe à de nombreux autres festivals en Amérique du Nord et en Europe. En 1960, il se produit avec Alan Mills à Carnegie Hall. En 1975, l'Office national du film (ONF) lance le documentaire Jean Carignan, violoneux, réalisé par Bernard Gosselin. Dans les années qui suivent, Gilles Losier, pianiste et violoneux aveugle, devient son accompagnateur.
En 1976, Jean Carignan dirige un orchestre lors du spectacle de danse et de chansons traditionnelles Veillée québécoise, présenté au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, à Montréal. Ses frères jumeaux Marcel et Rodolphe, également violoneux, en font partie. La même année, André Gagnon compose le Petit Concerto pour Carignan et orchestre, œuvre pour deux solistes, soit un violoneux et un violoniste classique, qui établit une l'analogie amusante entre le style traditionnel du grand violoneux des campagnes et les œuvres pour violon de Vivaldi ou de Bach. En 1979, Jean Carignan et Yehudi Menuhin interprètent l'œuvre lors d'un épisode de la série de la télévision de la CBC The Music of Man. Yehudi Menuhin était un ami personnel et un grand admirateur de Jean Carignan.
En 1978, Jean Carignan joue pour la Suite Carignan, un ballet inspiré par sa musique. L'œuvre est composée par Donald Patriquin, chorégraphiée par Brian Macdonald et dansée par Les Grands Ballets Canadiens de Montréal. Jean Carignan doit abandonner la musique en raison de la progression de sa surdité. Il déclare à la journaliste Nathalie Petrowski, du journal Le Devoir, « Je suis sourd parce que je vis au Québec. J'ai dû gagner ma vie en travaillant dans un atelier entouré de machines et de marteaux-pilons ».
Héritage
Jean Carignan visait l'authenticité lors de ses spectacles, et adoptait une approche sans compromis par rapport à son répertoire d'environ 7 000 reels, gigues et autres morceaux de danse appris, entre autres, de Michael Coleman, J. Scott Skinner, Joseph Allard et Wellie Ringuette. Selon le The Folk Music Sourcebook, « La technique de Jean Carignan est certes impressionnante, mais la joie et l'énergie avec lesquelles il l'applique l'est encore plus. Bien peu de musiciens, peu importe le genre, atteignent un tel niveau de virtuosité sans pour autant sacrifier l'émotion ou l'originalité ».
En 1973, 400 violoneux des 4 coins de l'Amérique du Nord se sont réunis à Ascot Corner, au sud de Montréal, pour rendre un hommage des plus mémorables à Jean Carignan, à l'occasion de l’inauguration d'un buste en bois en son honneur, sculpté par Georges Morissette. En 1998, Disques Tout Crin et le Musée canadien des civilisations lancent un coffret de trois CD comprenant 104 chansons enregistrées chez Jean Carignan en 1976.
Prix et Distinctions
Grade honorifique, Université McGill (1977)
Grade honorifique, Université deToronto (1977)
Membre, Ordre du Canada (1974)
Prix de musique Calixa-Lavallée (1976)
Une version de cet article est parue initialement dans l'Encyclopédie de la musique au Canada