Jean-Claude Lauzon, réalisateur et scénariste (né le 29 septembre 1953 à Montréal, QC; - mort le 10 août 1997 près de Kuujjuag, QC). Souvent considéré comme l’enfant terrible du cinéma québécois, Jean-Claude Lauzon qui sort d’un milieu très défavorisé fait une carrière éclair, et il apparaît comme l’un des cinéastes les plus expressifs et doués du Canada avant d’être tué dans un accident d’avion à l’âge de 43 ans. Ses deux longs métrages — Un zoo la nuit (1987) et Léolo (1992) — sont acclamés internationalement et remportent de nombreuses récompenses ; le second est considéré comme l’un des meilleurs films canadiens réalisés à ce jour.
Jeunesse et carrière
Élevé au sein d’une famille à problème avec des antécédents de troubles mentaux dans le quartier pauvre de la rue St Dominique à Montréal, Lauzon arrête l’école secondaire et quitte la maison à l’âge de 16 ans. Il fait toutes sortes de petits boulots, et s’entoure de motards, de membres de gangs et d’escrocs à la petite semaine. Lorsqu’un de ses devoirs écrits à l’école tombe entre les mains d’André Petrowski (alors à la tête de la distribution des films français à l’Office National du Film), il prend ce jeune homme intense à la sensibilité exacerbée sous son aile, l’encourage à retourner aux études et à poursuivre sa voie artistique.
Alors étudiant en communications à l’Université du Québec à Montréal, Lauzon réalise un court-métrage — Super Maire l'homme de 3 milliards (1979) — un film humoristique sur Jean Drapeau, maire de Montréal pendant plusieurs décénies, qui gagne le Prix Norman McLaren au Festival du film étudiant canadien. Son premier court métrage professionnel, Piwi (1981) raconte en détail les cauchemars d’un pauvre livreur. Il est réalisé à l’American Film Institute à Los Angeles et gagne le prix spécial du jury au Festival des films du monde de Montréal.
Carrière cinématographique
Après être devenu un réalisateur de publicités télévisées reconnu, Lauzon écrit et réalise son premier long métrage : Un zoo la nuit (1987), un film qui oscille entre le film noir et l’histoire de la réconciliation entre un père et son fils. D’un style direct et fort, les images alternent entre violence et tendresse avec brio. Le film fait ses débuts au Festival de Cannes, rafle des prix dans les plus grands festivals internationaux, et remporte même 13 Génies à lui tout seul, du jamais vu, ce qui propulse Lauzon sur le devant de la scène du film canadien.
Lauzon se consacre alors à un projet encore plus ambitieux, Léolo (1992), une pseudo autobiographie fantasmée et surréaliste qui se fait la chronique des aventures tragiques du jeune Léo Lozeau, un garçon très créatif d’une douzaine d’années qui grandit au sein d’une famille complètement perturbée dans un quartier ouvrier de Montréal. Une fois de plus, Lauzon construit sa réalisation autour d’une succession de scènes dérangeantes et saisissantes.
Léolo, que Lauzon dédie à Petrowski, est comparé aux œuvres de Fellini et Truffaut, et reçoit un accueil extrêmement positif à sa sortie. Le critique américain Roger Ebert en parle comme « l’un des meilleurs films de l’année. Je n’ai jamais rien vu de cette nature jusqu’ici. » Il est déclaré « meilleur film de l’année 1992 » par la revue Maclean’s – Brian D. Johnson intitule sa critique : « le chef-d’œuvre d’un révolté » et dit de ce film qu’il « fait atteindre au cinéma canadien de nouveaux sommets d’ambition et de réussite. » — aux É.-U., lemagazine Time le considère comme l’un des 10 meilleurs films de l’année 1993, incluant également Léolo dans sa liste des 100 meilleurs films de tous les temps en 2005.
Lauzon est aussi célèbre pour son caractère arrogant et irascible, pour ses diatribes théâtrales et incendiaires, qu’il l’est pour ses films. Il compromet les chances de son film Léolo dans la course pour la palme d’or à Cannes en faisant une remarque inconvenante à la jurée Jamie Lee Curtis, et ensuite il en vient presque aux mains avec un autre juré en repartant de Cannes. D’une intransigeance absolue vis à vis de sa vision artistique, il refuse l’offre que lui fait Norman Jewison de réaliser un film à suspense avec Gene Hackman, parmi d’autres propositions hollywoodiennes. Il est en désaccord avec la bureaucratie culturelle du Québec et refuse même un prix de 100 000 $ pour protester contre la nature bureaucratique du financement des films au Québec. Il préfère continuer à vivre des publicités qu’il réalise pour la télévision.
Décès
Lauzon travaille à son troisième long métrage quand il se rend en août 1997 à une partie de pêche avec sa compagne Marie-Soleil Tougas, une actrice de télévision très populaire. Le Cessna qu’il pilote percute une montagne près de la Baie d’Ungava dans le Nord du Québéc, les tuant tous les deux.
Hommage et contribution
La mort prématurée de Lauzon est généralement considérée comme une grande perte pour l’art cinématographique. D’une maitrise brillante sur le plan technique, d’un style léché et imaginatif, ses deux longs métrages ont leur esthétisme en commun. Ils sont tous les deux empreints d’une tendance postmoderne par le mélange des styles et les contrastes. Ils se penchent tous les deux sur les thèmes de la famille, de l’absence du père, et de la quête d’identité du personnage principal.
Le spécialiste du cinéma George Melnyk résume ainsi la contribution de Lauzon : « Partout, les critiques sont divisés entre ceux qui défendent passionnément ses films et ceux qui se plaignent qu’ils sont entachés de fautes de style et de narration. On note aussi des plaintes en ce qui concerne la violence et le traitement de la sexualité dans ses films ; les implications idéologiques de ces films font aussi beaucoup parler d’elles, et en particulier au Québec. » Roger Ebert compte parmi les plus grands partisans de Lauzon et, s’interrogeant au sujet de Léolo en 2005, il écrit : « Lauzon est bourré de lubies et de pulsions, d’inspirations soudaines et d’inventions folles. Certains réalisateurs dotés d’une pareille imagination débordante créent des films qui sont très élaborés, mais n’en demeurent pas moins vides ; Lauzon, de son côté, est tellement poussé par son ressentiment et ses désirs violents que tout ce qu’il crée sert sa cause avec beaucoup de passion. »
Lauzon Lauzone : un documentaire sur Lauzon réalisé par Louis Bélanger et Isabelle Hébert sort en 2001. André Petrowski raconte ses relations avec Lauzon et publie un certain nombre de ses premiers poèmes dans le livre « Jean-Claude Lauzon : le poète » (2006). Nombre de ces poèmes sont mis en musique et récités par de grands artistes tels que Pascale Bussières, Pierre Flynn et Jean Leloup dans l’album « Le Zoo : un hommage à Jean-Claude Lauzon » (2007).
Récompenses
Prix Norman McLaren (Super Maire l'homme de 3 milliards), Festival du film étudiant canadien (1979)
Prix du jury (Piwi), Festival des films du monde de Montréal (1981)
Meilleur film canadien (Un zoo la nuit), Festival des films du monde de Montréal (1987)
Prix international de la critique, Festival of Festivals de Toronto (devenu aujourd’hui le Festival international du film de Toronto) (1987)
Grand Prix (Un zoo la nuit), Festival international du film de Gand (1987)
Meilleure mise en scène (Un zoo la nuit), Prix Génie (1988)
Meilleur scénario (Un zoo la nuit), Prix Génie (1988)
Meilleur long métrage (Un zoo la nuit), Prix Génie (1988)
Meilleur scénario original (Léolo), Prix Génie (1992)
Meilleur long métrage canadien – mention spéciale du jury (Léolo), Festival of Festivals de Toronto (1992)
Meilleur scénario canadien (Léolo), Festival international du film de Vancouver (1992)
L’épi d’or (Léolo), Festival international du film de Vallidolid (1992)