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Jean Lesage

Jean Lesage, C.P., C.C., premier ministre du Québec de 1960 à 1966, politicien, réformateur, avocat (né le 10 juin 1912 à Montréal, QC – décédé le 12 décembre 1980 à Québec, QC). Reconnu comme le père de la Révolution tranquille, il dirige sa province durant cette période de profond renouveau dans la vie collective des Québécois.

Premières années

Lesage naît à Montréal, un des cinq enfants de Cécile Côté et Xaveri Lesage. En 1921, la famille se rend à Québec où Xaveri, enseignant et fonctionnaire, a accepté un poste de gestionnaire au sein d’une société d’assurance. Lesage poursuit sa scolarité à l’école privée Saint-Louis-de-Gonzague et au Séminaire de Québec avant de s’inscrire à la faculté de Droit de l’Université Laval. Étudiant doué, il participe aux activités politiques du Parti libéral à l’Université et reçoit son diplôme en 1934.

Admis au barreau la même année, Lesage pratique dans le domaine du droit privé au sein de divers cabinets d’avocats de Québec puis assume les responsabilités d’avocat de la Couronne pour la Commission des prix et du commerce en temps de guerre durant la plus grande partie de la Deuxième Guerre mondiale. En 1938, il prend pour épouse Corinne Lagarde, une chanteuse. Il sert également au sein de l’armée de Réserve de 1939 à 1945.

Politique fédérale

Lesage se présente aux élections fédérales de 1945 et est élu député fédéral de la circonscription de Montmagny-L'Islet. Il siège alors avec les Libéraux dirigés par le premier ministre William Lyon Mackenzie King. Lesage est réélu en 1949, 1953, 1957 et 1958. À ses débuts au sein de la Chambre des communes, il est nommé secrétaire parlementaire de divers ministres du gouvernement avant de rejoindre le Cabinet du premier ministre Louis St-Laurent ou il restera de 1953 à 1957. Il occupe ensuite le poste de ministre des Ressources et du Développement économique puis celui de ministre du Nord canadien et des Ressources nationales.

Le gouvernement de St-Laurent est battu aux élections de 1957 mais Lesage conserve son siège cette année-là ainsi que l’année suivante, lorsque les progressistes du Parti conservateur de John Diefenbaker obtiennent une écrasante majorité. L’effondrement des Libéraux à Ottawa le pousse à convoiter le leadership du Parti libéral du Québec , qu’il obtient le 31 mai 1958. Il transforme alors le parti en profondeur en y attirant des personnes dynamiques et en élaborant un programme, radical pour son époque, de réformes sociales et politiques.

Élections de 1960

Aux élections provinciales de 1960, Lesage se bat pour déloger l’Union Nationale (UN) qui, sous l’autorité de Maurice Duplessis et de ses successeurs Paul Sauvé et Antonio Barrette, gouverne le Québec d’une main de fer et sans interruption depuis les seize dernières années. L’UN était considéré comme un parti corrompu, à la tête d’un vaste système de clientélisme politique, mais il était également conservateur sur le plan social, isolationniste et lié de près à l’église catholique.

Les Libéraux de Lesage, par contre, se présentent comme les leaders du nouveau Québec — progressifs, urbains et modernes; un message qui fera vibrer bien des cordes dans une province sur le point de s’engager dans la Révolution tranquille. Lesage fait campagne en adoptant le slogan « C'est le temps que ça change ». La campagne électorale est agitée et n’offre pas un joli spectacle. Les attaques personnelles fusent des deux côtés et les esprits s’échauffent alors que les Québécois débattent le bien fondé du changement. Le 22 juin 1960, les Libéraux de Lesage gagnent d’une courte avance mais leur victoire est historique. Ils délogent ainsi l’UN et s’octroient 51 des 95 sièges du Parlement. Lesage est lui-même élu dans la circonscription de Québec-Ouest. Il devient ainsi le 19e premier ministre de la province, assumant aussi les fonctions de ministre des Finances et, plus tard, celles de ministre du Revenu et de ministre des Affaires fédérales-provinciales.

Gouvernement Lesage

Que Lesage ait dirigé ou non la Révolution tranquille , son gouvernement réformateur créa sans nul doute les conditions et les structures sociales, politiques et économiques qui permirent à cette révolution de s’épanouir. L’historien Claude Bélanger a écrit que « le gouvernement de Jean Lesage devint le symbole et l’outil de tout un peuple sur la route de son affirmation de soi » [Trad. libre].

La modernisation de la société québécoise et sa sécularisation — en l’arrachant de l’emprise de l’église catholique — constituaient les principaux objectifs de Lesage. Mais le premier ministre était également poussé, souvent plus rapidement qu’il ne l’aurait aimé, par les activistes présents au sein de son propre Cabinet, notamment René Lévesque, Pierre Laporte et Eric Kierans. C’est avec eux qu’il entreprend un ambitieux programme d’élimination du clientélisme et de la corruption. Ils s’attellent également à mettre en place une bureaucratie provinciale compétente, capable de gérer les ministères nouvellement créés des Affaires culturelles, des Affaires fédérales-provinciales et de l’Éducation.

La réforme de l’enseignement fut peut-être l’exemple le plus représentatif des mesures de sécularisation entreprises par Lesage. Le réseau des écoles publiques, jusque-là contrôlé par l’église, est placé sous l’autorité du nouveau ministère de l'Éducation dont l’objectif est de produire une main-d’œuvre qualifiée et d’inculquer les valeurs québécoises. Les districts scolaires sont réorganisés, certaines écoles sont fusionnées et des plans sont dressés pour la création des Collèges d’Enseignement Général et Professionnel (CEGEP).

Hydro-Québec

Le projet le plus ambitieux de Lesage, et sans aucun doute son legs le plus important, fut la nationalisation de onze sociétés privées de production d’électricité. Avec Lévesque comme personne ressource pour le projet, le gouvernement parvint à emprunter 300 millions de dollars auprès de banques new-yorkaises (après s’être vu refuser des prêts à Montréal et à Toronto) et put ainsi racheter ces sociétés privées puis les fusionner pour former une unique société de services publics, Hydro-Québec. Les immenses ressources hydroélectriques de la province, déclare le gouvernement, seront utilisées pour accélérer son développement et répondre aux aspirations nationales croissantes de son peuple.

En 1962, Lesage déclenche une élection surprise , qui s’avérera en fait un véritable référendum pour le plan de création d’Hydro-Québec. Cette fois, le slogan de Lesage est « Maîtres chez nous ». Son gouvernement est récompensé en obtenant une confortable majorité.

Réformes coûteuses

Lesage poursuit son programme gouvernemental axé sur le changement après 1962. Les réformes continuent dans les domaines de l’éducation et de nouvelles entreprises sont créées, comme la Société générale de financement (afin de lever des capitaux pour les entreprises francophones), la Société de Montage Automobile (qui assemble des voitures françaises) et la Société Québécoise d’Exploration Minière (qui supervise le développement des mines et la perception des droits d’exploitation).

En insistant pour qu’Ottawa finance mais ne contrôle pas les programmes sociaux de la province, le gouvernement Lesage veut faire en sorte que le programme national d’assurance-santé ne devienne pas un système d’assurance imposé par le gouvernement fédéral mais soit plutôt un programme fédéral-provincial partagé. Lesage crée également le Régime des rentes du Québec, devenant ainsi le seul premier ministre à exclure la province du Régime de pensions du Canada.

Quels que furent leurs mérites, ces changements ont coûté cher. Pour les financer, Lesage augmente les impôts et emprunte massivement, augmentant de plus de 300 p. cent la dette provinciale nette entre 1960 et 1966. Un grand nombre de réformes entreprises par le gouvernement, en particulier dans le domaine de l’éducation, sont également très mal reçues dans les milieux ruraux (fortement représentés au parlement) que la Révolution tranquille n’a pas encore touchés. Lesage paiera le prix d’avoir négligé ces électeurs encore ancrés dans les traditions.

Défaite

Pendant six ans, Lesage a capitalisé sur la vague croissante du nationalisme mais celui-ci s’est placé dans un porte-à-faux de plus en plus périlleux par rapport au reste du Canada et au gouvernement fédéral. Les terroristes séparatistes ont déjà commencé à faire sauter des boîtes aux lettres et des armureries au nom de l’« indépendance ». Déjà en 1966, Lesage trouve qu’il lui est de plus en plus difficile de maîtriser les débordements du mouvement nationaliste. L’Union Nationale, sous la nouvelle direction de Daniel Johnson, est embarquée dans le même train. Cette année-là, lors des élections provinciales pour lesquelles seul un petit nombre avaient osé envisager la défaite de Lesage, l’UN remporta la victoire avec 56 sièges contre 50 aux Libéraux.

« J’ai été à la disposition de ma province » [Trad. libre] déclare Lesage au soir du scrutin.

Lesage conserve sa place de leader des Libéraux et prend la tête de l’opposition à l’Assemblée nationale. Il conserve ce poste jusqu’à son remplacement aux commandes du parti par Robert Bourassa en 1970. Il se retire finalement de la vie politique et occupe des postes au sein des conseils d’administration de nombreuses sociétés jusqu’à sa mort en 1980. En 1970, Lesage est nommé Compagnon de l’Ordre du Canada, la distinction civile la plus prestigieuse du pays. L’aéroport international de la Ville de Québec porte son nom en sa mémoire.