Joséphine Bacon, C.M., O.Q., poète, enseignante, documentariste (née en 1947 à Pessamit, au Québec). Joséphine Bacon est une poète et conteuse innue qui publie principalement en innu-aimun (la langue innue) et en français (voir aussi Langues autochtones au Canada). Au cours de sa carrière, elle a mis à profit sa connaissance de l’innu-aimun, ainsi que de l’histoire et des récits traditionnels du peuple innu, en tant que traductrice, interprète, documentaristes et enseignante.
Elle est le sujet du documentaire de Kim O’Bomsawin de 2020, Je m’appelle humain (Call Me Human). Joséphine Bacon est considérée comme une ambassadrice de la culture innue au Québec, au Canada et à l’étranger. Sa carrière de traductrice-interprète de l’innu-aimun s’est étalée sur environ 50 ans. Son travail auprès des aînés innus a contribué à préserver et à promouvoir l’innu-aimun et le savoir traditionnel innu. Son œuvre en tant que poète se distingue par son exploration de la culture innue et de la relation entre les peuples autochtones et leur terre.

Jeunesse et éducation
Joséphine Bacon naît dans le village innu de Pessamit, sur la Côte-Nord du Québec, en 1947 (voir aussi Premières Nations au Québec). Elle passe les cinq premières années de sa vie sur la terre avec sa famille. Ils vivent selon le mode de vie traditionnel innu dans la région connue en Innu-aimun sous le nom de Nutshimit, l’arrière-pays du territoire traditionnel innu. À cinq ans, Joséphine Bacon est envoyée au pensionnat indien près de Sept-Îles, au Québec. Elle déclare que, malgré le déracinement cultuel qui se produit lorsqu’elle est placée dans un pensionnat indien, cela lui a néanmoins permis de rencontrer des Innus de toutes les collectivités de la région. Elle ajoute que bien que ce soit extrêmement rare dans les pensionnats indiens, ils peuvent se parler dans leur propre langue. Elle fréquente le pensionnat indien pendant 14 ans.
Dans une entrevue accordée à CBC/Radio-Canada, Joséphine Bacon dit avoir quitté Maliotenam, la collectivité des Premières Nations voisine de Sept-Îles, pour la ville de Québec peu de temps après sa sortie du pensionnat. Son objectif étant, comme celui de plusieurs de ses amis, d’entrer dans une école de secrétariat et d’entreprendre une carrière. Bien qu’elle parle français et anglais au besoin, elle parle toujours innu-aimun avec ses amis. Joséphine Bacon poursuit ensuite ses études de secrétariat à Ottawa. Elle n’y reste que six mois.
Carrière
Dans le cadre d’une entrevue à CBC/Radio-Canada, Joséphine Bacon révèle que, vers 1968, se retrouvant à Montréal, elle peine à trouver du travail. Elle occupe à l’époque divers emplois pour survivre. Puis elle se retrouve dans l’ouest de Montréal. Elle précise que c’est là où de nombreux Autochtones ont tendance à vivre et à se rassembler à l’époque. Elle se lie d’amitié avec des étudiants autochtones de l’Université McGill qui l’accueillent et l’initient aux arts, à la culture et à la vie nocturne de Montréal à la fin des années 1960. Elle entre en contact avec une équipe d’anthropologues qui étudient les Innus au Labrador et au Québec. Joséphine Bacon se retrouve à travailler comme traductrice pour l’équipe qui, à son tour, lui transmet les histoires traditionnelles du peuple innu, qui lui sont inconnues parce qu’elle a été envoyée au pensionnat indien.
Joséphine mentionne qu’elle devient l’adjointe de l’anthropologue Sylvie Vincent avec qui elle se rend à Natashquan. C’est au cours de ces voyages que les aînés du village la réinitie à son patrimoine innu et à ses histoires traditionnelles. Elle attribue à ce travail le mérite de lui avoir permis de retrouver une partie de son identité innue. Elle évoque également le réapprentissage de la « langue de Nutshimit ». Elle précise que la langue sonne différemment lorsqu’elle est parlée sur la terre et lorsqu’elle est parlée par les personnes vivant dans les réserves.
Finalement, Joséphine Bacon ne devient pas secrétaire, puisqu’elle continue à travailler avec ces anthropologues et documentaristes qui s’intéressent à la vie et au mode de vie des Innus. Elle travaille comme adjointe de recherche et comme traductrice pendant de nombreuses années.
En plus d’être traductrice-interprète, Joséphine Bacon enseigne la langue innu-aimun au Collège Kiuna à Odanak, au Québec. Elle occupe également un poste d’aîné en résidence à l’Université du Québec à Montréal.
Dans une entrevue accordée à CBC/Radio-Canada, Joséphine Bacon mentionne que l’Office national du film lui a offert la possibilité de suivre une formation de documentariste. Son premier documentaire, maintenant considéré comme perdu, filme une rencontre entre des aînés innus et des mères des clans de Kahnawake.
Joséphine Bacon écrit également le film Ameshkuatan – Les sorties du castor (1978), puis réalise, coécrit et narre Tshishe Mishtikuashisht - Le petit grand européen : Johan Beetz (1997), un documentaire sur un aristocrate belge établi sur la Côte-Nord du Québec, intégré dans la communauté innue et devenu une légende locale.
Joséphine Bacon campe également deux rôles mineurs dans Bootlegger (2021) et Hochelaga, Terre des âmes (2017).
Poésie
Joséphine Bacon dit qu’elle doit sa carrière de poète au hasard. Son amitié avec la poète et écrivaine Laure Morali l’engage sur une nouvelle voie, celle de la poésie. Elle publie son premier ouvrage avec Laure Morali en 2008. Pendant une grande partie de sa vie, elle écrit des mots et des phrases sur des bouts de papier avant de réaliser qu’ils peuvent devenir des poèmes. Dans une entrevue, elle décrit ces griffonnages comme les mots « qui sont en elle » et ceux qui lui sont murmurés lors de nombreuses rencontres avec les aînés innus.
Ses premiers efforts poétiques décrivent la vie dans l’arrière-pays innu, Nutshimit, la région où les Innus voyagent selon leur mode de vie traditionnel.
Joséphine Bacon collabore avec la chanteuse québécoise Chloé Sainte‑Marie. Sa poésie est également interprétée par Alexandre Belliard. Les deux musiciens sont des personnalités québécoises importantes, ce qui contribue à consolider la poésie de Joséphine Bacon dans le contexte plus vaste de la culture populaire québécoise. La poète déclare qu’elle ne considère pas qu’il s’agit d’appropriation culturelle, car elle estime que l’innu-aimun devrait être parlé et entendu par un plus vaste public.
Les six recueils de poésie publiés par Joséphine Bacon rendent hommage aux aînés innus, à Nutshimit ainsi qu’à ses 50 ans de vie à Montréal. Elle affirme que Montréal a fait d’elle ce qu’elle est. Son poème Un thé dans la toundra/Nipishapui nete mushuat est choisi comme finaliste pour le Prix littéraire du Gouverneur général et pour le Grand Prix du livre de Montréal.
Recueils de poésie publiés par Joséphine Bacon :
- Bâtons à message/Tshissinuatshitakana(2009)
- Nous sommes tous des sauvages(2011), coécrit avec José Acquelin
- Un thé dans la toundra/Nipishapui nete mushuat(2013)
- Uiesh/Quelque part (2018)
- Nin auass/Moi l’enfant (2021)
- Kau Minuat/Une fois de plus (2023)
Prix et récompenses
- Doctorat honorifique en anthropologie, Université Laval (2016)
- Prix Ostana (2017)
- Officière de l’Ordre de Montréal (2018)
- Compagnon du Conseil des arts et des lettres du Québec (2018)
- Prix des libraires, catégorie poésie québécoise (Uiesh/Quelque part) (2019)
- Prix Voix autochtones, catégorie poésie en français (2019)
- Officière de l’Ordre national du Québec (2022)
- Officière de l’Ordre du Canada (2023)