À l’automne
de 1929, Ernest
Lapointe, le ministre
canadien de la Justice, se rend en Angleterre. Il est accompagné du Dr
Oscar Skelton « plus important haut-fonctionnaire du pays » comme
l’a autrefois autrefois décrit William
Lyon Mackenzie King. Lorsque Ernest Lapointe et Oscar Skelton mettent
fin à leurs négociations, ils confirment que le Canada deviendrait indépendant
de l’Empire britannique.
Ce virage a
pris du temps. En 1867, la Confédération
a réuni l’Ontario,
le Québec,
la Nouvelle-Écosse
et le Nouveau-Brunswick
en un seul dominion
autogéré. Cela faisait encore du Canada une colonie britannique fermement liée
à la mère patrie envers laquelle elle avait des obligations.
Par
exemple, le Canada est automatiquement engagé dans la Première
Guerre mondiale en 1914. Les forces canadiennes combattent vaillamment et
avec succès ; pourtant, à chacun de leurs pas, les Canadiens se rendent compte
que les Britanniques leur barrent la route. Le Canada e une nation qui n’en était
pas encore une.
Le Canada commence à demander plus de liberté et une plus grande reconnaissance internationale. Le gouvernement en temps de guerre du premier ministre Robert Borden insiste pour qu’une signature canadienne figure sur le traité de Versailles et que le Canada ait son propre siège à la nouvelle Ligue des Nations. Lorsque William Lyon Mackenzie King, chef du parti libéral, accède au pouvoir en 1921, il parafe des traités, notamment le Traité du Flétan, sans contreseing britannique. Il refuse aussi de faire automatiquement siennes les politiques étrangères et de défense de l’empire. En 1922, par exemple, il refuse d’aider les forces d’occupation britanniques en Turquie sans avoir obtenu au préalable l’approbation du Parlement. (Voir Affaire Chanak.)
King recrute
le Dr
Oscar Skelton de l’Université
Queen’s pour diriger le ministère des Affaires extérieures. Lorsqu’il entre
en fonction en 1925, Skelton a pour mandat de développer une expertise
canadienne indépendante au sujet des affaires mondiales, et de créer un Service
extérieur canadien composé des meilleurs penseurs du pays. (Voir aussi
Représentation
diplomatique et consulaire.) Skelton avance l’agenda de King encore plus
fortement que King lui-même. Il trouve un formidable allié en la personne d’Ernest
Lapointe, lieutenant du premier ministre au Québec et son plus proche
confident politique.
Lorsque
Lapointe et Skelton arrivent à Londres en 1929 pour la Conference on
the Operation of Dominion Legislation and Merchant Shipping, il y a encore
beaucoup à faire pour atteindre l’indépendance. (Voir aussi Conférences
coloniales et impériales.) Il existe une foule de lois britanniques qui
s’appliquent au Canada et qui ne peuvent être modifiées par le Canada. Même
après toutes ces années, le Parlement britannique avait un droit de dérogation
sur les lois canadiennes.
La conférence est convoquée pour examiner la structure juridique de l’empire et pour proposer des recommandations pour l’améliorer. Les Britanniques accueillent des représentations du Canada, de l’Afrique du Sud, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de la République d’Irlande en leur faisant de belles promesses et en les accablant de terribles menaces.
La
conférence ODL ouvre ses délibérations dans la salle Moses de la
House of Lords où une énorme murale représente la transmission
biblique du Décalogue. Skelton écrit d’ailleurs au premier ministre qu’il s’agissait
d’une très imposante atmosphère, du moins pendant les cinq premières minutes,
mais que l’hiver approchait et que le chauffage « datait du temps du roi
Alfred, moins le foyer souvent associé à ce nom ».
Deux mois
de discussions pénibles s’ensuivent. À différents moments, même durant la
dernière journée de la conférence, il semble que la conférence peut s’écrouler.
Les Britanniques identifient Skelton comme le méchant-en-chef ; le prétendant à
ce titre selon lui est le chef de la délégation sud-africaine, qu’il décrit comme
« le Hollandais le plus têtu de l’histoire ».
Oscar Skelton dispose d’une large marge de manœuvre. Les réunions tournent autour de lui et de Sir Maurice Gwyer, le plus habile des cerveaux juridiques du gouvernement britannique. Ils siègent ensemble au comité clé de la conférence, rédigent la majeure partie du rapport final, et établissent des coalitions qui rendent un consensus possible. Skelton joue dur à certains moments, mais il consent aussi à des compromis qui permettent une entente. En effet, il sait que ce sont les Britanniques qui doivent entériner une loi « accordant au Canada ce qu’il veut ».
En fin de
compte, la conférence recommanda que le gouvernement britannique entérine une loi
qui élimine le droit qu’avait l’Angleterre d’entériner des projets de loi pour
le Canada et d’autres dominions du Commonwealth, sauf dans certains domaines où
les deux pays y consentent (comme la Constitution
canadienne).
Les
Britanniques tentent de résister encore un certain temps, mais les constatations
de la conférence de 1929 ont un certain poids et une certaine impulsion, ce qui
rend leur promulgation inévitable. Deux ans plus tard, le 11 décembre
1931, l’assentiment royal est accordé au Statut
de Westminster. Il déclare que dorénavant le Canada seul décidera de
son avenir.
Le Statut est
promulgué en Angleterre et non au Canada. Il s’agit d’un bref et aride document
juridique, sans aucune tournure pompeuse ni promesse d’avenir glorieux.
Il s’agissait
néanmoins bel et bien de la déclaration d’indépendance du Canada.
Voir
aussi : Constitution
du Canada ; Histoire
constitutionnelle ; Droit
constitutionnel ; Loi
constitutionnelle de 1967 ; Loi
constitutionnelle de 1982 ; Rapatriement
de la Constitution.