Éditorial

Cavelier de La Salle : explorateur français

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

Le 19 mars 1687, quelque part dans les contrées sauvages du sud du Texas, l'explorateur français, Cavelier de La Salle, approche du campement d'un détachement qu'il avait envoyé en éclaireur pour trouver de la nourriture. Saisi d'un mauvais pressentiment, il crie : « Où est mon neveu? ». « Il a mal tourné! », lui réplique-t-on. Tandis que La Salle s'avance en colère, l'un des hommes le tue sur le coup d'une balle dans la tête. Les conspirateurs le déshabillent et livrent son corps aux loups.

Sa seule revendication est la découverte du Mississippi, que les Français ont utilisée pour justifier leur volonté d'annexer la Louisiane (avec la permission des Archives nationales du Canada/C-1843).

« Ainsi s'achève dans le sang, la boue et le silence, une vie à la poursuite effrénée de la gloire », écrira un historien de La Salle. Une destinée remarquable l'avait mené là, gisant dans un coin perdu du monde.

Jeune homme brillant, La Salle étudie au collège jésuite de Rouen, sa ville natale, et appartient à l'ordre pendant neuf ans. C'est une âme agitée qui ne peut tenir en place. Il demande qu'on le relève de ses vœux en raison de ce qu'il appelle ses propres « faiblesses morales ».

En quête de nouveaux horizons, il débarque au Canada, en 1667. Là, les Sulpiciens lui accordent une seigneurie, mais la vie de seigneur ne lui sied guère plus que celle de religieux. Il vend la terre et se livre aux démons de l'aventure qui l'habitent : l'exploration et la traite des fourrures.

En 1669, il conduit sa première expédition dans les terres. Lorsqu'il arrive au lac Ontario, les Senecas le découragent d'aller en territoire de leurs ennemis; il perd patience et décide de partir seul. Voyageur intrépide, La Salle apprend les langues et les coutumes des Amérindiens, mais on ne sait pas où il se rend au juste cette année-là. Beaucoup d'encre a coulé sur ses affirmations non fondées de l'exploration des cours d'eau Ohio et Mississippi.

En 1674-1675, grâce à son amitié avec le gouverneur Frontenac, il réussit à se faire concéder le fort Cataracoui (aujourd'hui Kingston), qu'il rebaptise Frontenac. En août 1679, il arrive à l'embouchure de la rivière Niagara et ordonne la construction d'un brigantin de sept canons. Le 7 août, le premier vaisseau européen, le Griffon, vogue sur les Grands Lacs. La Salle poursuit sa route vers l'intérieur et, en janvier 1680, il construit le fort Crèvecoeur, dont le nom témoigne de ses nombreuses déceptions.

Or, ses problèmes ne font que débuter. En février, le Griffon, les cales pleines de peaux de fourrure, disparaît. Ses compagnons et lui passent des mois à parcourir contrées glacées et boisées à la recherche du vaisseau perdu. Leurs vêtements mis en lambeaux par les ronces et les épines et leurs visages tailladés et couverts de sang, ils sont méconnaissables. À son retour à Montréal, La Salle apprend que les hommes qu'il a laissés à Crèvecœur ont pillé le poste de traite et projettent de le tuer.

Aucunement intimidé, il retourne en territoire illinoien en 1682. Il parcourt le Mississippi jusqu'à l'embouchure de la rivière Arkansas où les voyages de Jolliet et de Marquette avaient pris fin en 1673. Finalement, le 6 avril, l'explorateur et ses hommes aperçoivent l'océan - ils sont les premiers Européens à atteindre le delta du Mississippi. Le 9 avril 1682, Cavelier de La Salle, vêtu d'une resplendissante tunique écarlate, érige solennellement une croix et revendique toute une région de l'Amérique au nom du roi de France.

Malgré ses exploits, La Salle perd la faveur du nouveau gouverneur et, surtout, le roi considère ses découvertes comme « complètement inutiles ».

S'il veut retourner au Nouveau Monde, il n'a d'autre choix que de recourir au stratagème d'établir un poste à l'embouchure du Rio Bravo (Rio Grande), près du golfe du Mexique où les Français espèrent conquérir le Mexique et ses précieuses mines. Il sait vraisemblablement que son plan est fondé sur une géographie erronée qui situe l'ouverture du Mississippi à 1000 km plus près du Mexique qu'elle ne l'est en réalité, mais le roi le croit et lui accorde le commandement de tout le territoire entre l'Illinois et le golfe. Il prend la mer avec quatre vaisseaux et 180 soldats et colons.

La flottille manque le delta du Mississippi, dérive vers l'ouest et jette l'ancre à l'extrémité sud-est de l'île de Matagorda. Maladie, famine et mort déciment les colons, et La Salle se résout à abandonner la côte et à trouver « son fameux fleuve ». À trois reprises, il pénètre vers l'intérieur sans succès et, finalement, il entreprend son voyage fatidique, « cherchant à trouver de l'aide au Canada ». Il est assassiné à 150 km à peine de la pointe sud-est du grand réseau fluvial dont il avait pris possession cinq années plus tôt.

Cavelier de La Salle partage avec d'autres explorateurs le triste sort d'avoir été assassiné puis oublié. Contrairement à Hudson ou à Verrazano, aucun joli cours d'eau ni aucun pont spectaculaire ne célèbrent ses exploits. Pourtant, la Louisiane est une petite partie de tout ce qu'il a donné à la France.