La Vergne, Armand
Armand La Vergne, avocat, journaliste et politicien (Arthabaskaville, Qc, 21 févr. 1880-Ottawa, Ont., 5 mars 1935). Au cours des premières décennies du XXe siècle, il fut l'un des plus célèbres représentants canadiens-français du nationalisme pancanadien dont les succès et les échecs animèrent les scènes politiques canadienne et québécoise.
La Vergne s'initie tôt aux débats idéologiques et politiques. D'abord épris du Parti libéral fédéral et de son chef Wilfrid Laurier, ami de la famille et associé professionnel de son père, le jeune Armand, fraîchement reçu avocat, se fait élire député libéral de Montmagny aux Communes, en 1904. Mais, rapidement, cet esprit indépendant trouve la voie qui va orienter sa vie publique: le nationalisme pancanadien que propose avec conviction Henri Bourassa. Dès 1903, d'ailleurs, avec d'autres jeunes, La Vergne avait fondé la Ligue nationaliste canadienne. À une époque où sévissaient l'arrogance de l'impérialisme britannique et l'agressivité de plusieurs Canadiens anglais envers les Canadiens français, la Ligue réclame l'autonomie du Canada dans l'Empire et celle des provinces dans la Confédération, le respect de la dualité canadienne et la mise sur pied de politiques culturelles et économiques exclusivement canadiennes.
Ces idées, à quelques nuances près, La Vergne les fait siennes pour la vie. Il les défend avec panache et grande éloquence aux Communes, de 1904 à 1908, à l'Assemblée législative du Québec, de 1908 à 1916, et à nouveau au Parlement fédéral de 1930 à sa mort. Il prend aussi la plume au Nationaliste et au Devoir et, surtout, n'hésite jamais à traverser les lignes partisanes. Dès 1905, il se sépare de Laurier aux Communes pour s'associer franchement à Bourassa. Ensemble, ils mènent des luttes épiques qui marquent l'imaginaire politique québécois. Les plus mémorables restent la défense des minorités canadiennes-françaises catholiques hors Québec ou l'opposition à la marine de guerre mise sur pied par Laurier en 1910. Cette année-là, La Vergne récolte en outre les fruits de l'une de ses plus belles batailles: dans ce qui sera reconnu comme la loi La Vergne, le Parlement du Québec adopte le principe du bilinguisme dans les services d'utilité publique. En 1911, s'alliant à des conservateurs fédéraux québécois, qui se disent chevillés à leurs principes, La Vergne et Bourassa contribuent à la défaite électorale de Laurier. Les deux hommes vivent leur heure de gloire. Mais la trahison de tous les conservateurs-nationalistes, sauf un, puis des défaites électorales répétées minent la crédibilité politique de La Vergne bien que ce dernier réussisse quelques belles entreprises, p. ex., en 1918, lors des émeutes de Québec au moment de la crise conscriptionniste (voir Conscription).
En 1924, éloigné de Bourassa, il décide d'intégrer les rangs du Parti conservateur fédéral afin d'amener son chef, Arthur Meighen, et son successeur, R.B. Bennett, dans le giron de son nationalisme. Ce choix plutôt étonnant, qui le conduit à la vice-présidence des Communes en 1930 et à des débats parlementaires déchirants, ne débouche pas sur le succès escompté. Présenté comme modèle par les Jeune-Canada en 1932, mais brisé physiquement et désabusé, il se rapproche du chanoine Lionel GROULX avant de s'éteindre en 1935. Il laisse le souvenir d'un homme au destin inachevé mais aux convictions nationalistes inébranlables.