Synopsis
Comme plusieurs professionnels des années 1970, Bernadette Brown (Micheline Lanctôt) quitte sa vie urbaine pour un retour à la terre. Laissant à Montréal son mari, avocat, elle part en compagnie de son fils de cinq ans s’installer à la campagne pour vivre d’air pur et de simplicité. Lorsqu’elle dévale à toute vitesse un chemin de campagne, elle se heurte à une manifestation organisée par son nouveau voisin, Thomas (Donald Pilon). Celui-ci a bloqué la route en guise de protestation contre l’indifférence totale du gouvernement face à la destruction de son village par des institutions capitalistes et des chaînes de grands magasins. Dans ce nouvel environnement quelque peu décevant, Bernadette perd rapidement ses idéaux naïfs : sa ferme tombe en ruines et est habitée par un cheval, et ses voisins sont loin d’être les nobles paysans pleins de sagesse et de leçons de vie qu’elle avait imaginés.
Comme Bernadette ne tarde pas à le découvrir, la vie à la campagne, à la merci des commérages, est dure pour les nerfs; ironiquement, le surnom donné à l’héroïne, Sainte-Bernadette-de-Lourdes, lui colle de plus en plus à la peau. En effet, les villageois croient que Bernadette a le pouvoir de guérir et de trouver l’eau en ces terres arides. Comme on doit s’y attendre avec Gilles Carle et sa vision des transformations miraculeuses, les bienfaits qu’accorde Bernadette aux fermiers de la région sont en partie de nature sexuelle. Le film alterne entre moquerie et vénération, surtout grâce au jeu superbe de Micheline Lanctôt dans le rôle de cette femme incapable de lâcher prise. À travers toutes ces péripéties, Bernadette finit par comprendre que la « campagne » ne protège personne de l’isolement, de la mort ou du malheur.
Histoire
Gilles Carle affirme que l’inspiration pour écrire La vraie nature de Bernadette lui vient à l’époque où il travaille au sous-sol de la Place Bonaventure, au centre-ville de Montréal. Dans sa cellule de ciment et de béton qui ne voit jamais la lumière du jour, il rêve de la vie à la campagne. C’est là qu’il commence à écrire son scénario. À l’origine, il voit en Carole Laure l’actrice idéale pour son personnage principal. Il change toutefois d’avis après avoir fait la connaissance de Micheline Lanctôt, une animatrice sans expérience du cinéma. Gilles Carle, qui décrit leur rencontre fortuite comme un « miracle », estime que la beauté, la sérénité et la détermination que dégage la jeune femme en font l’actrice parfaite pour jouer son personnage. « J’ai vu en elle tant d’élégance que, peu à peu, j’ai commencé à l’imaginer dans ce paysage », explique le réalisateur.
Analyse
Comme la plupart des films de Gilles Carle, La vraie nature de Bernadette se caractérise par une grande intensité et une effervescence qui basculent parfois dans un sensationnalisme insolent. Les propos irrévérencieux et ambigus, glissant si facilement entre la farce et la mélancolie, choquent délibérément le spectateur. Gilles Carle allie le ridicule au sublime; il unit le sacré au profane. Bernadette, dans sa lutte acharnée pour échapper à la banalité d’une existence de classe moyenne, fait certes preuve d’un dévouement prodigieux et d’une endurance héroïque. D’un autre côté, elle incarne les baby-boomers québécois des années 1960 et 1970 – dont se moque ouvertement Gilles Carle –, croyant aveuglément en un monde utopique où l’on peut sauver son âme en trayant quelques vaches et en remuant du fumier.
Contrairement aux films québécois traditionnels, y compris le film Maria Chapdelaine (1983) du même réalisateur, La vraie nature de Bernadette ne présente que très peu de paysages bucoliques. Cruelle ironie pour Bernadette, l’Acadie dont elle a tant rêvé dans son appartement montréalais n’existe pas. Pourtant, les pieds bien enfoncés dans la boue et le fumier, Bernadette, digne et déterminée, ne se laisse pas abattre.
Accueil critique et héritage
La vraie nature de Bernadette est projeté au Festival de Cannes et reçoit un accueil chaleureux à sa sortie commerciale en France, avec des ventes de près de 300 000 billets. Le film décroche cinq prix du Palmarès du film canadien et demeure à ce jour l’un des films québécois les plus populaires de tous les temps. L’Audio-Visual Preservation Trust l’élève au rang de « chef-d’œuvre » en 2001. En 2016, il est classé parmi 150 œuvres essentielles de l’histoire du cinéma canadien dans le cadre d’un sondage auprès de 200 professionnels des médias mené par le TIFF, Bibliothèque et Archives Canada, la Cinémathèque québécoise et la Cinematheque de Vancouver en prévision des célébrations entourant le 150e anniversaire du Canada en 2017.
Voir aussi : Longs métrages canadiens; Cinéma québécois.
Prix
Prix du Palmarès du film canadien de 1972
Réalisation, long métrage (Gilles Carle)
Meilleure musique de film, long métrage (Pierre Brault)
Scénario original, long métrage (Gilles Carle)
Meilleure actrice principale, long métrage (Micheline Lanctôt)
Meilleur acteur de soutien, long métrage (Donald Pilon)