Le poney autochtone du lac La Croix est considéré comme la seule race de cheval créée par les peuples autochtones au Canada. Son nom provient de la Première Nation Lac La Croix, au nord-ouest de l’Ontario, lieu où le poney est aperçu pour la dernière fois à l’état sauvage. Nommé bebezhigooganzhii ou mishdatim en langue ojibwée (ce qui signifie « un gros ongle du pied »), le petit cheval à moitié domestiqué, à une certaine époque, vit à l’état sauvage et, tout en étant considéré comme un animal totem, travaille comme animal domestique pour le peuple ojibwé du nord-ouest de l’Ontario et du nord du Minnesota. Aujourd’hui, cette race affectueuse et polyvalente est utilisée pour l’équithérapie, les programmes de partage du patrimoine autochtone et le tourisme. Le Canada et les États-Unis entreprennent certaines mesures pour protéger la race, en voie d’extinction.
Évolution
Le cheval (Equuscaballus) se développe en Amérique du Nord pendant l’ère préhistorique et se propage en Asie et en Europe il y a 2 ou 3 millions d’années. Les paléontologues estiment que l’espèce nord-américaine s’est éteinte il y a 10 000 ans, soit à la fin de l’ère glaciaire.
Quand les Espagnols et les autres peuples européens commencent à explorer les Amériques et à les coloniser, au 16e siècle, ils emportent avec eux des chevaux domestiqués, réintroduisant ainsi cet animal sur le continent. Ces chevaux sont utilisés à des fins de transport, d’aide au travail et d’élevage (voir Élevage des animaux). Mais les opinions divergent, car il a été suggéré que certains chevaux en Amérique du Nord ont survécu à l’ère glaciaire. Cet argument trouve ses racines dans l’histoire orale autochtone, particulièrement celle des Dakotas, qui disent que les chevaux jouaient un rôle essentiel dans la vie autochtone, bien avant les premiers contacts avec les Européens.
Certains experts estiment que le poney du lac La Croix est le descendant de chevaux que les Européens ont apporté en Amérique du Nord. Il pourrait être un hybride entre le mustang espagnol et le cheval canadien, une race robuste du Québec puisant ses racines en France.
Description
Bien qu’il soit officiellement considéré comme un poney parce qu’il mesure moins de 14,2 mains (1,47 m) au garrot (région surmontant les épaules du cheval), le poney du lac La Croix est bâti comme un petit cheval. À l’état sauvage, son gabarit compact et son corps puissant l’aident à passer à travers les broussailles denses et les arbres serrés.
Cet animal sylvicole est bien adapté à son habitat : de petits sabots durs comme le fer lui permettent de se promener d’un pied stable sur le terrain vallonné et rocailleux du Bouclier canadien. Un battement de naseaux distinctif, une crinière épaisse et de petites oreilles poilues l’aident à se protéger des insectes et du froid.
Sa robe peut être de n’importe quelle couleur unie, sauf le blanc ou le crème; noir et bai (brun roux) sont des couleurs courantes. Il n’est pas rare de voir une étoile ou une marque blanche sur son front, ou encore des balzanes. Comme plusieurs autres races sauvages, le poney du lac La Croix peut porter une raie de mulet sur son dos et de légères zébrures sur ses membres.
Les éleveurs remarquent chez le poney du lac La Croix un esprit bienveillant et un « bon sens » inégalé. La race est sociable et intelligente, a un caractère espiègle, est aisée à entretenir, et il est facile de travailler avec elle.
Répartition géographique et habitat
Les poneys du lac La Croix vivaient autrefois à l’état sauvage dans les forêts boréales du nord-ouest de l’Ontario et du nord du Minnesota. Ils partageaient leur territoire avec le peuple ojibwé, les côtoyant parfois de très près. Les aînés se rappellent les milliers de poneys qui couraient dans la nature, libres comme les cerfs.
Aujourd’hui, le poney du lac La Croix ne vit plus à l’état sauvage, mais il continue d’exister dans des réserves du Canada et des États-Unis.
Reproduction et développement
À l’état sauvage, les poneys du lac La Croix se reproduisent en été et leur progéniture naît souvent dans les bois. Avec la décroissance des hardes, les seuls poneys restant en 1977 sont quatre juments dans la Première Nation Lac La Croix, au nord-ouest de l’Ontario.
Sans aucun étalon pour continuer la lignée, les juments sont accouplées au Minnesota avec un mustang espagnol enregistré (SmokeySMR 169). L’initiative est à l’origine d’un effort de conservation encore réalisé aujourd’hui.
Interactions avec les humains
Le peuple ojibwé élève le poney du lac La Croix pour se déplacer en hiver, notamment pour parcourir les lignes de trappage, traîner des cargaisons et tirer des traîneaux. En échange, il lui offre un abri et de la nourriture, ainsi qu’une protection contre les loups et les autres prédateurs. Au printemps, les chevaux sont renvoyés à l’état sauvage et se débrouillent seuls jusqu’au prochain hiver.
Aujourd’hui, cette race polyvalente est utilisée principalement pour l’équithérapie, la formation facilitée par le cheval et le tourisme. Nombre de ces initiatives sont destinées à réconcilier les jeunes et leur patrimoine autochtone. Entraîner des chevaux et s’en occuper leur permet d’explorer les traditions et l’histoire de leur peuple tout en développant de la confiance, de la résilience et de la force. Un de ces programmes,Grey Raven Ranch, dans la réserve de la Première Nation de Seine River, est situé sur le lieu de vie originel du poney du lac La Croix.
Dépeuplement
Les chevaux perdent de leur utilité avec la montée de la popularité des moteurs à combustion interne, utilisés dans les motoneiges, les automobiles et l’équipement motorisé. La relation entre les humains et le poney du lac La Croix est donc rompue, ce qui mène à l’amoindrissement des hardes.
Toutefois, il y a plus que l’industrialisation qui mène au dépeuplement des hardes. Dans les années 1940, le troupeau qui vit principalement sur la réserve de Bois Forte, au nord du Minnesota, est encerclé et éliminé, sous les recommandations des missionnaires. Ceci a fait disparaître la race des États-Unis.
Au nord du lac Supérieur, une petite harde reste la dernière à vivre à l’état sauvage dans les alentours de la Première Nation Lac La Croix, la dernière communauté isolée à rester en communion avec les chevaux.
Chaque printemps, avant la fonte des glaces, des membres de la Première Nation Lac La Croix traversent le lac et mènent la harde jusqu’à l'île Pony, où les chevaux peuvent mettre bas, se reproduire et se nourrir à l’abri des prédateurs. Chaque hiver, les chevaux retournent vers la communauté.
Avec le temps, la harde rétrécit. Dans les années 1960, le chercheur Lester Bower abat accidentellement un poulain, laissant dans la harde en déclin six poneys et un vieil étalon qui ne peut pas se reproduire.
En 1977, les responsables de la santé au Canada jugent que les quatre juments restantes représentent un risque sanitaire et présentent un plan pour les éliminer. Avant que leur plan puisse être mis à exécution, cinq hommes de Bois Forte et de Lac La Croix viennent au secours des juments et les conduisent de l’autre côté du lac gelé, sur la réserve du Minnesota.
Engendré par un mustang espagnol, un premier étalon noir du nom de Keokuk naît en janvier 1980. Cinq ans plus tard naît un autre étalon noir, Nimkii. Les deux chevaux forment ainsi deux nouvelles lignées de poneys autochtones du lac La Croix.
Protection
Rare Breeds Canada reconnaît officiellement le poney autochtone du lac La Croix dans les années 1990. Le premier troupeau d’élevage, composé d’un étalon et de trois juments, revient au Canada en 1993. Deux autres troupeaux sont rapatriés avant la fin de la décennie.
Des éleveurs dévoués réussissent lentement à ramener la population à environ 150 chevaux qui vivent sur des ranchs, des fermes et des aires de reproduction contrôlées en Ontario, en Saskatchewan, en Alberta et dans certaines parties des États-Unis.
Les éleveurs donnent des noms autochtones à leurs chevaux, tels que Keokuk et Nimkii, pour honorer l’importance culturelle et historique qu’a eue le poney autochtone du lac La Croix pour les peuples des Premières Nations.