Le drapeau acadien, aussi appelé le drapeau de l’Acadie ou le tricolore étoilé, est composé de trois bandes verticales en bleu, blanc et rouge avec une étoile de la vierge Marie dans la bande bleue. En 1884, lors de la deuxième Convention nationale acadienne à Miscouche, à l’Île-du-Prince-Édouard, le drapeau fut choisi comme un des symboles acadiens. Aujourd’hui, l’étoile et les couleurs du drapeau se retrouvent sur de nombreux logos d’associations et de regroupements liés aux Acadiens ou à leur langue.
Un drapeau acadien à Wolfville, Nouvelle-Écosse.
Origines
Des années 1880 jusqu’au début du 20e siècle, on observe chez les Canadiens francophones une forte volonté de se définir sur le plan national. Chez les Acadiens, cette volonté découle de leur essor démographique, culturel et politique que l’on associe à la Renaissance acadienne. Cette dernière est également motivée par les problèmes qu’affrontent les Acadiens régis par un gouvernement majoritairement anglophone et par la crainte, pour certains, de perdre leur identité propre dans l’amalgame de tous les francophones du Canada sous une bannière québécoise. C’est grâce à l’influence grandissante de leaders issus de leur élite et de leur clergé que les Acadiens parviennent à concevoir un premier projet de société ayant pour objet l’affirmation de l’histoire, de la culture et des particularités de ce peuple qui vit au sein d’un Canada en pleine croissance.
Ce projet identitaire se confirme et prend forme lors de la première Convention nationale des Acadiens, qui a lieu à Memramcook au Nouveau-Brunswick, en 1881, où se réunissent des penseurs, des membres du clergé et de l’élite, ainsi que des nationalistes acadiens. C’est lors de cette première convention que le 15 août, jour de l’Assomption, est choisi comme date de la fête nationale des Acadiens. Ce choix n’a toutefois pas été unanime. En effet, certains participants privilégiaient la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin, puisque c’était la fête des Canadiens français; mais, la volonté de se distinguer du reste des francophones du Canada l’a emporté.
Le 15 août 1884, lors de la deuxième Convention nationale à Miscouche, à l’Île-du-Prince-Édouard, on soulève la question des symboles nationaux : il reste encore à doter l’Acadie d’un hymne national et d’un drapeau. L’idée du drapeau acadien est attribuée, entre autres, à l’abbé Marcel-François Richard, un Acadien de souche qui prend à cœur les causes de l’éducation et de l’agriculture, ainsi que l’affirmation du peuple acadien. Président de la troisième commission chargée d’étudier le choix du drapeau, il réfléchissait au projet depuis déjà quelques années. Durant cette convention, il propose le modèle du drapeau que nous connaissons aujourd’hui.
Signification et choix du drapeau
Le drapeau que l’abbé Richard propose aux participants est le tricolore français (bleu, blanc, rouge) décoré dans sa partie bleue, d’une étoile jaune aux couleurs papales représentant la dévotion à Marie. Dans le discours qui accompagne la présentation de son drapeau, l’abbé Richard en explique la symbolique et l’idéologie :
À une armée, il faut un étendard. La bannière de l’Assomption, naturellement, sera portée avec un patriotisme religieux en tête de nos processions religieuses. Mais il nous faut avoir un drapeau national qui flotte sur nos têtes aux jours de nos réunions ou célébrations nationales. Plusieurs formes de drapeaux ont été proposées. Je ne veux pas déprécier les suggestions faites à ce propos, mais je ne puis m’accorder avec ceux qui prétendent que nous devons choisir un drapeau tout à fait différent de celui qui représente notre mère patrie. Le drapeau tricolore est le drapeau de la France, dont nous sommes les descendants, et ce drapeau a le droit de flotter par convenance internationale dans l’univers entier. Pour nous, Acadiens, ce drapeau nous dit simplement que nous sommes Français et que la France est notre mère-patrie, comme le drapeau irlandais rappelle aux Irlandais leur origine et leur patrie. Cependant, je voudrais que l’Acadie eût un drapeau qui lui rappelât non seulement que ses enfants sont français, mais qu’ils sont aussi acadiens. Je suggère donc, et je propose aux délégués de cette Convention, le plan suivant du drapeau national. Le drapeau tricolore tel que confectionné serait celui de l’Acadie en y ajoutant dans la partie bleue une étoile aux couleurs papales. L’étoile qui représente l’étoile de Marie, Stella Maris, servira d’écusson dans notre drapeau comme celui du Canada fait du drapeau anglais celui de la Confédération…
Ce nouveau symbole suscite l’enthousiasme immédiat de l’assemblée qui appuie la proposition à l’unanimité. Le soir même, lors de la cérémonie de clôture, l’abbé Richard déploie devant tous les convives le fameux drapeau, qu’il avait déjà fait confectionner par son amie Marie Babineau, une paroissienne de Saint-Louis-de-Kent.
À la fin de la convention de 1884, le drapeau est hissé sur le mât du traversier qui ramène les participants à Shediac. Anselme Léger, délégué de Shediac à la convention, garde ensuite le drapeau. Comme de nombreux Acadiens, M. Léger part à la recherche d’un emploi aux États-Unis et apporte le drapeau, qui finira par tomber dans l’oubli. Ainsi, le drapeau original disparaît jusqu’en 1940, année où le fils d’Anselme Léger, Marcel, en prend possession. De son lieu de résidence au Massachusetts, il confie le drapeau au curé Clarence Léger afin qu’il le rapporte en Acadie. Le drapeau est alors confié au Musée de la cathédrale de Notre-Dame-de-l’Assomption, avant d’être déplacé à deux reprises avec le reste de la collection pour se retrouver au Musée acadien de l’Université de Moncton. Il y est maintenant exposé en permanence.
Un symbole qui perdure malgré le changement
Après la convention de 1884, le clergé, l’élite acadienne et les collèges francophones, en particulier, soutiennent l’idée du drapeau acadien comme symbole d’une nation. Toutefois, les Acadiens ne s’identifient pas tous à ce symbole parce que le tricolore français est un drapeau républicain. À la veille de la troisième Convention nationale des Acadiens en 1890, des mouvements d’opposition voient le jour et se servent des journaux acadiens comme tribune. Pourtant, pendant la convention, aucun reproche n’est formulé quant à la procédure qui a entouré le choix du drapeau; les participants réitèrent plutôt leur appui à ce symbole.
Au 20e siècle, une partie du clergé défend l’unité de la francophonie canadienne et souhaite la doter d’un drapeau unique; il propose alors le Carillon Sacré-Cœur, drapeau national des Canadiens français, au lieu du drapeau acadien. L’idée est toutefois abandonnée après le Premier Congrès de la langue française à Québec, en 1912, où le drapeau acadien flotte parmi les autres drapeaux.
Dans les années 1960, les jeunes acadiens remettent en cause le symbole que représente le drapeau. Ils réclament la modernisation de l’Acadie et l’abandon des symboles liés à la religion. Au cours d’une de leurs rencontres, ils votent donc pour les reléguer au folklore et leur retirer leur rôle identitaire. Mais, cette initiative a plutôt l’effet contraire et renforce le sentiment d’appartenance chez les Acadiens.
Le symbole reste fort et s’ancre de plus en plus dans la communauté, malgré son appropriation par le Parti acadien, un regroupement politique aux appuis mitigés ayant existé de 1972 à 1982 au Nouveau-Brunswick. En fait, toutes les fois que le drapeau est menacé de disparaître, la population se mobilise pour le protéger, ce qui renforce son symbolisme. Les grandes célébrations du 20e siècle aident également à faire accepter ce symbole et à le populariser. Les commémorations du bicentenaire du Grand Dérangement, en 1955, et les célébrations du 375e anniversaire de l’Acadie, en 1979, permettent de consolider, une fois pour toutes, le drapeau comme symbole du peuple acadien au Canada et à l’étranger. La fabrication de produits dérivés en tout genre arborant le drapeau et ses couleurs en est le meilleur témoignage.
Le drapeau devient un point de référence. Il influence de nombreux autres symboles comme celui des Cajuns. En outre, l’étoile et les couleurs du drapeau se retrouvent sur de nombreux logos d’associations et de regroupements liés aux Acadiens ou à leur langue. Encore aujourd’hui, le drapeau fait partie de l’identité de nombreux groupes, institutions ou personnages, par exemple, l’Université de Moncton, le journal L’Étoile et le superhéros de bande dessinée Acadieman.