Série d'émissions musicales à la télévision de la SRC consacrée à la présentation d'opéras, d'opérettes et de ballets ainsi que d'oeuvres symphoniques et de concertos, en version intégrale ou sous forme d'extraits, parfois accompagnés d'un récital de soliste d'une durée variable. La première émission fut à l'affiche le 14 janvier 1954, et la dernière le 31 mars 1966. La série faisait relâche durant l'été. Elle fut d'abord à l'horaire du réseau français seulement mais, dans les années subséquentes, un grand nombre d'émissions furent inscrites à l'horaire du réseau anglais, transmises alors en direct sur les deux réseaux ou, après l'avènement de l'enregistrement sur bande magnétoscopique, en différé. Réciproquement, certaines grandes émissions musicales réalisées par le réseau anglais furent inscrites à l'horaire de « L'Heure du concert ».
En 1953, Pierre Mercure, Gabriel Charpentier et Noël Gauvin formaient, à la télévision de la SRC à Montréal, une équipe de production musicale dont la principale activité fut « L'Heure du concert » et à laquelle se joignit Françoys Bernier à la fin de 1954. De 1954 à 1966, la SRC présenta 207 émissions dans le cadre de cette série pour lesquelles furent conclus au total 13 957 engagements, dont 533 d'artistes étrangers et 13 424 d'artistes canadiens. Durant 13 saisons, 133 oeuvres lyriques complètes ou extraits et 133 ballets furent présentés. Le rythme des présentations variait d'une saison à l'autre. De 1954 à 1957, l'émission fut offerte une fois par semaine; les saisons 1957-58, 1963-64 et 1964-65 proposèrent une émission toutes les deux semaines, incluant un opéra presque toujours complet par mois; de 1958 à 1963, une grande production, opéra ou ballet, était à l'horaire chaque mois; la saison 1965-66 vit la reprise du rythme d'une émission par semaine. La plupart des productions, en noir et blanc, étaient réalisées en direct. Ce n'est que vers la fin de la série que l'enregistrement sur bande magnétoscopique fut adopté.
Le principal artisan de ces manifestations, qui allaient apporter la notoriété au réseau français de la télévision de la SRC, fut Pierre Mercure. Homme d'action, conscient des exigences de la réalisation télévisée, Mercure s'était adjoint un conseiller artistique en Gabriel Charpentier, dont les connaissances multidisciplinaires, l'imagination et la fantaisie allaient largement contribuer au succès de la série. Mercure s'entoura éventuellement de réalisateurs de talent dont Jean-Yves Landry, Pierre Morin et Guy Parent; de décorateurs tels Claude Jasmin, Robert Prévost et Jean-Claude Rinfret; de costumiers comme Solange Legendre, Richard Lorain, Claudette Picard et André Vaillancourt; et d'un illustrateur, Frédérick Back. Ces derniers étaient tous membres du personnel régulier de la SRC. Mercure et ses collaborateurs firent appel à des metteurs en scène comme Paul Buissonneau, Jan Doat, Jean Gascon, Irving Guttman et Maurice Sarrazin; à des chorégraphes tels que Ludmilla Chiriaeff, Eric Hyrst, Jeanne Renaud et Françoise Riopelle; et à des chefs d'orchestre comme Ernesto Barbini, Jean-Marie Beaudet, Françoys Bernier, Alexander Brott, Jean Deslauriers, Pierre Hétu, Roland Leduc, Igor Markevitch, Ettore Mazzoleni, Otto-Werner Mueller, Wilfrid Pelletier, Heinz Unger et Geoffrey Waddington.
La série contribua à l'éducation musicale du public en présentant certains chefs-d'oeuvre du répertoire rarement montés au Canada. Quelques titres suffiront à donner une idée de l'éventail des oeuvres présentées : Così fan tutte de Mozart (26 janvier et 2 février 1956); Il Retablo de Maese Pedro de Manuel de Falla (22 novembre 1956); Jeanne d'Arc au bûcher de Honegger (20 novembre 1958); L'Histoire de Daniel, mystère anonyme du XIIIe siècle (24 décembre 1959); Manon de Massenet (11 février 1960); Orphée et Eurydice de Gluck (9 mars 1961); Le Château de Barbe-Bleue de Bartók (1er février 1962); La Vie parisienne d'Offenbach (6 janvier 1963); Les Fêtes d'Hébé de Rameau (20 septembre 1964); Le Barbier de Séville de Rossini (7 mars 1965), émission qui valut au réalisateur Pierre Morin et à son équipe un Emmy Award soulignant la valeur exceptionnelle d'une émission produite à l'extérieur des É.-U.
« L'Heure du concert » permit aussi à la musique contemporaine de faire une entrée remarquée à la télévision. Il serait plus juste de parler ici d'art contemporain car Pierre Mercure avait une personnalité axée sur les spectacles multidisciplinaires d'une part, et sur l'avant-garde d'autre part. « L'Heure du concert » accorda donc une large place à la musique, la danse, la peinture, la sculpture et la poésie du XXe siècle. Dès 1960, il invita des chorégraphes comme Alwin Nikolais et Merce Cunningham. En 1956, George Balanchine et le New York City Ballet participèrent à l'émission et allaient revenir à plusieurs reprises. Parmi d'autres émissions à signaler, notons des extraits de Wozzeck d'Alban Berg (21 février 1956); Les Noces (8 mars 1956) et Oedipus Rex (29 novembre 1956) de Stravinsky; Pelléas et Mélisande de Debussy (24 novembre 1960); l'ensemble Pro Musica Antiqua de Bruxelles (9 novembre 1961); les Quatre pièces op. 7 et le Quatuor op. 22 de Webern ainsi que Refrain de Stockhausen (6 février 1964); un récital du pianiste Claudio Arrau (5 novembre 1964). En 1963, Pierre Boulez fit ses débuts au Canada, dirigeant Le Sacre du printemps de Stravinsky et sa propre Deuxième improvisation sur Mallarmé : Une dentelle s'abolit.
Dès 1954, Mercure avait engagé deux jeunes musiciens canadiens récemment sortis du RCMT : Glenn Gould et Jon Vickers. « L'Heure du concert » inaugura ainsi une politique toujours maintenue par la suite de permettre au plus grand nombre possible de Canadiens de faire valoir leur talent. Quelques productions affichèrent des distributions entièrement canadiennes : L'Enfant et les sortilèges de Ravel (27 décembre 1956), émission présentée à Salzbourg à un congrès du Conseil international de la musique sur « L'Opéra à la télévision » (1957) et qui fut remarquée parce qu'elle avait été réalisée en direct et en simultané (son et image); La Grande-Duchesse de Gérolstein d'Offenbach (9 octobre 1958); et Dialogues des Carmélites de Poulenc (excepté Elena Nikolaidi, 15 avril 1960).
La musique canadienne, déjà présente au cours des deux premières saisons, figura de plus en plus dans les années subséquentes et prit parfois la forme d'émissions spéciales : « Hommage à Claude Champagne » (16 janvier 1964); « Un compositeur canadien : Roger Matton » (21 février 1965); et, ultime réalisation de Pierre Mercure avant sa mort accidentelle, l'opéra Toi (Loving), texte anglais et musique de R. Murray Schafer avec paroles françaises de Gabriel Charpentier, présenté à titre posthume le 3 février 1966. Ce poème audiovisuel, conçu spécifiquement pour la télévision, avec chorégraphie de Françoise Riopelle, et sous la direction musicale de Serge Garant, constitue une date marquante de la télévision canadienne. Il marqua l'apogée de cette remarquable série de « L'Heure du concert » dont les réalisations se signalaient par une haute tenue artistique et visaient à la communion la plus parfaite entre le son et l'image. Elle fut un terrain propice à la création sonore et visuelle sous toutes ses formes.
Dans les mois qui suivirent la mort de Mercure, l'émission subit diverses modifications. À partir du 18 septembre 1966, « L'Heure du concert » fut intégrée à la série « Les Beaux dimanches ».