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Margaret Brooke

Margaret Martha Brooke, MBE, diététicienne, officier de marine, héros de guerre, paléontologue (née le 10 avril 1915 à Ardath, en Saskatchewan; décédée le 9 janvier 2016 à Victoria, en Colombie-Britannique). Margaret Brooke est infirmière militaire durant la Deuxième Guerre mondiale et survivante du torpillage du SS Caribou. Pour son héroïsme suite au naufrage, elle est faite membre de l’Ordre de l’Empire britannique (MBE). Elle est la première infirmière militaire à être ainsi décorée.

 

Jeunesse 

Margaret Brooke grandit dans la Saskatchewan rurale où son père est fermier et sa mère enseignante. En 1933, elle quitte le nid familial pour l’Université de Saskatchewan où elle obtient un baccalauréat en économie domestique. À Ottawa, elle effectue un stage en diététique et devient diététicienne certifiée.

Deuxième Guerre mondiale

En mars 1942, Margaret Brooke rejoint la Marine royale du Canada au sein du NCSM Unicorn, la division de la Réserve navale à Saskatoon en Saskatchewan. Puisqu’il n’existe pas de catégorie navale pour sa profession (diététicienne), elle obtient le titre d’infirmière militaire au rang d’enseigne de vaisseau de 1re classe. Elle travaille alors au sein de différents hôpitaux de la marine au Canada et à Terre-Neuve (Terre-Neuve devient une province canadienne en 1949).

Naufrage du SS Caribou

Lorsqu’elle se trouve à St John’s, Terre-Neuve, Margaret Brooke survit au torpillage du SS Caribou, un traversier qui coupe le détroit de Cabot de Sydney, en Nouvelle-Écosse à Port aux Basques, à Terre-Neuve. En raison de la présence de sous-marins allemands dans l’Atlantique, le bateau est escorté par des navires de la Marine royale canadienne. (Voir Bataille de l’Atlantique.) Margaret Brooke et une amie, Agnes Wilkie, enseigne de vaisseau de 1re classe (infirmière militaire), sont à bord du traversier lorsqu’il est touché par une torpille allemande aux premières heures du 14 octobre 1942. Le dragueur de mines NCSM Grandmère se met immédiatement à la chasse au sous-marin allemand U-69, selon les ordres reçus. 

Les passagers du traversier se ruent vers les bateaux de sauvetage. Nombre d’entre eux doivent sauter par-dessus bord. Lorsque la torpille frappe, les deux femmes enfilent leurs vestes de sauvetage par-dessus leurs lourds manteaux de la marine et se dirigent vers le pont où, comme le racontera plus tard Margaret Brooke, elles trouvent une foule affolée. Malheureusement, les deux femmes ne réalisent pas qu’elles doivent quitter le navire et sont aspirées sous l’eau lorsqu’il coule.

Dans une lettre à son frère, Margaret Brooke écrit, après la tragédie : « Je ne sais pas comment on a réussi à s’éloigner, mais nous nous sommes agrippées l’une à l’autre lorsqu’on était sous l’eau et quand on a finalement atteint la surface, nous nous sommes accrochées à un morceau de l’épave et nous ne l’avons pas lâché. » Peu après, elles réussissent à rejoindre d’autres passagers qui se tiennent aux cordes d’un bateau de sauvetage chaviré. Un soldat tire Margaret Brooke sur le bateau et, ensemble, ils sortent Agnes Wilkie de l’eau.

L’air froid d’octobre et l’eau glaciale ont bientôt raison d’Agnes Wilkie; elle souffre d’hypothermie. Elle s’évanouit et glisse dans l’eau, mais son amie l’attrape et la ramène sur le bateau. Margaret Brooke la tient par une main jusqu’au matin, alors que son autre main tient la corde du bateau de sauvetage. Elle dira plus tard : « J’ai réussi à la retenir jusqu’à l’aube, mais une vague l’a emportée. Elle n’a pas souffert [puisqu’elle était évanouie], mais c’était affreux de la voir partir. »

Des 4 480 infirmières militaires enrôlées dans les trois services durant la Deuxième Guerre mondiale, Agnes Wilkie est la seule à périr dans une attaque de l’ennemi. En comparaison, 53 des 2 845 infirmières qui servent durant la Première Guerre mondiale perdent la vie en service.

Après une recherche infructueuse du sous-marin allemand, le NCSM Grandmère revient sur le lieu du naufrage deux heures plus tard pour récupérer les survivants. Des 119 civils et des 118 militaires sur le navire, seulement 101 survivent. (Voir Naufrage du SS Caribou.)     

L’intronisation de Margaret Brooke à l’Ordre de l’Empire britannique fait l’objet d’un article dans le London Gazette le 1er janvier 1943. Voici une citation : « Pour son courage et sa bravoure. Après le naufrage du traversier SS Caribou à Terre-Neuve, cet Officier a fait preuve de courage lorsqu’elle a tenté de sauver la vie d’une autre infirmière militaire. »  

Infirmière militaire Margaret Brooke

L’infirmière militaire Brooke, diététicienne à l’hôpital de la Marine royale du Canada, St. John’s, Terre-Neuve, 17 juillet 1943.

Le saviez-vous?

Margaret Brooke est la première femme et infirmière militaire canadienne à recevoir l’Ordre de l’Empire britannique pendant la Deuxième Guerre mondiale. Elle n’est toutefois pas la seule à être ainsi décorée. La lieutenant (infirmière militaire) Norah Deirdre Ross Hughes du RCAMC est elle aussi faite membre de l’Ordre le 5 janvier 1946. Au total, 40 femmes militaires canadiennes reçoivent l’Ordre de l’Empire britannique en reconnaissance de leur service pendant la Deuxième Guerre mondiale.


Après-guerre

Après la guerre, Margaret Brooke conserve son poste au sein de la marine et prend sa retraite en 1962 comme lieutenant-commandant. Elle retourne en Saskatchewan et à son alma mater, où elle reçoit un baccalauréat et un doctorat en biostatigraphie et en micropaléontologie. Après avoir obtenu ses diplômes, elle travaille pour l’université en tant que formatrice et chercheuse. Elle prend sa retraite en 1986 et s’installe à Victoria, en Colombie-Britannique, où elle mène une vie active. Elle vit seule jusqu’à 97 ans et est en bonne santé jusqu’à l’automne 2015. 

NCSM Margaret Brooke

Le jour de son 100e anniversaire, Margaret Brooke reçoit un appel du ministre de la Défense nationale, qui lui annonce que le deuxième d’une flotte de six patrouilleurs arctiques et hauturiers serait nommé le NCSM Margaret Brooke en son honneur. Abasourdie, elle remarque que « la marine ne donne pas des noms de personne à ses navires tous les jours. » C’est la première fois qu’un navire de guerre canadien est nommé en l’honneur d’une femme et d’une personne vivante. Le bateau est mis à l’eau le 10 novembre 2019 et sera soumis à des essais avant d’être livré à la marine.