Michelle Douglas, militante et défenseuse des droits des personnes LGBTQ, humanitaire, fonctionnaire (née le 30 décembre 1963 à Ottawa en Ontario). Michelle Douglas a commencé une carrière prometteuse au sein des Forces armées canadiennes (FAC) en 1986, mais elle a reçu une libération honorable parce qu’elle était lesbienne. Elle a intenté avec succès une poursuite judiciaire contre l’armée qui a mené à l’abolition de la politique discriminatoire contre les gais et lesbiennes. Michelle Douglas a ensuite travaillé avec de nombreux organismes caritatifs et elle a occupé le poste de directrice des relations internationales au ministère de la Justice. En septembre 2019, elle est devenue directrice générale du Fonds Purge LGBT. En décembre 2023, Michelle Douglas a été nommée à titre de première colonelle honoraire des Forces armées canadiennes pour le groupe du Chef – Conduite professionnelle et culture.

Enfance et éducation
Michelle Douglas naît le 30 décembre 1963 à Ottawa en Ontario. Élevée en Ontario et en Nouvelle-Écosse, elle choisit d’étudier le droit et les sciences politiques à l’Université Carleton à Ottawa, car l’établissement est situé dans la capitale nationale, le siège du gouvernement. En 1985, elle obtient son baccalauréat en droit. Durant ses études, Michelle Douglas découvre qu’elle souhaite servir son pays d’une manière ou d’une autre, alors une fois son diplôme obtenu, elle s’enrôle dans les Forces armées canadiennes.
Carrière militaire et libération
Michelle Douglas se joint à l’armée le 26 novembre 1986 à 23 ans. Elle excelle dans tous ses cours, et elle obtient son diplôme en tête de sa classe en mars 1987. Elle passe environ deux ans en tant que sous-lieutenante avant d’être invitée à se joindre à l’Unité des enquêtes spéciales (UES) à titre d’officière, ce qui fait d’elle l’une des premières femmes à obtenir ce titre dans l’unité. La UES enquête sur les comportements criminels dans l’armée, notamment sur les allégations selon lesquelles des militaires sont homosexuels ou lesbiennes. La discrimination contre les gais et lesbiennes dans la fonction publique commence dans les années 1950 durant la Guerre froide, alimentée par la crainte que ces personnes représentent un risque pour la sécurité étant donné qu’ils ou elles pourraient faire l’objet de chantage au sujet de leur sexualité. (Voir Purges dans le service public canadien pendant la guerre froide : le cas des personnes LGBTQ; Purges dans les Forces armées canadiennes pendant la guerre froide : le cas des personnes LGBTQ).
Michelle Douglas est elle-même lesbienne, mais elle accepte le poste au sein de la UES et décide de cacher sa vie privée. Elle se souvient de cette époque : « J’étais terrifiée. Je voulais simplement faire mon travail, mais rien de tout ça n’avait de l’importance. » En mai 1988, la UES ouvre une enquête sur Michelle Douglas en raison d’une étroite relation qu’elle entretient avec une présumée lesbienne. En juillet, le supérieur de Michelle Douglas l’informe qu’ils prennent l’avion pour Ottawa pour une enquête; cependant, on l’emmène dans un hôtel. Durant deux jours, des officiers de sexe masculin l’interrogent sur son orientation sexuelle. Son interrogatoire est enregistré à son insu et on ne lui donne pas accès à de l’aide juridique. Michelle Douglas nie être lesbienne et refuse d’abord de se soumettre à un détecteur de mensonges, car elle croit que cela mettrait fin à sa carrière militaire.
Après son retour au travail, les hostilités au bureau poussent Michelle Douglas à accepter de passer le test du détecteur. Toutefois, avant de passer son test, elle avoue être lesbienne. Elle refuse de dénoncer les autres membres militaires gais et lesbiennes lorsqu’on lui demande.
Les membres du service militaire dont l’homosexualité est découverte ne peuvent plus recevoir de formation, de promotions, d’augmentations de salaire ou d’habilitation de sécurité. Après son aveu, Michelle Douglas est mutée à un poste moins sensible, et en avril 1989, son habilitation de sécurité top secret est révoquée. Le mois suivant, on l’informe qu’elle est libérée parce qu’elle « ne peut pas être avantageusement employable en raison de son homosexualité ». À contrecœur, elle accepte sa libération le 8 juin 1989, mettant un terme à une carrière militaire de moins de trois ans.
Poursuite contre l’armée canadienne
Après son renvoi, Michelle Douglas assiste à une conférence sur les droits des gais et des lesbiennes donnée par Svend Robinson, le premier membre du parlement ouvertement gai. Après la conférence, Michelle Douglas raconte son expérience à Svend Robinson qui est au courant de la politique discriminatoire de l’armée envers les personnes LGBTQ et qui cherche quelqu’un pour mener une action en justice sur la question, ce que Michelle Douglas accepte de faire plus tard.
En août 1989, Michelle Douglas dépose une plainte contre l’armée au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, un organisme d’examen externe. L’année suivante, le Comité juge la libération de Michelle Douglas injuste et recommande le rétablissement de son poste et de son habilitation de sécurité; cependant, l’armée refuse.
En janvier 1990, Michelle Douglas intente une action en justice pour obtenir une compensation pour son licenciement et pour contester la politique discriminatoire de l’armée à l’encontre des militaires homosexuels. Le procès prend près de trois ans pour se régler. Durant ce temps, Michelle Douglas travaille comme enquêteuse pour Revenu Canada à Barrie en Ontario. La poursuite de Michelle Douglas est la première d’une série de cinq procès similaires à régler. En 1992, elle déclare au sujet de sa poursuite : « Ce n’est pas uniquement pour moi. C’est pour les personnes qui sont toujours dans les Forces armées canadiennes et pour ceux et celles qui n’ont jamais eu la chance d’intenter une poursuite à ce sujet. Il ne fait aucun doute que des personnes sont toujours lésées par cette politique et il est extrêmement important de la changer, et ce dès maintenant. »
Le 27 octobre 1992, la journée du procès de Michelle Douglas, l’armée opte pour un règlement hors cour. Michelle Douglas reçoit 100 000 $, et l’armée abolit officiellement sa politique discriminatoire contre les gais et lesbiennes. Dans le cadre de ce règlement, la Cour fédérale du Canada rend une ordonnance qui déclare que la politique de l’armée viole l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés qui stipule que :
« La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. »
La Cour stipule que la formulation de l’article 15 est ouverte et que par conséquent, elle peut être interprétée comme protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle (voir Droits des 2SLGBTQ+ au Canada).
Après être revenue sur sa position, l’armée rétablit des postes et retire les restrictions professionnelles à ceux et celles qui ont subi de la discrimination en raison de leur sexualité. Elle prend également des mesures pour contrer la discrimination dans les rangs en offrant de la formation de sensibilisation et en s’assurant que ses membres respectent l’ordre de la Cour.
En novembre 2017, le premier ministre Justin Trudeau présente des excuses officielles pour la purge des LGBTQ de la fonction publique canadienne durant la Guerre froide, et le gouvernement canadien accepte un règlement de 145 millions de dollars. Ce règlement inclut 110 millions de dollars pour indemniser les fonctionnaires de la communauté LGBT touchés par la purge et 15 millions de dollars pour des efforts historiques de réconciliation, d’éducation et de commémoration.
Carrière post-militaire et bénévolat
Après avoir obtenu gain de cause, Michelle Douglas travaille pour l’égalité de traitement de la communauté LGBTQ. Elle est présidente fondatrice de la Fondation en faveur de l’égalité des familles, un organisme canadien qui vise à obtenir l’égalité pour les relations entre personnes de même sexe. Elle est présidente du centre communautaire 519 qui offre un lieu sûr et des services aux membres de la communauté LGBTQ2S de Toronto. Elle est également membre du Conseil consultatif du programme d’études sur la diversité sexuelle de l’Université de Toronto.
Michelle Douglas est la présidente bénévole du conseil d’administration canadien de WE Charity (anciennement Free the Children), offrant des conseils juridiques et financiers à l’organisme d’autonomisation des jeunes. Elle démissionne du conseil d’administration en mars 2020. Michelle Douglas est directrice des relations internationales au ministère de la Justice entre 2000 et 2019, et elle représente le Canada lors de réunions internationales. En septembre 2019, elle devient directrice générale du Fonds Purge LGBT. En 2018, Michelle Douglas déclare : « Ce n’est pas la vie que j’imaginais avoir. Je croyais devenir une officière dans l’Aviation canadienne. Mais honnêtement, la discrimination dont j’ai souffert m’a changée énormément. »
En décembre 2023, Michelle Douglas est nommée à titre de première colonelle honoraire des Forces armées canadiennes pour le groupe du Chef – Conduite professionnelle et culture. Jennie Carignan, qui dirige alors l’organisation, rend hommage à Michelle Douglas et à ses « efforts héroïques pour sensibiliser et mettre fin à la purge du personnel 2SLGBTQI+ des Forces armées canadiennes… Sa volonté de remettre l’uniforme et de s’engager dans une relation de collaboration est une source d’inspiration pour nous tous ».
Prix et distinctions
- Intronisée, Canadian Lesbian + Gay Archives National Portrait (1999)
- Who’s Who of Canadian Women (1997)
- Récipiendaire, Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II (2012)
- Prix Public Service Pride Network Pioneer (2022)
- Citation Fierté Canada (2023)