Synopsis
Mon oncle Antoine, dont l’action se déroule dans un petit village minier du Québec la veille de Noël, « y’a pas si longtemps », comme un surtitre le mentionne au début du film, met en scène le magasin familial d’Antoine (Jean Duceppe), qui est également propriétaire d’une entreprise de services funéraires. Le personnage principal, le jeune orphelin Benoît (Jacques Gagnon), habite avec son oncle Antoine et sa tante Cécile (Olivette Thibault) au magasin. Il observe les adultes autour de lui d’un oeil à la fois amusé et critique. Une intrigue secondaire importante porte sur la famille Poulin, qui vit dans une ferme isolée. Jos (Lionel Villeneuve), le patriarche, abandonne son emploi à la mine d’amiante à la suite d’une querelle avec un contremaître anglophone et quitte la demeure familiale pour travailler dans un camp de bûcherons.
Lorsque le fils aîné des Poulin décède de façon brutale, Antoine et Benoît se rendent à la ferme durant une tempête de neige. À leur retour, le cercueil tombe du traîneau tiré par des chevaux. Benoît s’aperçoit qu’Antoine a trop bu pour l’aider à ramasser le cercueil. Il retourne donc au magasin, où il trouve Cécile au lit avec Fernand (Claude Jutra), le commis du magasin. Fernand et Benoît partent à la recherche du cercueil. Mais, ils arrivent à la ferme Poulin où ils trouvent Jos, venu passer Noël en famille, et sa famille réunis autour du cercueil ouvert.
Analyse
Le spectateur est amené à partager la vision qu’a Benoît de sa communauté. Une grande partie de l’attrait du film vient du portrait qu’il brosse d’un passé apparemment simple à travers le regard d’un enfant. Tandis qu’il observe la faiblesse d’Antoine et, peut-être, celle d’autres figures paternelles, Benoît lutte afin de faire face à sa propre peur de la sexualité et de la mort. Dans le dernier gros plan figé du film, il observe la famille Poulin réunie autour du cercueil, parodie grotesque de la Nativité. La scène met au défi le spectateur de décider ce qui a changé et ce qui n’a pas changé depuis l’époque pas si lointaine décrite dans le film.
Pour plusieurs, le film est une condamnation du Québec d’avant la Révolution tranquille. André Loiselle, professeur de cinéma, soutient également que Mon oncle Antoine « constitue une métaphore accrocheuse de la transition du Québec vers la modernité », et représente « un commentaire éclairé sur l’incapacité chronique du Québec à choisir entre le rêve de l’indépendance et la sécurité du fédéralisme canadien ».
Accueil de la critique
En plus d’être l’un des premiers films québécois à joindre un vaste public au Canada anglais, Mon oncle Antoine a aussi été acclamé aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France. Toutefois, certains critiques québécois lui reprochent ce qu’ils considèrent comme des « faiblesses indéniables », notamment une histoire « mal équilibrée » et « faiblement construite ». De plus, ils accusent Claude Jutra d’avoir éludé les enjeux sociaux et politiques importants à la suite de la crise d’octobre (le film, tourné avant la crise, a été lancé après celle-ci). Malgré cela, la vision du passé dépeinte dans le film n’est pas du tout empreinte de nostalgie. L’aspect critique serait plus évident si les cinéastes avaient conservé le titre original, Silent Night, une expression anglaise qui renvoie à Noël, mais aussi à la Grande noirceur, une période sombre de l’histoire du Québec, juste avant la Révolution tranquille.
Honneurs et héritage
Mon oncle Antoine a remporté plus de 20 prix internationaux et huit prix du Palmarès du film canadien, notamment ceux du Meilleur long métrage, de la meilleure réalisation et du meilleur scénario original. Il a montré le potentiel du cinéma canadien à une époque où peu de longs métrages canadiens avaient remporté un grand succès auprès du public ou de la critique. Au moins deux critiques ont affirmé qu’il s’agit « du grand film canadien », réputation qu’il conserve depuis. En 1980, il a été consacré meilleur film québécois de tous les temps à la suite d’un sondage mené auprès des critiques par le magazine Séquences. De plus, il s’est hissé à plusieurs reprises en tête du palmarès des dix meilleurs films canadiens de tous les temps, compilé par le TIFF, jusqu’à ce qu’il soit détrôné par le film Atanarjuat (The Fast Runner).
Mon oncle Antoine est aussi considéré comme l’un des films canadiens les plus influents de l’histoire. Comme l’affirme André Loiselle, le succès du film a fait des « films traitant du passage à l’âge adulte une sorte de genre canadien typique. De nombreux films ont tenté de recréer la magie du chef-d’oeuvre de Claude Jutra, notamment Les Mensonges que mon père me contait (1975), de Ján Kadár, Mais qui a vu le vent (1977), d’Allan King, Les bons débarras (1980), de Francis Mankiewicz, Léolo (1992), de Jean-Claude Lauzon et La fille de New Waterford (1999), d’Allan Moyle ».
En 2000, le Trust pour la préservation de l’audiovisuel décerne le titre de chef-d’oeuvre à Mon oncle Antoine. Une édition spéciale de collection, composée de deux disques, a été lancée par The Criterion Collection en 2008. En 2016, le film est classé parmi 150 œuvres essentielles de l’histoire du cinéma canadien dans le cadre d’un sondage auprès de 200 professionnels des médias mené par le TIFF, Bibliothèque et Archives Canada, la Cinémathèque québécoise et la Cinematheque de Vancouver en prévision des célébrations entourant le 150e anniversaire du Canada en 2017.
Voir aussi : Longs métrages canadiens; Cinéma québécois.
Prix
Long métrage de l’année, Palmarès du film canadien (1971)
Interprétation masculine dans un premier rôle – Long métrage (Jean Duceppe), Palmarès du film canadien (1971)
Direction – Long métrage (Claude Jutra), Palmarès du film canadien (1971)
Son – Long métrage (Roger Lamoureux), Palmarès du film canadien (1971)
Interprétation féminine dans un second rôle – Long métrage (Olivette Thibault), Palmarès du film canadien (1971)
Cinématographie – Long métrage (Michel Brault), Palmarès du film canadien (1971)
Musique originale – Long métrage (Jean Cousineau), Palmarès du film canadien (1971)
Scénario original – Long métrage (Clément Perron), Palmarès du film canadien (1971)
Gold Hugo du meilleur film, Chicago International Film Festival (1971)
Prix de la Fondation Richard et Hilda Rosenthal, National Society of Film Critics Awards (1973)