(Middleton, (N-É), 17 févr. 1901 - Wolfville, (N-É), 28 nov. 1976) était une actrice. Ainsi en avait-elle décidé, alors qu'adolescente vivant à Wolfville (Nouvelle-Écosse), elle étudiait au Acadia Ladies' Seminary. Grande, très belle et gracieuse, elle pouvait vraiment interpréter des rôles.
Norval Parsons, le père de Mona, était propriétaire gérant du commerce Parsons and Elliott Home Furnishing sur la rue Commercial à Wolfville. Il avait accepté, bien que de façon condescendante, le choix de Mona de devenir actrice : en attendant de se marier, c'était une occupation comme une autre pour une jeune femme. Toutefois, Mona était convaincue de sa véritable vocation d'actrice. Son père était plutôt sceptique jusqu'à ce que Mona commence à monter sur les planches à Wolfville; il accepta alors que Mona poursuive son rêve, qu'elle se rende à New York, et, selon tout espoir, qu'elle accède ainsi à Broadway.
Mona, cependant, n'atteignit jamais le vedettariat. Elle fit brièvement partie des danseuses des Ziegfield Follies, et bien qu'elle se présentait à une audition après l'autre, aucune ne lui permit de décrocher le « grand rôle »; c'était inscrit dans son avenir. Et lorsque ce rôle se présenta, ce fut une question de vie ou de mort.
Mona suivit une formation d'infirmière et travailla dans un bureau de médecin, sur Park Avenue. Un jour, son frère Ross l'appela de la Nouvelle-Écosse : il avait rencontré un homme d'affaires hollandais en visite, quelqu'un qu'il estimait beaucoup. Il s'agissait d'un certain Willem Leonhardt. Celui-ci était en route pour New York : est-ce que Mona voulait lui faire visiter la ville?
Ce fut le coup de foudre entre Willem Leonhardt et Mona Parsons. Ils se marièrent vers la fin de 1937 et partirent en voyage de noces, un voyage de six mois en voiture, à traverser toute l'Europe. Ils retournèrent ensuite à Amsterdam, y achetèrent un terrain et y construisirent une maison de rêve - Ingleside, qui s'y trouve toujours d'ailleurs.
Pendant presque deux ans, le couple n'eut aucune raison de se priver de quoi que ce soit, et ce même après le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale. Mona Parsons Leonhardt régnait en véritable princesse de la vie mondaine, tandis que son mari Willem, propriétaire d'une variété de voitures de luxe, faisait la navette pour se rendre au travail à Amsterdam.
C'est alors qu'éclata la guerre. Mona, Willem et un petit groupe d'amis intimes formèrent un groupe de résistance avec l'intention de secourir et de cacher les aviateurs alliés - surtout des Britanniques à cette étape de la guerre - qui auraient survécu à leur descente sur la Hollande. En 1943, un très bon film fut tourné sur ce sujet : One of Our Aircraft is Missing - dans lequel Peter Ustinov interpréta son premier rôle au cinéma. Par la suite, Willem et Mona décidèrent de construire un appartement secret dans le grenier d'Ingleside : les aviateurs pourraient s'y cacher jusqu'à ce que des arrangements puissent être faits pour les emmener clandestinement jusqu'à la mer. De là, ils iraient à la rencontre, au cours d'un rendez-vous de nuit, d'un sous-marin britannique.
Mais tout cela fut de courte durée. La cellule de résistance fut infiltrée par un délateur nazi. Un piège fut établi à Leiden, à mi-chemin du parcours qu'empruntaient les aviateurs britanniques pour se rendre à la mer. En route pour Leiden, un membre de la résistance, Bernard Besselink, fut retrouvé en compagnie de deux Britanniques. Il fut exécuté.
Willem décida alors de travailler clandestinement. Ils présumèrent que Mona serait protégée du fait qu'elle était une femme, et que si Willem était parti « en voyage de pêche prolongé », les Nazis n'importuneraient pas son épouse. Elle se prépara donc à une visite, qui survint dans un intervalle de quelques jours seulement. Elle offrit du brandy et des cigares aux enquêteurs à qui elle raconta l'histoire montée de toutes pièces du voyage de pêche de Willem et, se retrouva en prison.
Dès lors, son jeu d'actrice devint une question de vie ou de mort. Sans comprendre vraiment sa motivation, peut-être s'agissait-il tout simplement de sa fierté et de sa dignité néo-écossaises, elle décida de ne jamais leur laisser voir sa peur, de demeurer posée et digne. Elle planerait au-dessus de tout cela.
Une fois qu'ils eurent retrouvé Willem - ils y mirent trois mois - les Nazis, n'ayant plus besoin de Mona, la traduisirent devant les tribunaux. Lorsque vint le moment de sa comparution devant la cour nazie, toutes ses habiletés d'actrice furent mises à rude épreuve. En quelques minutes seulement, Mona fut condamnée au peloton d'exécution.
Bien sûr qu'elle allait s'effondrer, pleurer et supplier. N'était-ce pas le lot des femmes condamnées ? Pourtant, c'était bien mal connaître Mona Parsons. Elle se tint debout sans broncher. Un jeune soldat la prit par le bras pour l'escorter jusqu'à la fourgonnette de la prison : elle repoussa sa main. Ensuite, regardant froidement le juge droit dans les yeux elle dit de façon impérieuse : « Meine Herren! » (Messieurs!)
Tous levèrent le regard, ébahis à la vue de cette femme calme et digne. « Meine Herren ...Guten Morgen. » Puis, tête haute, elle quitta la cour. En sortant, le juge s'approcha d'elle. « Bien chère madame », lui dit-il. « Vous êtes très courageuse. Faites appel. Je recommanderai son acceptation. » Ce que fit Mona : sa peine fut changée à l'emprisonnement à perpétuité. Pendant un certain temps, elle fut détenue à la prison Venershen à Amsterdam, puis dans une série de prisons et de camps en Allemagne, aboutissant à Vechta, à l'est de la frontière hollandaise, entre Oldenburg et Osnabruck. À Amsterdam, un casino occupe maintenant le terrain où la prison de Venershen était autrefois, tandis que Vechta , toujours une prison, se spécialise dans les cas d'accoutumance et est reconnue par les pénologistes pour son programme avant-gardiste d'échange de seringues. Lorsque Mona Parsons y était cependant, Vechta avait sa propre piste d'atterrissage et comprenait deux édifices distincts pour les prisonniers de guerre, l'un pour les hommes et l'autre pour les femmes. En ce temps, Mona fit la connaissance d'une concitoyenne hollandaise, la baronne Wendelien van Boetzelaer, 22 ans, alors en isolement cellulaire pour plusieurs tentatives d'invasion. Comme la jeune femme avait toujours une faim de loup, Mona lui donna une partie de sa propre ration de pommes de terre. En très peu de temps, leur amitié se scella. Elles partagèrent la même cellule aussitôt que la baronne Wendelien fut libérée de son isolement.
Débuta alors le deuxième acte. Ensemble, les deux femmes écrivirent un scénario d'évasion, en insistant sur le rôle que chacune interpréterait. La baronne parlait parfaitement allemand au détriment de Mona. Elle se ferait donc passer pour une personne à l'intelligence réduite et ayant un trouble de la parole; Wendelien parlerait pour les deux. Elles réussirent à dénicher et à cacher quelques vêtements supplémentaires pour pouvoir se déguiser en fermières allemandes et ainsi traverser l'Allemagne, jusqu'à la frontière hollandaise.
Et c'est exactement ce qu'elles firent. L'occasion leur fut prêtée, 24 mars 1945, lors d'un bombardement de la prison. Dans la confusion qui s'ensuivit, elles purent se débarrasser de leurs uniformes de prisonnières, enfiler leurs vêtements de laine et s'enfuir à pied.
En se dirigeant vers l'ouest, elles réussirent à se réfugier auprès de quelques fermiers grâce aux personnages qu'elles interprétaient. Mais, peu avant la frontière, elles furent séparées et Mona réussit à la traverser seule. À sa grande surprise et à son grand soulagement, elle constata que cette partie de la Hollande était maintenant sous le contrôle des North Nova Scotia Highlanders. Alors qu'elle se remettait à l'hôpital, Mona reçut un jour la visite d'un vieil ami de Wolfville, le major général Harry Foster, membre des North Novies.
Quelques années plus tard, lorsque son mari Willem mourut des blessures et des maladies résultant de ses années d'emprisonnement, Mona Parsons retourna à Wolfville, et y rencontra Harry Foster à nouveau. En visitant le cimetière Willowbank, tout près de Ridge Road à Wolfville, vous y trouverez sa pierre tombale.
Chose curieuse, vous ne pourrez y lire aucune mention, aussi brève soit-elle, de son courage extraordinaire, de ses escapades, ni des citations du maréchal Tedder de l'aviation britannique, ni du président américain Eisenhower. La seule inscription que vous pourrez déchiffrer sera : Mona Parsons, épouse du major général Harry Foster.
Peut-être y a-t-il quelque raison pour expliquer ce manquement. Finalement, c'est en l'an 2000 que l'historienne Andria Hill rompit le silence. Elle écrivit une émouvante et chaleureuse biographie de l'extraordinaire femme que fut Mona Parsons, de Wolfville, en Nouvelle-Écosse.