Arthur Lortie (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Arthur Lortie (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Pour le témoignage complet de M. Lortie, veuillez consulter en bas.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.


Arthur Lortie
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Le soldat Arthur Lortie posant pour la caméra avec un fusil-mitrailleur Bren et dans la main gauche une grenade britannique du modèle Mills avec la goupille dans la bouche.
Arthur Lortie
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Le soldat Arthur Lortie en compagnie d'orphelins sud-coréens (mai 1952).
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Le soldat Arthur Lortie prenant son repas dans une tranchée (été 1952).
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M. Arthur Lortie (juillet 2011).
Arthur Lortie
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Sur la ligne the front en 1952. Arthur Lortie (à gauche) tenant un serpent qu'il a abattu avec son pistolet-mitrailleur Sten.
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Là, on a monté la montagne en criant et en tirant. Des grenades, la mitrailleuse, les fusils. On a ouvert le feu comme si on était une trentaine de gars. On était à peu près 10.

Transcription

Mon père avait été militaire avec les Voltigeurs de Québec (un régiment d’infanterie faisant partie de la Réserve de l’Armée canadienne) pendant une douzaine d’années. Donc au départ on était conscient, on avait vu mon père en uniforme à la maison. On était allé le voir dans quelques parades, ainsi de suite. Donc on connaissait. Durant la guerre (de 1939-1945) j’avais 12-13 ans, Québec c’était une ville militaire à ce moment-là. On avait l’armée, la marine, l’aviation. Du monde qui arrivait à la Gare du Palais (gare ferroviaire de Québec), des blessés et tout. On allait voir ça dans notre jeunesse. On savait pas mal qu'est-ce qui se passait. Je pense que c’est ça qui nous a motivés un peu. Aussi le goût de l’aventure. Tous les jeunes, je pense, ont un goût d’aventure.

Le matin au levé, on se prépare pour faire notre propre déjeuner ou manger nos rations souvent ou aller déjeuner en bas de la montagne (en Corée) parce que les véhicules montaient jusqu'à un certain point seulement. Ils ne pouvaient pas monter sur la montagne. Aussi pour ne pas se faire bombarder parce que les Chinois. On se voyait, les Chinois des fois, ils nous voyaient aussi. On descendait la montagne et on allait prendre notre repas par groupe. Un groupe à la fois, on faisait la relève pour nos repas. Si on était sur des rations. Si on était des longues périodes sur des rations. On avait chacun notre boîte par jour de ration. Il fallait qu’on transporte nos rations. Donc, on avait des volontaires à tous les jours. Des volontaires qu’on nomme. Ils étaient volontaires pour aller chercher les rations, ça, c’était en bas. Il y avait une caisse de bières aussi. On avait droit à une bière par jour. Alors la caisse de bière il fallait que quelqu’un aille la chercher et la monte. Des fois ce n’était pas facile. Mais celui qui la montait, on avait fait un contrat. Il avait droit à une autre bière.

La vie dans la tranchée c’est dur. Tu es toujours mal propre. Y’a pas de douche, y’a pas de bain. On allait prendre des douches je dirais une fois par trois ou quatre semaines. On nous amenait en véhicule prendre des douches, à une vingtaine de kilomètres en arrière, dans un gros camion. Tu es assis dans la boîte en arrière, sur des routes de terre ou de sable. Alors quand on revenait on était… Ça rafraichissait durant la douche. C’était des douches communes. Des tentes et l’eau sort des deux côtés.

Notre travail est toujours stable. On a notre tranchée, notre partie de tranchée. On est responsable d’une section qui est d’environ 10 hommes. Alors le caporal est au centre de la section, il a son trou son dugout (abri souterrain). Les autres on a nos dugout à nous, trois par dugout à peu près. Donc, disons on a trois ou quatre dugouts dans une section. Alors le caporal contrôle ça. Les trois caporaux du peloton vont au sergent. Au dugout du sergent et lui leur donne des briefings (des rapports de situation), il leur dit ce qui se passe à chaque jour. L’information passe du commandant de peloton au sergent.

Le soir on sait qui va en patrouille, quels sont les shifts (services) de garde qu’on va faire. Parce qu’on ne dort pas une nuit. On était là 12 mois, dans 12 mois on n’a jamais dormi une nuit complète. Ça ne se peut pas, excepté que quand on revient de vacances, parce qu’au bout de six mois on nous envoie cinq jours au Japon. Ça, c’est le bonheur total. C’est sûr que ça nous fait du bien. Ça nous ressource. Mais la cinquième journée, lorsqu’on prend le véhicule le matin, on arrive, on traverse en avion qu’on arrive en Corée, on embarque dans le camion et là on remonte pour six mois. Quand on s’est en allé au Japon dans l’avion ça jasait, ça chantait. Quand on est remonté dans le camion, silence. Jusqu'à tant qu’on retourne sur la ligne de feu. Là le sergent nous attend : « Salut les gars vous êtes bien reposé! » « Vous êtes tous beaux et bien pimpants! Alors à soir sur la garde! »

Aussi on avait nous, on a toujours ce qu’on appelle un outpost (avant-poste). En avant de chaque peloton, il y a un outpost ou deux. On est trois gars, le commandant de section, un signaleur et puis un mitrailleur. Les trois on va là pour 24 heures. On s’en va dans le outpost, on fait le guet pour savoir qu'est-ce qui se passe même durant la journée souvent. Après ça on remonte et un autre groupe y va après. Des périodes, c’est nous qui avions les outposts pendant deux mois. Alors à tous les trois soirs à peu près tous les quatre soirs on allait en outpost. Tous les soirs, il y avait des patrouilles dans la vallée, tous les soirs. On avait des searchlight (projecteurs) sur les montagnes, gros searchlight qui balaient le terrain. Les patrouilles, quand ils voyaient le searchlight arriver, ils se camouflaient. Les Chinois étaient très bons là-dedans. On les voyait des fois travailler le jour (…) On ne voyait pas ce qu’ils faisaient, ainsi de suite. De temps en temps on en voyait passer dans la tranchée. On voyait qu’ils transportaient du matériel. Mais un de temps en temps qu’on voyait. Comme eux autres nous voyaient pareil. On ne pouvait pas sortir sur le dessus de notre tranchée dans la journée, on se faisait tirer. Ils tiraient. Ils ne pouvaient pas nous atteindre avec une balle, mais des fois ils envoyaient une petite bombe. Une petite vite juste pour nous rappeler… on est là.

Un raid entre autre que je me rappelle très bien. Entre nous et l’ennemi, il y avait une rivière, qu’ils appellent la rivière Han. Alors on a traversé la rivière Han. Moi j’étais mitrailleur à ce moment-là. J’étais dans l’eau jusque-là avec la Bren (fusil-mitrailleur léger britannique Bren) en dehors de l’eau, la mitrailleuse. On a traversé, on était à peu près 10 qui ont traversé. On avait un firm base (un groupe de réserve) qu’on appelait 20 hommes qui étaient restés de ce côté-ci de la rivière et qui guettait les autres pour ne pas qu’on se fasse attaquer, pour traverser. Parce que le temps qu’on traversait la rivière les Chinois qui étaient sur la montagne de l’autre côté. On était très très visible. Ça se faisait dans la nuit, il n’y avait pas de lune, rien. Mais quand même quand tu as 10 hommes dans l’eau.

Quand on a traversé ça, c’est bien passé. Le jour on avait vu le monde travailler. Le lendemain… euh… Dans la nuit lorsqu’on a traversé la rivière, on est allé en arrière de la montagne et là on fait un raid. Là, on a monté la montagne en criant et en tirant. Des grenades, la mitrailleuse, les fusils. On a ouvert le feu comme si on était une trentaine de gars. On était à peu près 10. Alors c’était le plan qui avait été donné. On n’a pas eu de retour de feu. Ce qui nous a surpris énormément. Nous autres on se disait : « Ça va craquer à soir, ça sera pas drôle ». Mais non!

Quand on s’est en venue là on avait peur. On s’est dit : « Là on va se faire prendre ». Il y a surement un guet-apens. Ils n’ont pas tiré. Alors en s’en revenant quand on va venir pour traverser la rivière et à un moment donné on va être cerné. Ou il va y avoir des Chinois qui étaient dans la vallée. L’autre patrouille, ils vont nous attendre l’autre bord. Pas du tout! On a traversé la rivière et notre signaleur malheureusement a tombé dans l’eau avec sa radio. Il a voulu possiblement le levé pour ne pas le mettre à l’eau et puis il a basculé. On a entendu un splash! Tout le monde était, ça fait un drôle de bruit, tout le monde ensemble. C’était assez drôle, mais on a continué. Le groupe qui nous attendait l’autre côté a dit à peu près à la moitié. Le sergent, le sergent Tapin qui était là, à ce moment-là. Il nous a lâché un petit cri : « Ok, les gars tout est clair, venez-vous en ».