Interview avec Jacques Renaudin.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Alors, Jacques Renaudin. Je faisais partie du 2e Bataillon du Royal 22e Régiment, 031, ça, c'est mon numéro d'infanterie. J'ai été désigné pour aller au Vietnam pour la Commission internationale de contrôle qui comprenait le Vietnam du Nord, le Vietnam du Sud, le Cambodge et le Laos. Ma principale fonction était gardien de sécurité. Mon grade était caporal dans ce temps-là, et je suis resté entre six et neuf mois. Nous avons eu des problèmes au niveau de bombardement. J'ai été impliqué sans le vouloir, naturellement, dans un bombardement dans Saigon qui était au moment de la fête des Vietnamiens qu'on appelle e la fête du Têt. Et on a reçu quelques grenades ainsi que des tirs de bazooka, qui ont été tirés par, ce qu'on appelait, des Viet Kong dans ce temps-là, c'est-à-dire des Vietnamiens du Nord. Ils ont fait beaucoup de dommages au niveau de blessés, morts et tout ce qu'on voudra. Malheureusement, j'ai assisté à ça, et ça n'a pas été un cadeau. Le deuxième point, c'est que la même chose est arrivée dans une gare, la gare de Saigon à peu près dans le même ordre de temps, mais un mois après, un mois et demi peut-être après. Ç'a été la même chose. C'était des grenades qui ont été tirées par des Viet Kong. J'ai été pris là-dedans, et puis à ce moment-là, j'avais la même vision de morts, de blessés, le monde était complètement désarticulé. Bon, s'en est suivi des cauchemars que j'ai encore d'ailleurs. Là, je suis une thérapie à l'Hôpital Sainte-Anne qui fait énormément de bien, mais qui malheureusement ne guérira jamais la vision. On a eu de la chose, mais je pense que c'est ancré dans la tête, là, c'est épouvantable. Quand il y a des circonstances qui se rapprochent de long ou de près, soit par la télévision ou soit par les accidents de la route, ou quoi que ce soit qui me met comme ça m'est déjà arrivé de voir, ça revient. Ça revient au galop. Et puis bon, on ne s'en sort pas, excepté que Sainte-Anne, ça fait du bien parce que ç'apaise un peu puis on sait quoi faire quand ça nous arrive. Alors moi, la seule chose que j'ai pour finir, c'est qu'on va dire merci au général Dallaire parce que c'est lui qui a tout mis la machine en marche. Sans ça, on serait encore dans le néant, on serait encore ignoré comme on l'a été quand on est revenu de là. On n'a jamais été soigné, on n'a jamais été questionné, on ne nous a jamais dit quoi faire, on ne nous a jamais donné rien ou quoi que ce soit. Et puis, il ne fallait pas trop parler parce que sans ça notre carrière militaire était compromise. Alors moi, ce que j'ai décidé de faire, c'est que j'ai décidé de me lancer dans le travail au maximum, et puis je me suis abruti totalement à travailler. J'ai négligé la famille naturellement parce que... Alors, c'était le fonds de pension à l'autre bout qui était important, c'était les années de service qu'on avait passées. Et puis tout ça, bien, on a ravalé, puis on a ravalé, puis on a ravalé jusqu'au jour où je n'étais plus capable de ravaler, et puis là l'affaire de Dallaire est sorti, j'ai été consulté. On nous a donné l'opportunité d'aller consulter. Et puis voilà, c'est arrivé comme ça maintenant et puis... Je suis mieux que j'étais, mais je ne suis pas bien. C'est aussi simple que ça.