Margaret Haliburton a servi dans le Service féminin de la Marine royale du Canada pendant la Deuxième Guerre mondiale. Vous pouvez lire et écouter son témoignage ci-dessous.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Je m’appelle Margaret Haliburton, ou Los pour mon nom de jeune fille, et j’étais une WREN dans le Service féminin de la Marine royale du Canada. J’étais ce qu’on appelle une opératrice radiogoniométrique haute fréquence. Comme je dis toujours, je pense que je suis la seule fille dont la mère lui a dit de s’enrôler, pas parce qu’elle voulait se débarrasser de moi, mais parce qu’elle était très aventureuse. Elle est née en 1879 et, au début du siècle, elle avait parcouru tout le Canada, la plupart du temps à cheval. Elle m’a dit un jour qu’elle ne comprenait pas ce qui se passait avec sa fille, que si elle en avait eu la chance, elle se serait enrôlée dès le premier jour. Elle était là, assez vieille pour être ma grand-mère et ayant connu de meilleurs jours. Je l’ai regardée, elle m’a lancé un « Bon! » et le lendemain je suis allée m’enrôler. J’ai eu mon instruction de base à Conestoga, comme toutes les WREN, et quand je suis arrivée là-bas, ils faisaient une annonce filmée. J’étais là, dans mes vêtements civils, mes bagages à la main, et ces belles filles à qui ces uniformes faisaient comme un gant marchaient au pas avec précision devant l’appareil-photo. C’était de toute beauté, j’aurais aimé en faire partie. Le lendemain, je devais recevoir mon uniforme et tout l’équipement. Il y avait quelques marches qui donnaient sur une terrasse, puis on entrait dans le bureau d’équipement. Lorsque j’en suis sortie, on était en train de photographier des filles (je voyais les photographes au loin) et, bien sûr, je les regardais, elles, et pas moi. Je croulais sous une pile de boîtes et de vêtements pliés au point où j’ai trébuché dans les escaliers et suis tombée à plat sur le visage. J’ai cru que l’équipe venait à mon secours, mais non, on s’est mis à photographier les objets répandus sur le plancher. Puis on est venu me demander si j’allais bien, ce à quoi j’ai répondu dans l’affirmative, et on a renchéri en me demandant si je pouvais le refaire, car ça n’avait pas été filmé. Il ne m’a pas fallu plus de deux secondes pour accepter. Toute ma carrière cinématographique tourne autour de cette petite pirouette en arrière-plan où je me ridiculise à souhait. Après l’instruction, où nous avons appris la marche au pas et beaucoup d’autres choses (je n’ai eu que deux jours, mais je savais déjà marcher au pas), je suis allée à Saint-Hyacinthe, au Québec, où il y avait une énorme école de communications. J’y suis restée neuf mois et j’y ai appris à être une officière des communications, ou officière radiogoniométrique haute fréquence. Autrement dit, nous suivions les sous-marins allemands autour de l’Atlantique. La ville de Saint-Hyacinthe était à l’époque en construction. Le capitaine ne semblait même pas avoir été informé que vingt-cinq filles s’en venaient. On nous a dit par la suite qu’il avait simplement baissé la tête sans que personne sache s’il riait ou pleurait, et il aurait dit : « Je suis dans un camp en construction et j’ai des centaines de marins qui vivent dans des conditions exécrables, dans des tentes sans installations sanitaires inadéquates. Que vais-je faire de vingt-cinq filles? »