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Ordres professionnels

Depuis 150 ans, le Québec a développé un système professionnel qui a progressivement regroupé les ordres les plus importants tant par la quantité de leurs membres que par la nature des actes qu'ils posent souvent de façon exclusive.

Ordres professionnels

Depuis 150 ans, le Québec a développé un système professionnel qui a progressivement regroupé les ordres les plus importants tant par la quantité de leurs membres que par la nature des actes qu'ils posent souvent de façon exclusive.

Après la RÉBELLION DE 1837-1838 et l'Acte d'Union (voirACTE D'UNION) de 1840, les Canadiens français ne peuvent aspirer à une certaine ascension sociale que dans le domaine des services professionnels. Le commerce, surtout le grand commerce, et la fonction publique sont, en effet, largement contrôlés par les Anglais. C'est donc surtout par l'entremise des professions libérales que les élites canadiennes-françaises vont se former et s'affirmer de 1850 à 1950.

La chambre des NOTAIRES et le Collège des médecins et chirurgiens furent les deux premières corporations (aujourd'hui, on utilise plutôt le mot « ordre ») constituées au Québec (1847). Le Barreau du BAS-CANADA voit le jour deux ans plus tard. À partir de là et jusqu'en 1974, 38 groupes ont été constitués en ordre professionnel.

Cette valorisation du professionnalisme correspond, d'une part, à la situation socio-économique particulière du Québec et, d'autre part, à la doctrine sociale de l'ÉGLISE CATHOLIQUE, force dominante de l'époque. Elle veut lutter à la fois contre le LIBÉRALISME, insensible aux inégalités, et le socialisme, qui fait trop aisément fi de la liberté des personnes. C'est la recherche d'une troisième voie. Le développement du professionnalisme s'est réalisé à des rythmes divers pendant plus d'un siècle, toujours avec une certaine incohérence. Chaque ordre jouit, en vertu de sa loi constitutive, de pouvoirs exclusifs ou non sur un secteur d'activités, réglemente et questionne éventuellement la conduite de ses membres en tentant de concilier des fonctions diverses et parfois incompatibles: promotion de la science, défense des intérêts de l'ordre et de ses membres, protection du public.

À partir des années 70, ce fouillis législatif et réglementaire, de même que les conflits entre les mandats, deviennent inacceptables. Par ailleurs, l'intervention de l'État dans le domaine de la santé exige une clarification des champs d'exercice des divers ordres professionnels et une harmonisation de leurs modes de fonctionnement.

La grande réforme de 1974
impose à tous les ordres une finalité principale pour ne pas dire unique: la protection du public. Le Code des professions précise les conditions d'attribution du statut d'ordre professionnel aux différents groupes. Ceux-ci se divisent en deux catégories: les ordres d'exercices exclusifs et les ordres à titre réservé. Les membres des premiers bénéficient du droit exclusif de poser certains actes énumérés dans leur loi constitutive et de porter le titre correspondant (p.ex. avocat, dentiste). Les membres des ordres à titre réservé sont les seuls à pouvoir porter le titre correspondant à leur activité professionnelle; en revanche, les actes professionnels relevant de ces ordres peuvent être posés par toute personne compétente, qu'elle soit ou non membre de l'ordre (p. ex. psychologue).

Tous ces ordres sont chapeautés par un organisme public, l'« Office des professions », chargé de s'assurer que chaque ordre garantit la protection du public et veille au fonctionnement harmonieux du système. Un second organisme de concertation, « le Conseil interprofessionnel », composé des présidents de chacun des ordres, soumet au ministre concerné, à la demande de ce dernier ou de sa propre initiative, son avis sur toute question pertinente.

Regroupant 265 000 membres, les 44 ordres existants en 2000, dont 24 d'exercice exclusif et 20 à titre réservé, disposent de pouvoirs d'auto-réglementation et d'auto-discipline pour remplir leur mission de protection auprès du public. Chaque ordre adopte ses propres règlements, qui sont cependant soumis à l'Office des professions pour approbation lorsqu'ils ont une incidence sur la protection du public.

Dans chaque ordre, un syndic veille au respect de la réglementation et, notamment, du Code de déontologie. Il a le pouvoir de faire enquête et de porter plainte si nécessaire. Une plainte peut également être portée par toute autre personne. La plainte est soumise au comité de discipline de chaque ordre, qui est composé de trois membres: un avocat et deux membres de l'ordre. Leur décision, peut être portée en appel devant le Tribunal des professions, formé de trois juges de la Cour du Québec. Les sanctions imposables vont de la réprimande à la radiation provisoire ou permanente, en passant par une amende de 600 $ à 6000 $ par infraction.

De plus, en coordination avec le syndic, un Comité d'inspection professionnelle surveille, dans chaque ordre, l'exercice de la profession. Le comité fait un rapport sur les lacunes qu'il constate dans la pratique de chaque membre inspecté et dans l'ensemble de la profession.

En 1994, une réforme du Code des professions visait à renforcer le rôle de protection du public confié aux ordres, notamment en augmentant le rôle et la représentation de ce dernier dans les structures du système. Par ailleurs, la plainte du syndic doit maintenant contenir une requête en radiation provisoire immédiate lorsqu'il est reproché au professionnel un acte à caractère sexuel dans ses rapports avec la personne qui le consulte et lorsqu'il y a détournement de fonds détenus en fidéicommis; il en va également ainsi dans toutes les situations où la nature de l'infraction est telle que la protection du public risque d'être compromise si le professionnel continue à exercer.