La pension de vieillesse est une initiative du gouvernement qui a pour but d’aider la population canadienne à éviter la pauvreté lorsqu'arrive le temps de la retraite. D'abord mesure dont l’unique but est de lutter contre la pauvreté, ce qui est souvent humiliant pour les personnes âgées, elle est désormais une étape reconnue de la vie moderne après le travail. Certains craignent que le système ne soit pas durable et qu’il se précipite vers la faillite, alors que d’autres maintiennent qu’il a une santé financière solide.
Loi sur la sécurité de la vieillesse
La première pension de vieillesse voit le jour en 1927 aux termes d'une loi fédérale. Financée conjointement par les gouvernements fédéral et provinciaux, elle est administrée par ces derniers, car à l'époque, les pensions sont vues comme une obligation constitutionnelle provinciale. À l'origine, le régime prévoit le versement d'une prestation mensuelle maximale de 20 $, selon les autres revenus et biens, aux sujets britanniques de 70 ans ou plus vivant au Canada depuis 20 ans au moins. Un examen des moyens de subsistance est effectué, généralement considéré comme humiliant.
En 1951, à la suite d'une modification apportée aux Lois constitutionnelles de 1867 permettant au gouvernement fédéral d'administrer un régime de pension, le Parlement adopte la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Cette loi prévoit le versement d'une pension universelle ou subvention démographique de 40 $ par mois, financée et administrée par le gouvernement fédéral. Tous les Canadiens de 70 ans ou plus qui satisfont aux exigences relativement souples en matière de résidence sont admissibles, peu importent leurs autres revenus ou biens. Le versement des prestations, imposables, commence en 1952.
Une autre loi est adoptée en même temps, soit la Loi sur l'assistance-vieillesse. Celle-ci prévoit l'octroi de prestations de 40 $ par mois aux Canadiens à la retraite et ayant entre 65 et 69 ans. Ce programme fait l'objet d'un partage égal des coûts entre les gouvernements fédéral et provinciaux et est administré par les ministères provinciaux chargés du bien-être social, qui effectuent un examen des besoins afin de déterminer l'admissibilité des personnes âgées. Celles-ci trouvent cet examen gênant et stigmatisant.
Régime de pensions du Canada
Dès 1964, bien que la pension universelle de la Sécurité de la vieillesse ait atteint 75 $ par mois, elle est généralement considérée comme insuffisante. Pour remédier à ce problème de façon durable, le gouvernement fédéral met en place en 1965 le Régime de pensions du Canada (RPC), après avoir apporté d'autres modifications aux Lois constitutionnelles de 1867. Le Québec, quant à lui, lance son programme, la Régie des rentes du Québec (RRQ), qui est identique au RPC pour tous les points importants.
Le RPC et le RRQ, régimes d'assurance obligatoires, entrent en vigueur en 1966. Ils couvrent 92 % de la population active. Les employés et employeurs sont obligés de verser une cotisation leur donnant droit, à l'âge de 65 ans, à une pension liée à la rémunération ainsi qu'à des prestations d'invalidité et de survivant, en plus d'une prestation forfaitaire de décès qui couvre les frais funéraires. La pension maximale est conçue pour remplacer le quart du salaire moyen dans l'industrie. Les travailleurs indépendants peuvent aussi souscrire au RPC ou au RRQ, qui sont entièrement transférables partout au Canada.
Supplément de revenue garanti (SRG)
Comme ni le RPC et ni le RRQ ne paient de pleines prestations de retraite avant 10 ans, le gouvernement fédéral établit, pour aider les personnes âgées à faible revenu déjà à la retraite, un supplément non imposable et assujetti à une évaluation du revenu. Ainsi, grâce à une modification apportée à la Loi sur la sécurité de la vieillesse, les retraités qui reçoivent la pension de la SV, mais peu ou pas d'autres revenus, bénéficient de ce supplément à partir de 1967. Il suffit de faire une demande annuelle, au moment de la déclaration de revenu, ce qui évite tout stigma social. Tout revenu excédant la pension est déduit du supplément, à raison d'un dollar pour un dollar. À la même époque, l'âge d'admissibilité à cette pension universelle est réduit de cinq ans, passant ainsi de 70 à 65 ans, ce qui élimine du régime fédéral des pensions l'examen des ressources et des besoins.
Quoique, au départ, le Supplément de revenu garanti (SRG) soit vu comme un programme de transition qui doit prendre fin quand le RPC ou le RRQ commenceront à verser de pleines prestations en 1976, on constate qu'une proportion considérable des prestataires a droit à une pension inférieure à la pension maximale. Cette constatation, conjuguée au fait que seule une minorité de travailleurs jouit d'un régime d'employeur, signifie que le SRG demeure un élément critique dans les efforts pour diminuer la pauvreté chez les aînés. En conséquence, le gouvernement maintient le programme, augmente sa valeur et indexe les prestations tous les trois mois sur le coût de la vie.
Allocation au conjoint (1975, 1985)
En 1975, le système de la SV et du SRG s'améliore pour une petite proportion de la population grâce à l'Allocation au conjoint (AC), qui apporte un supplément assujetti à une évaluation du revenu aux couples de personnes âgées à faible revenu dont seul un membre reçoit la SV et le SRG et dont l'autre a entre 60 et 64 ans. En 1985, le programme est élargi pour inclure les veufs et les veuves à faible revenu âgés de 60 à 64 ans et dont le conjoint décédé était prestataire de la SV et du SRG.
Débats sur la réforme des pensions
Les pensions de vieillesse s'avèrent une préoccupation d'intérêt national à partir du milieu des années 1970, surtout à cause des taux d'inflation élevés et de leurs effets sur les revenus fixes. Dans un livre vert (1982), le gouvernement fédéral précise les deux objectifs du système public de pension, soit assurer aux personnes âgées un revenu minimal (lutte contre la pauvreté) et maintenir un rapport raisonnable entre le revenu d'un individu avant et après la retraite (remplacement du revenu). La pension universelle de la SV, de même que les programmes du SRG et de l'AC, assujettis à l'évaluation du revenu, visent à atteindre l'objectif de lutte contre la pauvreté, tandis que le RPC et le RRQ, les pensions d'employeurs et l'épargne personnelle (encouragée au moyen de concessions fiscales particulières) visent à réaliser l'objectif de remplacement du revenu.
Même si, dans l'ensemble, on s'entend sur la nécessité d'entreprendre une réforme des pensions, il n'y a pas de consensus sur son orientation. Le monde des affaires, de l'industrie des régimes privés de pension et l'Ontario veulent que les améliorations viennent surtout du secteur privé. D'autres ont des vues opposées et affirment qu'il faut améliorer et élargir le système public de pension, surtout en ce qui concerne le ratio de remplacement du revenu de 25 %. Cette opinion sous-entend que les 14 000 régimes privés de pension qui existent alors sont, selon les termes utilisés dans un rapport du Comité sénatorial spécial d'enquête (1979), nettement insuffisants quant à leur couverture, à leur transférabilité, aux prestations de retraite et de survivant ainsi qu'à la protection qu'ils offrent contre l'inflation. L'approche du secteur public est favorisée par les syndicats, les groupes de femmes, les provinces du Québec et de la Saskatchewan ainsi que par les groupes de bienfaisance.
Malgré les débats, rapports et conférences nationales pendant près de dix ans, très peu de changements importants sont apportés. Quelques améliorations mineures sont faites au programme de SRG, au RCP et au RRQ. De plus, les gouvernements fédéral et provinciaux tentent, sans trop de succès, de rehausser les normes des pensions privées.
À partir de 1985, poussé par l'intérêt qu'il porte à la réduction de la dette et du déficit, le gouvernement fédéral, alors sous la gouverne des conservateurs, propose l'indexation partielle des prestations de la SV sur le taux d'inflation de plus de 3 %. Cette tentative entraîne un tel contrecoup politique que le gouvernement laisse tomber l'idée, mais l'applique avec succès à un autre programme universel, à savoir les prestations familiales.
À l'époque, il semble que la politique fédérale à l'égard des pensions de vieillesse cherche à limiter le système public de pension à l'objectif de lutte contre la pauvreté, c'est-à-dire en assurant aux personnes âgées un revenu de retraite minimum de base, mais en laissant au marché privé et aux particuliers la responsabilité de réaliser l'objectif lié au remplacement du revenu.
Régime enregistré d'épargne-retraite
En 1957, le gouvernement fédéral apporte des changements à la Loi de l'impôt sur le revenu pour encourager les travailleurs indépendants à prévoir leur fonds de retraite. Ainsi, l'argent placé dans un compte de régime enregistré d’épargne-retraite (REER), tout comme les revenus de placement connexes, est à impôt différé jusqu'au retrait de l'argent pendant ou avant la retraite. Les professionnels indépendants sont tout d'abord les principaux bénéficiaires de ce programme. En 1973, celui-ci est élargi à tous les Canadiens, en particulier à ceux qui n'ont pas de régime de pension subventionné par l'employeur. Même si tous les Canadiens y ont droit, ce sont les membres de la classe moyenne supérieure et les riches qui détiennent la grande majorité des fonds placés dans des comptes de REER, car ils ont encore des fonds à investir une fois toutes les autres dépenses payées.
Tentatives de réforme dans les années 1990
Quand les libéraux accèdent au pouvoir en 1993, ils s'attaquent eux aussi à l’élimination de la dette et du déficit. Le gouvernement affirme que, à cause du vieillissement de la population canadienne, le nombre de personnes âgées fera plus que doubler d'ici 2030. Par conséquent, pour assurer la viabilité financière du système, il lui faut absolument effectuer un certain remaniement des dispositions relatives aux pensions. Pour le gouvernement, la solution consiste à cibler les bénéfices de ceux qui en ont le plus besoin.
À l'occasion du discours du budget de 1996, le gouvernement annonce que la Prestation aux aînés, mensualité non imposable, remplacera, en 2001, les prestations actuelles de la SV et du SRG ainsi que deux crédits d'impôt pour les personnes âgées. Il affirme que, grâce à ce nouveau programme, la situation de la vaste majorité des personnes âgées se maintiendra ou s'améliorera : 75 % d'entre elles, vivant seules ou en couple, recevront au moins autant sinon davantage et le sort de 9 femmes âgées seules sur 10 s'en trouvera amélioré. Par ailleurs, les personnes de 60 ans ou plus et celles qui reçoivent déjà des prestations pourront, à leur choix, passer au nouveau système ou garder leurs prestations actuelles.
À l’occasion du budget de 1997, le gouvernement annonce le lancement d’un examen du revenu qui augmentera les prestations aux personnes âgées admissibles, tout en appliquant la disposition de récupération des prestations à celles dont le salaire dépasse la moyenne du revenu annuel. L’annonce suscite une forte opposition de la part du monde des affaires, qui a recours à des régimes de retraite privés. Ses représentants maintiennent que le régime proposé pénaliserait les personnes qui contribuent à des régimes privés. Une fois de plus, les changements ne sont pas mis en œuvre.
En 2013, le RPC et le RRQ continuent de soutenir les personnes à la retraite
Changements apportés au Régime de pensions du Canada et au Régime de rentes du Québec
Tous les cinq ans, les gouvernements fédéral et provinciaux passent en revue les activités du RPC et du RRQ. Au cours des années 1990, le RPC a souvent fait l'objet de sombres spéculations. Certains observateurs, notamment ceux qui sont du côté de l'industrie des pensions privées, croient que le vieillissement de la population canadienne, la hausse inattendue des pensions d'invalidité et le déclin du rapport entre le nombre de travailleurs et de personnes à la retraite mèneront le RPC à la faillite. Ils recommandent vivement de réduire les prestations, de hausser l'âge d'admissibilité de 65 à 67 ans et de fixer le ratio de remplacement du revenu à 22,5 %, qui pourtant, à un taux de 25 %, suffit à peine aux seules personnes qui souscrivent aussi à un régime d'entreprise à titre de supplément au RPC. Encore une fois, ces changements ne se concrétisent pas.
À l’occasion du budget fédéral de 2012, le gouvernement conservateur propose de hausser de façon graduelle l’âge d’admissibilité au RPC et au SRG de 65 à 67 ans. Le changement se fera petit à petit entre 2023 et 2029. Toute personne née en 1963 ou après sera donc admissible aux prestations à 67 ans.
Le gouvernement répond aussi aux préoccupations d’ordre budgétaire liées au financement des prestations en augmentant les cotisations de retraite et en réduisant la prestation de décès, en plus de rendre les prestations d’invalidité plus difficile à obtenir. Certaines personnes soutiennent que les rumeurs au sujet d'une faillite du RPC sont ridicules et qu'elles ne sont mises de l'avant que par des personnes pour qui la question revêt un intérêt politique ou financier. Les cotisations augmenteront, comme il a été prévu dès le début. Tout l’argent cotisé au RPC ou RRQ est placé dans un fonds. Par le passé, les provinces pouvaient emprunter cet argent à faible taux d’intérêt. De récentes lois fédérales permettent d’investir une partie de cet argent sur le marché boursier dans le but d’accroître la valeur du fonds. Il reste à savoir si cette stratégie d’investissement sera une réussite.
Voir aussi Sécurité Sociale.